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Des moustiques génétiquement modifiés, solution contre le paludisme ?

Le 25/04/2019 par Romane Brisard
Le permis de végétaliser se développe dans de nombreuses villes (Crédit : Jean-Pierre Viguié/ Mairie de Paris)
Le permis de végétaliser se développe dans de nombreuses villes (Crédit : Jean-Pierre Viguié/ Mairie de Paris)

Il n’a pas de dents, pas de griffes. Il est minuscule, à peine perceptible. Pourtant, le moustique femelle anophèle, à l’origine de la transmission de la maladie du paludisme (ou malaria), est l’un des animaux les plus meurtriers de la planète. En 2017, pas moins de 435 000 personnes en sont décédées, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Comment faire reculer ce fléau ? La question revient dans le débat en cette journée mondiale de lutte contre le paludisme. Aux yeux de certains chercheurs, la seule parade efficace consisterait à modifier le génome des moustiques, via deux méthodes, qui ne sont pas sans susciter des conflits aux sein de la communauté scientifique.

La première technique, dite de « stérilisation » par radiation, consiste à créer en laboratoire une génération de moustiques « infanticides », dotés d’un gène qui bloque le développement de leur progéniture. L’objectif étant de les libérer dans la nature de manière à ce qu’ils s’accouplent et transmettent ce gène. Les oeufs des femelles n’éclosent jamais.

La seconde méthode, appelée communément “forçage génétique”, utilise la nouvelle paire de ciseaux moléculaire CRISP-Cas. En modifiant finement l’ADN des moustiques, les scientifiques réussissent à provoquer la production d’anticorps neutralisant le parasite du paludisme chez les insectes. Cette modification génétique se transmet aussi à toute la descendance du moustique modifié.

Via ces méthodes, le paludisme pourrait donc reculer en quelques générations… si l’on fait abstraction de quelques obstacles. 

Des conséquences inconnues sur les écosystèmes

Le financement de telles méthodes est un premier frein à leur développement. Les mises en garde de certains scientifiques et ONG pèsent également dans la balance : ils sont nombreux à redouter les conséquences que pourraient avoir ces modifications génétiques sur les écosystèmes.

C’est notamment le cas du scientifique Kevin Esvelt (MIT) qui, après avoir proposé en 2014 le “forçage génétique” comme moyen de sauver la faune menacée par des espèces invasives, estime aujourd’hui qu’il s’agissait d’une erreur : « Vous ne devriez jamais concevoir et faire connaître un (tel) système, capable de se propager au-delà de la région visée », confie-t-il à l’AFP.

Il serait possible, selon ces scientifiques, que les moustiques sauvages développent au fil du temps une résistance au gène inséré. Autre crainte :  qu’une mutation non désirée s’opère au niveau d’espèces sauvages, voire de la population humaine… L’extinction des moustiques pourrait aussi avoir des conséquences sur la pollinisation des plantes sur les chaînes alimentaires.

Des dizaines de protecteurs de l’environnement et scientifiques comme la primatologue britannique Jane Goodall ont d’ailleurs signé en 2016 une demande de moratoire sur le recours à la modification génétique « étant donné les dangers évidents de libérer des gènes irrémédiablement génocidaires dans la nature ».

 

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