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Mont Saint-Michel : un délicat équilibre entre biodiversité et tourisme

REPORTAGE – Avec 3 millions de visiteurs par an, le Mont Saint-Michel est particulièrement prisé des Français et des touristes étrangers. Un attrait qui ne doit pas pénaliser la biodiversité.

Le 29/04/2024 par Florence Santrot
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Le projet de rétablissement du caractère maritime du Mont Saint-Michel a nécessité 20 ans. Crédit : Florence Santrot.
Le projet de rétablissement du caractère maritime du Mont Saint-Michel a nécessité 20 ans. Crédit : Florence Santrot.

Pour répondre à un problème environnemental majeur affectant le Mont Saint-Michel, le projet de rétablissement du caractère maritime du site historique et culturel a été lancé en 2003. Afin de désensabler ce lieu, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979, des travaux ont été initiés en 2005. Historiquement, le Mont Saint-Michel était entièrement entouré par la mer lors des grandes marées. Un phénomène qui contribuait à son caractère mystique et à sa défense naturelle.

Cependant, « au fil des siècles, les activités humaines, y compris la construction de digues et l’assèchement des marais environnants pour l’agriculture, ont réduit la fréquence et l’intensité des inondations maritimes, entraînant une sédimentation accrue autour du mont », rappelle Thomas Velter, directeur général de l’Établissement public (Epic) du Mont-Saint-Michel, ainsi que de son abbaye. Conséquence : un ensablement et une modification des environs du lieu le plus visité de France, juste après l’île-de-France (Paris, Versailles, etc.).

De lourds travaux pour rétablir l’aspect insulaire du Mont Saint-Michel

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Par grande marée, le pont-passerelle est submergé sur les derniers 300 mètres. Crédit : Florence Santrot.

Après la destruction, en 2006, de la digue routière qui reliait le continent au mont, elle a été remplacée par un pont-passerelle permettant à la mer de circuler librement. Le barrage sur le Couesnon, un des fleuves qui se jette dans la baie, a été reconstruit pour aider à contrôler le flux des sédiments et favoriser leur dispersion par les marées. Ce projet ambitieux visait non seulement à protéger l’écosystème unique de la baie mais aussi à rétablir l’aspect insulaire du célèbre rocher. De quoi renforcer son attrait touristique et historique. Aujourd’hui, par grande marée, le Mont Saint-Michel redevient temporairement une île. Le marnage peut en effet aller jusqu’à 16 mètres lors des marées d’équinoxe.

« Nous avons gagné 100 hectares marins en dix ans de fonctionnement du nouveau barrage. Cela a aussi permis d’intégrer deux passes à poissons, qui n’existaient pas dans la version précédente l’ouvrage, afin d’accroître la continuité écologique », se réjouit Audrey Hemon, Responsable environnement de l’Epic Mont Saint-Michel. Des saumons remontent dans le Couesnon pour venir frayer. Les anguilles, elles, font le chemin inverse, leur reproduction s’effectuant en mer. Les oiseaux profitent aussi du rétablissement du caractère maritime en se répartissant différemment dans la baie, qui s’étend sur 500 km2. « Des goélands se sont même mis à nicher dans le Mont », souligne Audrey Hemon. Enfin, la communauté de phoques de la baie – quelque 130 spécimens – s’est stabilisée. Mais le réchauffement climatique crée de nouveaux défis.

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Une des deux passes à poissons du barrage sur le Couesnon. Crédit : Florence Santrot.

Face au réchauffement climatique, une surveillance accrue autour du Mont Saint-Michel

« Nous surveillons de près la montée des eaux. Nous avons créé un comité scientifique indépendant qui se réunit tous les trois mois. Constitué de professeurs du CNRS, de l’Ifremer, d’ingénieurs hydrauliques… il assure le suivi du caractère maritime et observe les effets du réchauffement climatique. Pour l’heure, nous ne constatons pas de modification du trait de côte autour du Mont Saint-Michel. Être au fond de la baie joue en notre faveur », explique Thomas Velter. Les touristes peuvent donc continuer à profiter de la baie par marée basse. Mais tout cela reste sous bonne garde. Avec notamment l’aide des guides qui assurent la traversée de la baie en toute sécurité, les marées et les sables mouvants pouvant être piégeux.

En revanche, le réchauffement climatique se révèle de manière bien plus visible au niveau des lieux humides qui sont fragilisés par la hausse des températures. « Les dates d’assèchement des mares reculent et on observe une perte de fonctionnalité. Pour l’heure, la solution envisagée est de surcreuser ces mares pour garder l’eau le plus longtemps possible afin de favoriser la biodiversité », explique Audrey Hemon. Ces lieux humides sont en effet propices à la reproduction des amphibiens, des oiseaux et autres coléoptères aquatiques.

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Le réchauffement climatique accélère l’assèchement des mares dans la baie. Crédit : Florence Santrot.

Gérer les pics de surfréquentation pour limiter les effets sur la biodiversité

Le Mont Saint-Michel accueille 3 millions de visiteurs par an, dont 60 % de Français et 40 % d’étrangers (Europe, Japon, États-Unis, Corée du Sud…). « La vraie difficulté est de lisser la fréquentation, notamment à l’été. Nous accueillons 1 million de visiteurs rien que sur juillet-août. Nous voulons assurer un confort de visite et éviter les effets de la surfréquentation à certains horaires de la journée », note Thomas Velter. Pour cela, différentes stratégies ont été mises en place. Comme inciter le tourisme en dehors des périodes estivales et étaler les visites plus tôt le matin et tard le soir (l’affluence a lieu de 11h à 15h).

Par exemple, le Mont Saint-Michel propose la gratuité des parkings 10 mois sur 12  à partir de 18h. Et la possibilité de réserver sa place en avance (5 000 et 1 200 supplémentaires dans des champs de délestage en cas de nécessité). Les navettes gratuites – qui roulent au biocarburant et seront bientôt électrifiées – permettent ensuite d’arriver au pied du Mont Saint-Michel. Elles desservent le lieu avec des horaires très larges, permettant aux touristes et habitants de la baie de profiter jusque tard le soir des événements culturels qui se multiplient au Mont Saint-Michel.

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À bord de la navette gratuite qui relie les aires de stationnement au Mont Saint-Michel. Il est aussi possible de faire le chemin à pied. Crédit : Florence Santrot.

Enfin, les points de restauration sont incités à ouvrir en soirée, au lieu de fermer vers 18 heures. Un nouveau restaurant ouvrira aussi ses portes dans le courant de l’été 2024, accueilli dans un des bâtiments appartenant à l’État, le Logis Sainte Catherine. En partenariat avec l’entreprise normande de fabrications d’ustensiles de cuisine Mauviel1830, le chef Jean Imbert y proposera une cuisine locale et accessible.

Encourager les déplacements doux

Un espace vélo, gratuit, situé à l’entrée du site a aussi été créé, avec 70 emplacements. L’itinéraire de la Véloscénie permet de venir de Paris en quelques jours d’aventure (450 km au total). Trois autres voies existent aussi : la VéloWestNormandy (200 km depuis les plages du Débarquement, la Vélomaritime (1 500 km depuis la Mer du Nord) et la Régalante, nouvel itinéraire qui relie le Mont Saint-Michel à Nantes (275 km en passant par la Bretagne). Et ça marche : le cyclotourisme s’est accru de 45 % en deux ans.

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L’accès au Mont Saint-Michel par l’itinéraire de la Véloscénie permet de traverser les champs de prés-salés pour une arrivée majestueuse à vélo. Crédit : Florence Santrot.

Il est aussi possible de venir en train : la gare de Pontorson se situe à 10 km du Mont Saint-Michel (ligne directe depuis Paris en saison estivale) puis un bus fait la navette jusqu’au site. Pour encourager ce mode de déplacement, l’achat d’un billet de train permet une réduction de 2 euros pour visiter l’abbaye.

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