14 juillet 2026 : sur les Champs-Élysées, les hommes se défilent, les robots défilent

Aujourd’hui, nos robots de guerre ressemblent plus aux voitures télécommandées qu’au Terminator. En langage militaire, le terme « robot » désigne aussi bien les « armes contrôlées à distance » (téléguidées par des humains) que les « armes autonomes » (dotées d’une intelligence artificielle lui permettant de s’adapter).

Qu’ils soient assignés à des opérations de déminage, de surveillance, d’espionnage ou de combat, ils partagent la même fonction : remplacer ou accompagner le soldat dans les tâches « dull, dirty and dangerous » (ennuyeuses, toxiques et dangereuses) et gagner en efficacité, tout en réduisant les pertes humaines.

Désormais, la robotique militaire supplante la robotique spatiale dans l’esprit des états-majors. Les stratèges expliquent que la guerre de demain sera « asymétrique », c’est-à-dire « technologique et basée sur le renseignement », selon les mots de l’ancien commandant de la force aérienne stratégique, le général Patrick Charaix.

Dès lors, les budgets alloués gonflent. À terme, la robotisation présenterait une source d’économies non négligeable pour les finances publiques. Selon le chercheur en relations internationales Antonin Tisseron, « un combattant américain envoyé en Afghanistan revient à un million de dollars par an. Or, un [robot] Packbot coûte environ 150 000 dollars ».
 
Avec un coût de R&D estimé à plusieurs dizaines de milliards de dollars, pour le seul Pentagone, c’est un marché d’avenir qui s’ouvre à l’industrie de l’armement, « dont le lobby est plus qu’actif sur ce terrain », confirme un ancien administrateur parlementaire de la Commission de la défense de l’Assemblée nationale. En effet, la robotisation entraînera vite « une course à l’armement », prédit Gérard de Boisboissel, ingénieur à Saint-Cyr Coëtquidan. « D’ici 20 à 30 ans toutes les grandes armées du monde seront équipées ».
 
Déjà, les champs de bataille du Moyen-Orient et d’Afrique subsaharienne servent de zones de tests aux robots guerriers. Selon les auteurs du site robotblog ces théâtres d’opérations accueilleraient actuellement plus de 7 000 drones et 12 000 robots terrestres type mini-chars radiocommandés.

L’avènement discret des véhicules autonomes

Ce 14 juillet 2016, vous ne verrez pas d’Iron Man sur les Champs-Élysées. Car, pour l’heure, les robots militaires restent majoritairement des véhicules (aériens, terrestres ou sous-marins).
 
Dans le ciel irakien, malien ou du Sahel l’armée française utilise, faute d’un drone européen, ceux des américains (Reaper, Prédator) ou des israéliens (Harfang). Des appareils de reconnaissance et de combat, capables de mener des frappes aériennes précises. Depuis le début de la guerre d’Irak, ces avions sans pilote auraient éliminé plus de 2 500 cibles, dont plusieurs chefs d’Al-Quaïda.
 

« L’avantage pris par les drones s’explique par le fait qu’ils se déplacent dans un milieu homogène – le ciel – ce qui n’est pas le cas des robots terrestres qui doivent affronter un milieu plus difficile », explique Eva Crück, ingénieure à la Délégation générale pour l’armement.

Cependant, sur les pavés de la plus belle avenue du monde, il n’est pas impossible que vous découvriez le Syrano. Ce projet, lancé en 1994, est le premier robot opérationnel de l’armée française. Un petit tank éclaireur, muni d’un télémètre laser 3D, de trois caméras et d’un mât de 6 mètres (c’est un pic, c’est un cap). Commandé à distance, il peut dresser la carte virtuelle d’une zone de 10 km de circonférence, en toute discrétion.
 
Il pourrait défiler aux côtés de ses trois autres camarades made in France : le Cobra MK2, le Minirogen et le Nerva du GIGN. Trois robots aux airs de voitures radiocommandées. L’un démineur, l’autre de reconnaissance, et le troisième de combat. Tous montés sur quatre roues, dotés d’une caméra 360° et manœuvrés à l’aide d’un joystick.
 
Ces véhicules autonomes, ainsi que leurs concurrents américains (Swords utilisé par la Navy depuis 2004) et russe (le Nerekhta) sont directement inspirés du Goliath de la Wehrmacht nazie : un micro-tank, monté sur chenilles et armé de bombes, chargé de s’infiltrer discrètement entre les chars ennemis pour les faire sauter. Une sorte de kamikaze d’acier.

Le 14 juillet 2026, des droïdes ouvriront-ils le défilé ?

Jusqu’à présent, le robot intervient à la place de l’homme. Demain, il interviendra aux côtés du soldat, pour améliorer son efficacité. En France, un projet de super-soldat ou plutôt de « soldat augmenté » est mis en œuvre via le programme Scorpion 1, à l’origine du système « Félin » (Fantassin à Équipement et Liaisons INtégrés de SAGEM).

Le soldat est équipé de caméras, sur son casque et son arme. Suivi en temps réel depuis un poste de commandement stratégique parisien, il est orienté dans ses déplacements et ses choix. Il n’est plus seul. Bientôt, le programme Scorpion 2 ajoutera à sa panoplie un exosquelette. Iron Man n’est donc plus très loin.

L’armée de robots autonomes est-elle pour 2026 ? Selon certains experts, à cette date, le marché global de la robotique militaire dépassera les 40 milliards de dollars. En pointe, les États-Unis, Israël, la Corée du Sud et la Russie.
 
Dès aujourd’hui, chacun de ces pays développe sa propre technologie futuriste, adaptée à ses besoins. La Corée du Sud se spécialise dans la surveillance des frontières, avec le robot sentinelle Techwin SGR-A1 Sentry Guard produit par Samsung. Israël a son SnakeBot, un impressionnant serpent espion, tout droit sorti d’un épisode des Transformers.
 
Mais les leaders en la matière sont les États-Unis, avec, entre autres projets disruptifs, le BigDog, un robo-mule à quatre pattes, transportant le matériel des soldats en zone escarpée et le Rise, un robot grimpeur à six pattes munies de micro-griffes, capable de grimper le long de murs, d’arbres ou de clôtures, ou encore le SquishBotn, un robot polymorphe de la taille d’un insecte, passant d’un état solide à un état « pâteux » pour accéder à des espaces inaccessibles – comme un trou de la serrure. Tous trois sortent des ateliers de Boston Dynamics

Ne marche-t-on pas trop vite ?

Et la France, fera-t-elle bientôt sa « robolution » ? En la matière, elle n’est pas en reste, quoiqu’elle soit discrète. Le groupe français ECA Dynamics, issu de la fusion d’ECA Group et de Wandercraft, vient de présenter à la Délégation Générale pour l’Armement un projet de robot humanoïde, ainsi qu’un exosquelette, avec objectif de mise en service d’ici 2025. De son côté, Dassault Aviation peaufine son nEUROn, un drone de combat furtif capable d’atteindre une vitesse subsonique de 980 km/h. Il rejoindra l’armée de l’air d’ici 2030.

L’engouement des militaires, industriels et ingénieurs pour les robots de guerre semble aussi grand que les craintes de certaines ONG, comme Human Rights Watch, et Prix Nobel de la paix, qui exigent le maintien d’une surveillance humaine et l’instauration « d’un traité international qui interdirait totalement le développement, la production et l’utilisation de ces armes totalement autonomes ».

Et de poser les questions qui fâchent : Un robot sera-t-il capable de comprendre qu’un ennemi veut se rendre ? Lui confira-t-on la décision de tuer ? Le risque qu’une telle arme soit piratée par l’ennemi n’est-il pas trop grand ? C’est ce qu’Eric Germain, de la délégation aux affaires stratégiques, nomme « la limite éthique du continuum sécurité-défense ».
 
Mais, pour l’heure, les machines qui défilent et défileront dans la capitale resteront commandées par une main humaine : l’intelligence artificielle n’est pas encore capable de leur permettre d’improviser face à l’imprévu. Or, la guerre n’est qu’une succession d’imprévus.

Jacques Tiberi.

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