Inventer

Aleph Farms, l’agriculture cellulaire qui crée des lamelles de bœuf en laboratoire

Des denrées d’origine animale mais fabriquées sans aucun animal ? Tel est le principe d’Aleph Farms, une société israélienne spécialisée dans l’agriculture cellulaire. Fondée en 2017, elle s’apprête à commercialiser après six ans de recherche et développement ses premières lamelles de bœuf, les Aleph Cuts, fabriquées en laboratoire à partir de cellules animales. Il s’agit bel et bien de viande, pas une imitation à base de plantes.

Cette viande née de l’agriculture cellulaire est cultivée dans un bioréacteur, un récipient dans lequel les cellules animales reçoivent tout ce dont elles ont besoin pour se développer. Elles sont alimentées constamment en oxygène, acides aminés, glucose, vitamines, sels, etc. « Il faut 4 à 6 semaines pour obtenir des lamelles de bœuf« , explique Didier Toubia, le CEO d’Aleph Farms, qui était présent au rendez-vous VivaTech qui vient de se tenir à Paris.

L’agriculture cellulaire, une solution pour respecter les limites planétaires ?

« Ce système permet de réduire l’utilisation des ressources naturelles – accaparement des terres, production de CO2, etc. – mais aussi d’améliorer la santé publique car l’agriculture cellulaire n’utilise pas d’antibiotiques et qu’il n’y a pas de risque de zoonose [maladies qui peuvent être transmis de l’animal aux humains et inversement, NDLR] », précise Didier Toubia.

En effet, chaque année les animaux d’élevage consomment plus d’antibiotiques que les êtres humains. C’est une des causes majeures de la progression de l’antibio-résistance dans le monde. En outre, l’agriculture cellulaire pourrait permettre de lutter contre un système agroalimentaire très concentré. Actuellement dans le monde, quatre grandes familles animales (porc, volaille, bœuf et mouton/chèvre) et huit plantes (maïs, blé, riz, pommes de terre, manioc, soja, patate douce et sorgho) représentent 75 % de l’alimentation mondiale. L’agriculture cellulaire pourrait mettre une bien plus grande diversité alimentaire.

Une diversité alimentaire faible : seulement 4 grandes espèces animales et 8 plantes représentent 75 % de l’alimentation mondiale.

« Produire avec juste ce qu’il faut d’énergie »

« Grâce à l’agriculture cellulaire, nous pouvons produire avec juste ce qu’il faut d’énergie. Nous n’avons pas besoin de terres arables, notre activité ne transmet pas de maladies, nous n’avons pas besoin de médicaments… Pour moi, cela peut représenter la plus grande révolution alimentaire après l’intégration du lait dans notre consommation il y a 6-7 000 ans », assure Didier Toubia. En ayant recours à de l’énergie renouvelable, Aleph Farms estime que la consommation d’équivalent CO2 peut être réduite de 92 %, l’eau de 78 % et l’utilisation des terres arables de 95 %.

Mais Aleph Farms n’ambitionne pas de se substituer à l’agriculture classique. « L’agriculture cellulaire doit rester une alternative. Elle doit permettre de réduire l’agriculture intensive si néfaste pour la planète pour promouvoir l’agriculture régénératrice et mieux prendre soin des animaux. Nous nous positionnons comme un complément, non comme une substitution », souligne le CEO d’Aleph Farms.

Commercialisation prévue au 4e trimestre 2023

Actuellement en phase de production pilote, Aleph Farms commercialisera ses lamelles de bœuf d’ici la fin de l’année. Dans un premier temps, la société proposera ses produits en Israël, aux Émirats Arabes Unis et à Singapour. Des pays où la question de la souveraineté alimentaire se pose fortement. Pour la production à grande échelle, Aleph Farms va travailler avec des partenaires locaux.

L’Europe, elle, n’est pas encore sur sa feuille de route : « Il y a des intérêts financiers très forts, notamment en France, autour des élevages bovins. Nous voulons entamer un dialogue avec les différents acteurs du secteur mais cela prendra sans doute du temps », reconnaît Didier Toubia.

Outre les lamelles de viande, Aleph Farms travaille aussi à la fabrication de collagène à partir de cellules animales. « C’est un autre domaine où nous avons identifié d’importants besoins, que ce soit en santé (douleurs articulaires : arthrose, arthrite rhumatoïde…) ou en biopharmaceutique (élasticité et soin de la peau) par exemple », ajoute-t-il. Enfin, Aleph Farms explore également la piste de la production de produits pour animaux. Une solution possible de nourrir les élevages de la manière la plus efficace possible.

SOUTENEZ WE DEMAIN, SOUTENEZ UNE RÉDACTION INDÉPENDANTE
Inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire
et abonnez-vous à notre magazine.

Recent Posts

  • Découvrir

L’oxygène sombre, une découverte scientifique majeure dans les grands fonds marins

À environ 5 kilomètres sous la surface des océans, des nodules métalliques naturels séparent hydrogène…

22 heures ago
  • Sur la route des transitions

Agriculture de précision : la connaissance des sols, une idée à creuser

WE DEMAIN accompagne le Crédit Agricole sur la Route des transitions. À cette occasion, nous…

2 jours ago
  • Déchiffrer

Anna Turrell (Decathlon) : « Nous croyons fermement que l’avenir est circulaire »

Alors que la marque outdoor Decathlon lance des produits en caoutchouc 100% naturel, Anna Turrell,…

3 jours ago
  • Ralentir

Sea Shepherd : arrêté, le justicier des mers, Paul Watson, encourt 15 ans de prison

Paul Watson, fondateur de l'ONG Sea Shepherd, a été arrêté au Groenland dimanche 21 juillet…

4 jours ago
  • Partager

Qualité de l’eau de la Seine : des améliorations mais toujours pas le feu vert pour le grand public

L'ONG Surfrider Foundation teste régulièrement la qualité de l'eau de la Seine à Paris. À…

4 jours ago
  • Ralentir

Forum de l’économie légère : demandez le programme !

Plongez dans l'économie légère lors du premier forum dédié, le 3 octobre 2024 à l'Hôtel…

4 jours ago