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Cet ingénieur breton a vécu quatre mois en autarcie grâce aux low-tech

Le 12/10/2018 par Jean-Jacques Valette

À l’heure où le GIEC remet son dernier rapport sur le changement climatique, des acteurs de la société civile travaillent à trouver des alternatives pour produire de façon plus locale et écologique.
 
C’est le cas de Corentin de Chatelperron. À 34 ans, le jeune ingénieur breton revient d’une expérience d’autarcie radicale au large de la Thaïlande, où il a construit une plateforme flottante en bambou avant de vivre à son bord pendant quatre mois

Son objectif ? Produire sa nourriture et son énergie à l’aide de « low-tech ». Des technologies simples à fabriquer avec des matériaux de récupération, qui permettent d’assurer les besoins de base de l’humanité.

« Tout a commencé en 2016, quand on est parti avec notre bateau le Nomade des mers, pour un tour du monde des low-tech, raconte Corentin. Notre but était d’aller à la rencontre des inventeurs, de reproduire leurs techniques et d’en faire des tutoriels accessibles à tout le monde sur Internet. »
 
Au Cap Vert, Corentin et les membres de l’association Low Tech Lab ont ainsi appris l’hydroponie afin de faire pousser des légumes avec un minimum d’eau. Au Sénégal, un bricoleur leur a enseigné comment fabriquer une éolienne avec un moteur électrique récupéré sur une imprimante. Au Sri-Lanka, c’est une machine capable de transformer les déchets plastiques en carburant qu’ils ont découvert.
 
Autant de technologies que Corentin et ses amis ont aussitôt appliqués sur le catamaran, véritable laboratoire flottant équipé d’une serre et même d’un petit poulailler. Mais celui-ci est rapidement devenu trop petit….

« Entre les escales, la navigation, le tournage de la série (qui sort prochainement sur Arte, ndlr), il était difficile de pouvoir tester toutes ces technologies à fond. Alors j’ai décidé de m’isoler quelques mois et d’essayer de vivre uniquement grâce à elles. »
 
Ce projet, qu’il baptise Mission Biosphère en hommage à une expérience scientifique utopiste des années 1980, le jeune ingénieur breton va le mener sur une plateforme en bambou amarrée dans une baie thaïlandaise.
 
« C’est ainsi que les pêcheurs travaillent là-bas. Quand j’ai découvert ce système, je me suis dit que c’était parfait pour mener l’expérience dans des conditions contrôlées. »

Sur cette plateforme de 140 m2, Corentin installe aux cotés de sa tente un élevage de grillons, une culture de spiruline, un potager hydroponique et un poulailler avec deux poules pour produire des œufs. Pour l’énergie, il emploie un réchaud à bois de sa conception, un four solaire, une éolienne, des panneaux solaires et même un pédalier de vélo couplé à une dynamo.
 
En tout, pas moins de trente low-tech sont testées à bord. Avec dans l’idée de créer des synergies entre elles : « Les grillons produisent du CO2, alors j’ai mis un tuyau pour en faire bénéficier la spiruline. Et l’oxygène produit par celle-ci allait jusqu’au biofiltre où des bactéries transformaient mon urine en nutriments pour le système d’hydroponie. »
 
« Le plus gros défi a été l’eau. Le dessalinisateur solaire ne marche pas encore très bien alors je dépendais surtout de l’eau de pluie que j’arrivais à récupérer. Et puis j’ai eu quelques invités un peu encombrants. Malgré le fait que j’étais sur l’eau, j’ai eu la visite de fourmis, de chenilles et même de petits geckos dans mes plantations ! »

Durant quatre mois, l’ingénieur se nourrit exclusivement de sa production, au point de refuser les cadeaux d’autochtones curieux ou la tentation d’attraper lui même un poisson. Son menu du soir au matin : des grillons poêlés agrémentés de quelques jeunes pousses, d’algues de spiruline et d’un peu du maïs de ses poules. Un plat qu’il baptise la « cachupa » et qui lui revient à environ trente centimes par jour.
 
« J’ai perdu beaucoup de poids au début, à cause du manque de protéines. Mais j’étais suivi à distance par une équipe de scientifiques dont un nutritionniste. »
 
Tous ses faits et gestes, le jeune breton les note consciencieusement dans un tableau Excel sur son ordinateur portable. « Je l’appelais la Matrix. J’y mettais autant les quantités de nourriture que je mangeais que la température de mon four solaire, le taux de pH de mes cultures de spiruline ou le nombre d’œufs produits par mes poules. »
 
Avec ces données, l’équipe du Low Tech Lab veut améliorer l’efficacité de ses inventions, qui sont ensuite publiées gratuitement sur son site Internet.

Mais le but est surtout  de démontrer leur efficacité pour répondre aux besoins de l’humanité. L’association mène actuellement une expérimentation à Lesbos, en Grèce, où elle enseigne aux migrants bloqués sur cette île à fabriquer des fours et des frigos solaires.
 
Autant de technologies vertueuses qui sortent de l’ombre grâce au Low Tech Lab. « Il peut y avoir des inventions formidables mais si personnes ne les connaît, elles ne servent à rien », se désole Corentin. Sur tous les fronts, son asso multiplie ces mois-ci les événements.
 
Outre la sortie d’une série télé le 29 octobre avec Arte, le Low Tech Lab publie un livre, organise une campagne de financement participatif et une exposition à Paris qui retrace ses découvertes sur les routes de France afin de rendre l’habitat plus durable.

Prochaine étape ? La construction d’une Tiny House autosuffisante en partenariat avec l’Ademe. Et une nouvelle saison pour le navire Nomade des Mers qui franchira en 2019 le Pacifique pour rejoindre les côtés d’Amérique Centrale. Et découvrir toujours de nouvelles low-tech !

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