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En Suisse, la première usine qui capture le CO2 pour en faire de l’engrais

L’usine de l’entreprise helvète Climeworks va capturer le CO2 présent dans l’air pour le stocker dans le sol et le revendre aux serres agricoles voisines.

Le 06/06/2017 par WeDemain
Le dioxyde de carbone libéré sous l’effet de la chaleur est évacué vers la serre agricole voisine (Crédit : Climework)
Le dioxyde de carbone libéré sous l’effet de la chaleur est évacué vers la serre agricole voisine (Crédit : Climework)

Trois conteneurs empilés les uns sur les autres, contenant chacun six filtres de l’entreprise Climeworks, le tout sur une hauteur de 12 mètres… Bien que ce monstre de métal tranche avec le cadre champêtre de la petite commune de Hinwell, cette usine ne risque pas de nuire à son environnement… et pourrait même participer à bâtir un futur meilleur.

Comment ? En capturant le CO2 émis par les activités humaines, responsables du réchauffement climatique. Le tout, grâce à une technologie dite de « capture de l’air directe » (direct air capture), qui absorbe le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère. Ouverte le 31 mai par l’entreprise suisse Climeworks, spécialisée dans les énergies renouvelables, cette usine est la première du genre.

Éponges à carbone

Jusqu’à présent, les technologies à émissions négatives, c’est-à-dire destinées à capturer les gaz à effet de serre, étaient positionnées aux sources d’émission directes, comme par exemple les cheminées des centrales à charbon.
 
Le procédé de « capture de l’air directe » change la donne : les filtres des collecteurs d’air de l’usine agissent tels des éponges et prennent au piège le dioxyde de carbone déjà présent dans l’atmosphère. Plus besoin de poster le dispositif à la source d’émission pour que celui-ci soit efficace.
 
Avec cette usine d’un nouveau genre, Climeworks espère non seulement réduire la teneur de gaz carbonique de l’atmosphère, mais également en faire une activité rentable. Ses filtres brevetés sont réutilisables : il suffit de les chauffer à 100°C pour les remettre à neuf, par exemple en utilisant la chaleur d’un incinérateur de déchets.

Une partie du gaz est ensuite stockée sous terre. L’autre est revendue à des industriels ainsi qu’aux serres agricoles voisines, sous forme d’engrais, ce qui permettra « d’augmenter la croissance des laitues et autres légumes de 20 % «  assure un communiqué de l’entreprise.

Un problème se pose cependant : puisque que le dispositif de Climeworks n’est pas installé directement à la source d’émission de la pollution, il doit pouvoir traiter des concentrations de CO2 très faibles (dans des concentrations inférieures à 0,04 % de l’air), ce qui rend la technologie plus difficile à mettre en œuvre et a priori plus chère que le captage à la source.

Une mise au vert utile mais coûteuse

De plus, les volumes traités sont minimes par rapport à l’ampleur du péril climatique. L’usine de Climeworks doit capturer 900 tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de 200 voitures.

L’entreprise précise néanmoins que son procédé est 1 000 fois plus efficace que la photosynthèse des végétaux, qui elle aussi contribue à capter le C02. Et donc plus économe en termes d’empreinte au sol : chaque filtre pourrait capturer 50 tonnes de CO2 par an contre seulement 50 kg pour un arbre.

L’entreprise suisse ambitionne de capturer 1 % des émissions mondiales de CO2 d’ici 2025. Un défi de taille qui exigerait l’ouverture de 750 000 usines du même type selon Jan Wurzbacher, cofondateur de Climeworks.  Quand on sait que l’usine de Hinwil a coûté près de deux millions d’euros, cela représente un investissement colossal.

Pas de quoi décourager Jan Wurzbacher : « Si nous voulons respecter les accords de Paris, nous avons besoin non seulement de commencer à développer ces technologies mais aussi de les améliorer et les mettre en œuvre à une plus grande échelle. Pour en arriver là, nous devons réduire nos coûts en recherche de un quart à un tiers et avoir une base clientèle beaucoup plus large «  déclarait-il, cité par Vice, lors d’une conférence à l’université ETH de Zurich.

La question est : si cette technologie devient un jour rentable, ne risque-t-elle pas de devenir une excuse pour continuer à polluer ?

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