Partager la publication "La Scala Paris : la rennaissance high-tech d’un théâtre vieux de 150 ans"
La Scala Paris, « théâtre privé d’intérêt public », lit-on sur son site, a ouvert mardi 11 septembre, avec un projet ambitieux : offrir « un nouvel espace de liberté au cœur de la capitale, une salle de spectacle à la programmation chatoyante, pluridisciplinaire et vivante », mêlant théâtre, danse, musique, arts du cirque, et arts visuels. « C’est quoi ce bordel ? » ironise l’affiche de lancement, signée Tofdru. Un bordel, c’est à peu près ce qu’était devenu, à la fin du XXe siècle, le café-concert, modèle réduit de La Scala de Milan, commandé en 1871 par une riche veuve à l’architecte Pierre-Félix Delarue.
Converti en 1936 en cinéma chic (le hall d’entrée art déco fit la renommée de son architecte Maurice Gridaine), puis, dans les années 1970, en cinéma porno multiplex. La Scala devient dans les années 1980 « le plus grand des lieux de drague homo de la capitale [qui] ne crache pas sur la prostitution et les deals », comme le raconte Olivier Schmitt dans L’intégrale des ombres (Actes Sud), dédié à l’histoire romanesque du théâtre. Racheté en 1999 par l’Eglise universelle du royaume de Dieu (EURD), il n’accueillera pas la secte, faute de permis de construire.
En 2016, Mélanie et Frédéric Biessy rachètent à l’EURD le cinéma. Elle dirige une société de capital-investissement, et lui, une société de production et de diffusion de théâtre, Les Petites Heures. Ils vont investir 19 millions d’euros et mobiliser des talents de tout l’hexagone pour faire de leur acquisition un projet innovant.
Une « boîte à jouer » conçue par et pour les artistes
La Scala Paris se veut « une maison ouverte à tous les vents de la création », résume Olivier Schmitt, son conseiller artistique. « Elle s’est dotée des moyens de l’être : Mélanie et Philippe Biessy ont demandé à des centaines d’artistes quelle boîte à jouer leur permettrait de faire ce qu’ils ne pourraient pas faire ailleurs. Ce sont de leurs desiderata qu’est née La ScalaParis. »
La salle de spectacle de 400 m2 environ et d’une trentaine de mètres de haut, posée sur ressorts, peut se transformer en moins d’une heure en chapiteau de cirque, en salle de concert ou de cinéma. Les gradins, mobiles et sécables, sont pilotés électroniquement pour réaliser l’une des douze configurations possibles (public face à la scène, des deux côtés de la scène, tout autour, etc.), et accueillir 560 à 800 spectateurs.
Tapissant murs et plafond, 210 panneaux mobiles, ainsi qu’un processeur de spatialisation du son (Holophonix), permettent de reconstituer l’acoustique d’une cathédrale ou celle d’un studio d’enregistrement.
De ces outils, les artistes invités font ce qu’ils veulent, quand, et avec qui. La direction leur donne carte blanche. Yoann Bourgeois, directeur du centre chorégraphique national de Grenoble, s’est proposé pour créer le spectacle inaugural, Scala, un ballet acrobatique qui s’inspire de l’histoire morcelée et fragile du lieu.
Philippe Manoury, ponte de la musique électroacoustique, a conçu l’identité sonore du lieu. « Skala [est] une création continue en temps réel (au moment même où on l’entend) », explique-t-il. L’affluence notamment participe à la création de Skala, diffusée dans le hall, le foyer et le restaurant.
Favoriser la rencontre avec le public
Autre particularité de ce théâtre privé, la plupart des artistes sont des « pensionnaires » qui s’installent au théâtre pour plusieurs semaines voire plusieurs mois, et créent in situ, « pour donner le temps au public et aux artistes de se rencontrer », explique Olivier Schmitt. « Le compagnonnage stimule la création, permet de repérer, conseiller et accompagner les jeunes artistes dans toutes les disciplines. »
Pour insuffler à la Scala Paris une vitalité de festival, le week-end du 21 au 22 septembre a été conçu comme une fête de la musique investissant toutes les salles du théâtre, baptisée « Aux armes, contemporains ! ». Elle permettra de s’initier à tous les genres. D’autres rendez-vous, déconseillés aux moins de dix-huit ans, se prendront à minuit : premier du genre, « Prêt à baiser Sacre #1 » d’Olivier Dubois, les 12 et 13 octobre.
Informations pratiques :
Scala, de Yoann Bourgeois du 11/09 au 24/10.
La Scala Paris, 13 bd de Strasbourg 75010 / Tél. : 01 40 03 44 30
Puis en tournée à Nice, Châlons-en-Champagne, Vélizy, Amiens, Douai, La Rochelle, Lyon, Orléans, Tarbes, Marseille, Forbach, Toulon, Blagnac, Miramas, Béziers et Montpellier.
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