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Bientôt des toilettes intelligentes pour détecter des maladies

Le petit coin s’avère être un de nos meilleurs alliés en matière de santé. Les chercheurs imaginent de nouveaux modèles connectés capables d’analyser l’urine et les excréments et de repérer à un stade précoce certaines pathologies.

Le 03/08/2020 par Pauline Vallée
Les WC connectés pourraient, à l'avenir, rendre de grands services pour surveiller notre santé. (Crédit : Pauline Vallée avec Shutterstock)
Les WC connectés pourraient, à l'avenir, rendre de grands services pour surveiller notre santé. (Crédit : Pauline Vallée avec Shutterstock)

Siège chauffant, fond musical et nettoyage automatique… les toilettes connectées, implantées au Japon depuis les années 80, améliorent sensiblement l’hygiène ainsi que le confort de leurs utilisateurs. Et si certains de ces plus semblent parfois verser dans le gadget, les smart toilettes peuvent aussi avoir une vraie utilité pour surveiller la santé.

C’est ce que vient de démontrer une équipe de chercheurs de l’université américaine de Stanford qui ont dévoilé, dans le cadre d’une étude publiée le 6 avril dernier, un prototype de toilettes capable de détecter une gamme de maladies, comme l’insuffisance rénale ou le cancer de la vessie.

Notre urine révèle en effet quantité de choses sur notre santé et nos habitudes de vie : alimentation, sommeil, consommation de médicaments, mais aussi présence de pathologies comme certains cancers, le diabète et les maladies rénales. Le modèle mis au point par l’équipe de Stanford déploie deux technologies : une qui mesure le flux physique (volume, débit…) par analyse vidéo, et un test par bandelettes urinaires qui évalue une palette de biomarqueurs, comme la quantité de globules blancs ou l’apparition de saignements.

« L’avantage des toilettes intelligentes est que, contrairement à d’autres accessoires connectés, vous ne pouvez pas les enlever« , pointe Sanjiv Gambhir, l’un des co-auteurs de l’étude. « Tout le monde est amené à [les] utiliser, ce qui renforce leur potentiel pour détecter des maladies. »  

 
 
Le projet, testé par une vingtaine de volontaires pendant plusieurs mois, reste encore en phase expérimentale. Sanjiv Gambhir ne cache cependant pas son ambition de l’implanter à long terme dans l’ensemble des foyers. La partie « intelligente » de ces toilettes a été conçue en conséquence : elle devrait pouvoir s’intégrer facilement, sous forme de complément, dans n’importe quel modèle de toilette.

Un secteur en plein développement

La société japonaise Toto a été une des premières à s’intéresser au concept de toilettes intelligentes au début des années 2000. Celles-ci étaient capables de surveiller le poids et la température de l’utilisateur, ainsi que les niveaux de sucre et d’hormones dans son urine. Elles ont finalement été retirées du marché en raison d’une faible demande, indique le président des opérations et du commerce électronique de Toto auprès de NBC News MACH. La firme propose en revanche son modèle « Flowsky » aux hôpitaux afin de détecter des problèmes de débit urinaire chez leurs patients.

Aucun modèle n’étant encore commercialisé pour les particuliers, les toilettes connectées ne feront vraisemblablement pas partie de nos salles de bains avant encore quelques années.

Le concept bénéfice cependant d’un intérêt grandissant dans le monde universitaire. Le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) et l’Agence Spatiale Européenne se sont ainsi associés en 2018 pour concevoir un WC connecté baptisé « FitLoo » capable de mesurer les taux de glucose et de protéines dans les urines.

Le Rochester Institute of Technology (RIT) a également développé, dans le cadre d’une étude publiée début 2019, un siège de toilette doté de capteurs qui collectent et analysent l’oxygénation sanguine, la fréquence cardiaque et la pression artérielle de son utilisateur. Autant de données qui permettent par exemple de détecter une insuffisance cardiaque.

Le dispositif devrait prochainement être commercialisé par la start-up Heart Health Intelligence, fondée par Nicholas Conn, l’un des auteurs de l’étude du RIT. La firme new-yorkaise a levé plus de deux millions de dollars début 2020 pour produire son « Heart Seat ».

Le siège TrueLoo peut se fixer sur un WC existant. (Crédit : Toi Labs)

Toujours aux États-Unis, mais sur la côte ouest, l’entreprise Toi Labs basée à San Francisco vise une mise sur le marché de son siège connecté « TrueLoo » dès 2021.

Le dispositif, à l’image de celui conçu par les chercheurs de Standford, pourra se fixer en quelques minutes sur un WC existant, précise-t-elle sur son site internet. Il sera capable d’analyser différents paramètres dont la consistance, le volume ou la couleur des selles.

Ces start-ups devront cependant affronter un concurrent de taille : le géant américain Google a en effet récemment breveté plusieurs appareils connectés, dont un miroir, un évier et un siège de toilette capable de mesurer la tension artérielle.

Garantir la confidentialité

La plupart des modèles misent sur une identification biométrique intégrée afin de reconnaître leurs utilisateurs, et ainsi proposer un suivi personnalisée à différents membres d’un même foyer.

Les chercheurs de Stanford ont choisi de la compléter avec une option originale : outre l’identification par empreinte digitale, leur prototype intègre un système de reconnaissance par l’empreinte anale (on ne vous fait pas un dessin) qui s’avère, elle aussi, unique pour chaque individu. Qu’on se rassure, ces scans servent uniquement à des fins d’identification et ne seront jamais regardés par un être humain, que ce soit l’utilisateur ou son médecin.

La manipulation de ces données médicales ultra-sensibles pose néanmoins question : une fois collectées, que doit-on en faire ? Comment assurer leur protection ?

Le Heart Seat développé par Heart Health Intelligence sera capable de détecter des signes d’insuffisance cardiaque et prévenir automatiquement le corps médical. (Crédit : Heart Health Intelligence)

Le modèle de Stanford, couplé à une application smartphone, prévient directement une équipe de santé en cas d’anomalie, afin qu’elle puisse déterminer la marche à suivre. “Nous avons travaillé pour garantir rigoureusement que toutes les informations seront stockées de manière anonymisées sur un cloud, et que celles transmises aux soignants respecteront le Health Insurance Portability and Accountability Act [loi américaine de protection des données médicales]”, assure Sanjiv Gambhir.

De même, le “Heart Seat” dialoguera principalement avec le corps médical. “Les algorithmes analysent les données et, une fois mis au point, pourrontalerter des professionnels si la condition de l’utilisateur se détériore. Un rapport sera envoyé aux cardiologues qui détermineront ensuite si une intervention est nécessaire”, détaille le Rochester Institute of Technology . Reste à savoir si les particuliers seront prêts à renier une part de leur intimité au nom de leur santé… 

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