Une date de péremption tactile anti-gaspillage alimentaire

Lorsque la date de péremption de nos aliments est proche, ces derniers restent-ils consommables ? Alors que certains usent de leur odorat pour s’assurer de leur fraicheur, beaucoup les jettent directement à la poubelle en cas de doute. C’est ce que démontre le rapport de l’ancien ministre délégué à l’agroalimentaire Guillaume Garot, remis mi-mai au gouvernement, selon lequel chaque habitant jette 20 à 30 kg de nourriture par an, dont 7 kg encore emballés.
 
Si le rapport présente 36 propositions pour lutter contre le gaspillage alimentaire, il affirme également que les dates de péremption seraient la raison de « la destruction du produit tant au niveau de la distribution et de la restauration que chez les consommateurs ».

DES DATES QUI SÈMENT LA CONFUSION
 
En cause, le flou autour des deux types de dates imprimées sur les produits alimentaires : la date limite de consommation (DLC, « à consommer jusqu’au… ») et la date de durabilité minimale (DDM, « à consommer de préférence avant »). La première a pour but de garantir la qualité sanitaire d’un produit, tandis que la seconde indique la date à laquelle le produit se retrouve altéré (goût, couleur…) sans toutefois présenter un risque pour la santé. La réglementation européenne impose au moins l’une de ces deux mentions sur les emballages.

Alors qu’à travers le monde, des citoyens, entrepreneurs et responsables publics tentent désormais de lutter contre le gaspillage alimentaire, une jeune étudiante anglaise a trouvé une solution pour évaluer la fraîcheur de nos aliments sans avoir recours aux DLC et DDM. Solveiga Pakstaite, c’est son nom, a développé un autocollant à base de gélatine, qui, scellée dans un film plastique collé à l’emballage, permet de déterminer l’état de l’aliment empaqueté.

UNE GÉLATINE QUI GONFLE
 
La gélatine étant un produit alimentaire naturel, elle se désintègre au même rythme que n’importe quel autre produit à base de protéines animales.
 

« La dose de gélatine peut être calibrée en fonction de la rapidité de décomposition d’un aliment, explique la désormais ex-étudiante de 22 ans. C’est comme si l’autocollant sur l’étiquette de l’emballage se calquait exactement sur la durée de vie de l’aliment à l’intérieur ». 

 
C’est là l’ingéniosité du Bump Mark, l’autocollant développé par Solveiga Pakstaite : lorsque la viande, le poisson, le fromage, les produits laitiers ou les jus de fruits commencent à se dégrader, la gélatine devient liquide, ce qui fait grossir leur emballage. D’où le nom de « bump », équivalent de « plop » en français, le son émis par la gélatine quand on la touche une fois gonflée. Un phénomène perceptible par la vue, mais aussi par le toucher, qui pourrait rendre ces autocollants utiles aux personnes aveugles. C’était précisément l’idée de départ de l’entrepreneuse.

« En plus de rechercher un dispositif qui indiquerait plus précisément l’évolution des aliments qu’une date ou un sigle imprimé, je voulais faire quelque chose pour aider les personnes souffrant d’une déficience visuelle », précise-t-elle.

 
Solveiga Pakstaite, qui a créé sa propre entreprise Design by Sol après ses études de design industriel, souhaite à présent développer un gel à base de plantes, afin d’appliquer son invention aux produits végétaux. Elle vient pour cela de se lancer dans une nouvelle phase de recherches.

UN TIERS DES ALIMENTS GÂCHÉ

Pendant ce temps, son autocollant à base de gélatine est testé dans différents supermarchés anglais. Une phase d’expérimentation de six mois rendue possible par sa collaboration avec un entrepreneur britannique : « Une fois mon invention commercialisée, j’espère simplement qu’elle sera adoptée », affirme Solveiga Pakstaite, qui raconte avoir grandi dans une famille « qui ne gaspillait pas la nourriture ».
 
Alors que des multinationales comme Coca Cola s’intéressent déjà à son autocollant, l’entrepreneuse espère qu’il permettra « réellement » de réduire le gaspillage alimentaire. Selon l’ONU et l’Institut des ressources mondiales (World Resources Institute), un tiers des aliments produits dans le monde ne parvient même pas jusqu’à nos assiettes. « Un chiffre qui nous force à délivrer les informations sur notre nourriture de façon plus intelligente », conclut Solveiga Pakstaite.

Lara Charmeil
Journaliste à We Demain
@LaraCharmeil
 
 

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