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Nicolas Bouzou: « Un bon travailleur a besoin d’autonomie pas d’une pointeuse »

Le 08/11/2018 par Alice Pouyat

WeDemain : Dans votre ouvrage, vous mettez en exergue la grande déception, voire le désamour, des travailleurs contemporains vis-à-vis de l’entreprise. Comment en est-on arrivé là ?

Nicolas Bouzou : L’origine de cette crise est à chercher dans l’organisation même des entreprises, qui ont été prises de court par le grand virage de la troisième révolution industrielle. La convergence de la robotique, de l’informatique et de l’intelligence artificielle a redéfini ce qu’était le travail, et exige donc de s’organiser autrement. L’entreprise doit aujourd’hui valoriser des compétences nouvelles, comme la créativité et l’autonomie : des compétences incompatibles avec le management du XXe siècle, fondé sur la verticalité, le cloisonnement et le contrôle. Les collaborateurs se retrouvent donc piégés entre ces exigences nouvelles et les contraintes managériales de l’ancien monde, qui les empêchent de s’exprimer pleinement.
 
Quels sont, concrètement, les travers de ce « management du XXe siècle » ?

Dans le livre, nous ciblons deux des grands maux quotidiens de l’entreprise aujourd’hui : les réunions et les Powerpoint. Ils symbolisent à nos yeux la tyrannie du collectif et la crise de confiance au sein des entreprises. Celles-ci continuent d’avoir peur des individualités. Multiplier les réunions et les présentations est une manière d’entretenir un contrôle généralisé de tous sur le travail de chacun, comme s’il fallait toujours garder un œil sur le voisin. De même, la grande mode de « l’intelligence collective » nous paraît nocive. Que produit-elle réellement, si ce n’est un nivellement par le bas ? Nous croyons davantage à la coopération, qui fait se rencontrer les intelligences individuelles.
 
Comment dès lors réconcilier salariés et entreprises ? 

Il y a bien sûr plusieurs niveaux d’action. Il faut travailler le fond, ne pas se limiter à la forme : ce n’est pas une cantine bio ou un escape game qui changeront la vie des collaborateurs. D’un point de vue managérial, je pense qu’il faut revoir la manière dont on choisit les managers. En France, c’est lorsque l’on est bon techniquement que l’on est promu manager, or on devrait l’être pour ses qualités d’encadrement et de leadership. Ce système est toxique pour tout le monde : les salariés, l’entreprise et le manager lui-même. Il faudrait également rendre aux RH leur rôle central dans l’entreprise. Ce sont eux qui sont capables d’attirer et de garder les talents. A mon sens, le DRH devrait être le numéro 2 de l’entreprise.
 
Vous faites aussi des propositions très pragmatiques…

Oui, car des changements simples et concrets permettent d’atteindre un management « positiviste ». Nous faisons donc 15 propositions précises. Nous préconisons par exemple le développement du télétravail, à raison de deux jours par semaine. Il a l’avantage de satisfaire les salariés, qui le plébiscitent, et d’obliger managers et collaborateurs à se faire confiance. Nous pensons aussi que les horaires fixes sont un non-sens : un bon travailleur a besoin d’autonomie, pas d’une pointeuse. Idem pour le temps passé en réunion et en brainstorming, que l’on peut facilement réduire de moitié sans perdre en efficacité. Quant aux Powerpoint et aux slides, ils simplifient dangereusement la pensée, il faut leur préférer des documents texte bien écrits et structurés, un vrai travail intellectuel plus utile à tout le monde qu’une succession de bullet points !

Vous pensez aussi que l’intelligence artificielle a un rôle à jouer. Pourquoi ?

Pour le travail et l’entreprise, l’intelligence artificielle est la meilleure nouvelle du siècle ! Après avoir fait baisser la pénibilité physique du travail, la technologie nous permet désormais de diminuer la pénibilité intellectuelle. Bien utilisée, l’IA est épanouissante pour les salariés : nous pouvons confier aux machines toutes ces tâches répétitives qui parasitent et épuisent les employés. C’est une opportunité car l’humain va pouvoir se concentrer sur la résolution des problèmes complexes et inattendus, des tâches plus valorisantes et stimulantes. Il y a certes un fort enjeu de formation en amont mais le jeu en vaut la chandelle : grâce à l’IA, nous réapprenons à penser.
 

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