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Artha : une innovation unique au monde pour les non-voyants

Les aveugles et malvoyants pourront bientôt s’équiper, grâce à Artha, d’un dispositif technologique inédit leur permettant de mieux percevoir leur environnement. L’idée a germé en 2017. À l’époque, sous le nom de 6e Sens, l’objectif était d’utiliser le sens du toucher pour aider les déficients visuels à gagner en autonomie. Une idée qui a séduit le jury de la Fondation Sopra Steria – Institut de France, au point que le projet a été lauréat du Prix Entreprendre pour Demain en 2018.

Depuis, le projet a fait du chemin. « Nous avons créé notre société, recruté, procédé à plusieurs levées de fonds, retravaillé en profondeur le dispositif et nous nous apprêtons maintenant à mettre le produit sur le marché d’ici 6 mois. » Rémi du Chalard, cofondateur de Artha, se remémore tout le chemin parcouru en cinq ans. « Il a d’abord fallu prouver que notre idée de substitution sensorielle était possible. Nous avons fait un premier prototype. Puis nous avons testé cela dans un monde virtuel, ensuite dans des conditions réelles puis il a fallu améliorer les performances et enfin miniaturiser l’appareil pour que ce soit un dispositif réellement nomade. »

Un appareil deux-en-un pour gagner en autonomie

Concrètement, le dispositif comporte deux éléments. D’un côté une caméra de reconnaissance 3D qui vient se clipser sur n’importe quel type de monture de lunettes. Celle-ci est ensuite reliée par un fil à une sorte de ceinture lombaire. Il s’agit en réalité d’une ceinture haptique, c’est-à-dire qu’elle envoie de petites impulsions, comme des petits picots, à la personne qui la porte. Quel message est envoyé ? « La caméra filme l’environnement en temps réel et envoie ces informations au ‘moteur’ du dispositif qui se charge, à l’aide de l’intelligence artificielle, d’analyser les obstacles, personnes, etc. Ces images sont donc interprétées et restituées sous la forme d’impulsions que le cerveau est capable de comprendre », explique Rémi du Chalard.

Cette partie du dispositif se clipse sur n’importe quelle paire de lunettes. Crédit : Artha.

Les bénéfices sont immédiats même s’il faut un peu de temps pour que le cerveau apprenne à interpréter les retours haptiques pour les traduire et comprendre les formes autour de soi. « En 10 minutes, une personne déficiente visuelle est capable de se déplacer seule grâce à notre système. En 1 à 2 heures, elle comprend déjà un certain nombre d’objets, comme une table, un être humain… L’apprentissage continue ensuite de manière permanente. Quand il est bien maîtrisé, une personne peut identifier un individu devant elle qui lui tend la main pour la serrer, par exemple », ajoute Rémi du Chalard. En outre, l’appareil est aussi capable d’identifier du texte et de le lire à voix haute via un haut-parleur intégré. Enfin, la société annonce pour l’instant une autonomie d’une journée.

Cette sorte de ceinture lombaire récupère en temps réel les informations filmées pour les transformer en signaux haptiques. Crédit : Artha.

Un vrai défi technologique pour Artha, une innovation unique au monde

Il y a énormément de transformation entre l’image filmée et les retours haptiques dans la ceinture. L’équipe d’Artha a découvert un grand nombre de choses sur le fonctionnement du cerveau et la façon dont il interprète ce que nous voyons. Au point de faire profondément évoluer le concept jusqu’à la version finalisée bientôt commercialisée. « Nous nous sommes par exemple aperçus que le plus important pour nos utilisateurs, ce n’est pas la qualité des formes représentées mais la vitesse d’affichage des informations retransmises. Nous ‘affichons’ 500 images par seconde, ce qui est bien plus qu’un écran de gamer. Avec le toucher, on perçoit des informations beaucoup plus vite », affirme le cofondateur d’Artha.

Ce dispositif, qui vient en complément de la canne blanche et/ou du chien guide, est unique au monde dans son fonctionnement. Commercialisé à 3 000 euros en pré-commande, son remboursement varie en fonction des profils des déficients visuels, de leur situation et de leur domiciliation. La vente se fera via des distributeurs spécialisés et directement sur leur site internet. Artha a aussi sécurisé une commande de l’INJA (l’Institut national des jeunes aveugles Louis Braille) qui va équiper l’ensemble de ses élèves, du primaire au lycée.

Pour les déficients visuels, cette innovation pourrait bien se révéler cruciale dans leurs quotidien. « Si cela peut permettre de faire le ménage, faire ses courses, se laver et s’habiller sans aide externe, ou si cela peut éviter à un ado d’être accompagné à l’école tous les jours par un de ses parents, ce sera un vrai succès », espère Rémi du Chalard.

Un écosystème très soudé autour du projet Artha

Si Artha est une petite équipe (5-6 personnes), l’entreprise peut compter sur tout un écosystème très enthousiaste en faveur du projet. « Une vingtaine de business angles sont venus se joindre à l’aventure au fil du temps, dont deux anciens de la Fondation Sopra Steria – Institut de France. Alain Salmon était dans le jury en 2018 quand nous avons été lauréats du Prix Entreprendre pour Demain. Il a tout de suite cru en notre projet et est devenue notre parrain pour nous accompagner au fil de l’eau. Il a même fini par investir dans notre société, tout comme Raoul Gilard [directeur industriel d’agence pour Sopra Steria Group, NDLR] », révèle le président d’Artha.

En outre, des parents d’enfants déficients visuels se montrent très présents pour soutenir le projet. Ainsi, Artha s’est déplacé récemment à Dubaï en vue d’un accord commercial pour la région. « Une mère a fait le déplacement avec nous pour venir donner son point de vue. Nous avons un orthoptiste qui nous a accompagnés à Dublin pour présenter le dispositif à une école irlandaise de malvoyants et non-voyants. » Preuve s’il en est que le projet est accueilli avec un réel enthousiasme par la communauté.

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