Partager la publication "« Il faut prendre soin des sols comme on prend soin de notre corps »"
« Le sol n’est pas vivant en lui-même, mais il est issu du vivant, abrite le vivant et supporte le vivant ». A l’occasion du premier World Living Soils Forum organisé les 1er et 2 juin 2022 à Arles par le groupe de vins et spiritueux Moët Hennesy, Kris Nichols a pris la parole sur l’urgence de prendre soin des sols vivants et de les protéger avant qu’il ne soit trop tard. Moins médiatisée que la protection des océans ou de la forêt, la problématiques des sols vivants méritent pourtant toute notre attention.
En effet, les sols contiennent trois fois plus de carbone que l’atmosphère ou la végétation. Après les océans, les sols sont le deuxième plus important puits de carbone sur Terre, devant les forêts. Docteure en microbiologie et spécialiste des sols, Kris Nichols a travaillé près de quinze ans pour l’United States Department of Agriculture (USDA) avant de devenir directrice de recherche pour la start-up américaine MyLand, qui milite en faveur de l’agriculture régénérative. Elle a aussi participé au documentaire Kiss the Ground : L’agriculture régénératrice, actuellement disponible en streaming sur Netflix.
Sur notre rapport aux sols et à ce qu’ils produisent
« Il faut prendre soin des sols comme on prend soin de notre corps. Tout comme on conseille à une personne de manger diversifié, il faut bannir la monoculture et multiplier les types de cultures dans les sols pour assurer une vraie biodiversité. Cela veut dire avoir des rotations de cultures complexes, avoir différents types de plants entremêlés, des corridors écologiques, etc. Il est aussi déconseillé à une personne de faire de trop gros repas et de manger trop en une seule fois. Pareil, pour les sols, il vaut mieux une alimentation tout au long de la journée. Et il est important de se rappeler une chose : dans chaque poignée de sol vivant en bonne santé, il y a davantage d’organismes que le total d’humains qui a jamais vécu sur Terre. »
Nos vies reposent sur la photosynthèse… et les sols
« Notre économie repose sur le carbone. Nous faisons entrer le carbone dans notre économie grâce à la photosynthèse. Pour cela, il ne faut que trois choses : du soleil, du CO2 et de l’eau. Cela permet de faire pousser des cultures et d’élever des animaux. A la base de cela, il y a la lumière du soleil et l’optimisation de l’ensoleillement. Pour cette photosynthèse, nous avons besoin du CO2, de l’eau et des sols. CO2, on a tout ce qu’il faut. L’eau, cela devient un peu plus compliqué mais on peut encore s’arranger pour optimiser son utilisation et les plantes savent déjà s’adapter pour faire cela. Reste le sol et ses indispensable micronutriments. Il est grand temps d’en prendre davantage soin car nos sols ne cessent de s’appauvrir à force d’être maltraités. »
Le soleil joue son rôle partout
« On pourrait croire qu’il y a des contrées où rien ne pousse car il y fait trop froid ou que c’est trop au nord de l’hémisphère. Comme en Arctique par exemple. C’est faux. Nous avons mené une expérimentation en Alberta [région de l’ouest du Canada, ndlr]. Là-bas, ils considèrent que la période d’ensoleillement est de 230 jours par an. Nous avons voulu leur montrer qu’elle était de 365 jours par an. Pour cela, nous avons demandé aux agriculteurs de nous envoyer des photos de ce qui poussait entre novembre et mars. Nous recevions quasiment une photo tous les jours. Et nous leur avons ainsi apporté la preuve que la lumière du soleil peut pénétrer au travers de la neige et de la glace. Donc l’activité de photosynthèse continue même en hiver. »
Sur le réchauffement climatique et les USA
« Je trouve cela terriblement triste de constater que la nécessité est toujours le moteur de l’innovation. C’est dommage qu’il faille constater les effets de plus en plus délétères du changement climatique pour vraiment prendre conscience de la nécessité de changer nos méthodes d’exploitation des sols. Et, dans ce domaine, les États-Unis vont être de plus en plus confrontés à un vrai problème. Aux USA, le système agricole est déterminé à produire des produits de basse qualité. Nous ne savons plus ce que c’est que de récolter un fruit ou un légume à maturité. Nous ne connaissons plus le goût d’un fruit ou légume mûr, sans parler de ses qualités intrinsèques, tant les cultures sont boostées avec les engrais. Le hic, c’est que de moins en moins de pays en dehors des US veulent de ce type de produits. Nous allons droit dans le mur si nous ne changeons pas nos méthodes.
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