Les récits de nos lecteurs  > « Au Mexique, nous avons découvert la technologie qui transforme les excréments en fertilisants »

Written by 17 h 26 min Les récits de nos lecteurs

« Au Mexique, nous avons découvert la technologie qui transforme les excréments en fertilisants »

RÉCIT. Par Léopoldine des Guerrots et Achille Bourgois, porteurs du WIFU Project.

Le 14/12/2016 par WeDemain
RÉCIT. Par Léopoldine des Guerrots et Achille Bourgois, porteurs du WIFU Project.
RÉCIT. Par Léopoldine des Guerrots et Achille Bourgois, porteurs du WIFU Project.

p.p1 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; font: 12.0px Helvetica; -webkit-text-stroke: #000000} span.s1 {font-kerning: none} span.s2 {text-decoration: underline ; font-kerning: none; color: #4787ff; -webkit-text-stroke: 0px #4787ff} Initialement, c’était un tour du monde dans trente pays à la rencontre d’acteurs impliqués dans le développement durable et l’économie solidaire : le Projet WIFU , un voyage mené en 2012-2013 par l’entrepreneur Marc Giraud et deux amis. Quatre ans plus tard, un couple d’étudiants fasciné par ce projet décide de retourner voir les porteurs de projet rencontrés alors, et d’observer leur évolution. L’aventure WIFU est repartie ! Pour We Demain, Léopoldine et Achille racontent leurs découvertes.

Nous profitons d’une longue escale à Mexico pour rendre visite à Esther Altorfer, directrice financière de l’entreprise Sistema Biobolsa, que l’équipe de WIFU avait déjà rencontrée auparavant. Mais depuis, quel changement ! « S’il y a 4 ans nous n’étions encore qu’au stage de projet, nous sommes, aujourd’hui, une entreprise leader au Mexique« , nous annonce avec fierté Esther.

Biobolsa, c’est quoi ? L’agriculture est, sans conteste, un secteur clef du Mexique. Seulement, la répartition de l’activité agricole entre les grandes exploitations et les plus petites reste très inégale; c’est à ces dernières que l’entreprise mexicaine s’intéresse tout particulièrement. L’idée de Biobolsa est aussi simple qu’efficace et part du constat suivant : de nombreux agriculteurs stockent à côté de chez eux les excréments de leurs bêtes, pour en faire de l’engrais.

Mais le processus est long et peut surtout s’avérer dangereux pour la santé. En effet, certaines bactéries nocives risquent de s’infiltrer dans le sol, jusqu’aux nappes phréatiques lors de fortes pluies, rendant ainsi l’eau impropre à la consommation. C’est pourquoi, en 2010, Sistema Biobolsa a mis au point un biodigesteur, sorte de grand réservoir dans lequel se trouvent eau et bactéries, auxquelles on ajoute les excréments animaux afin d’accélérer leur digestion.

Faire profiter la technologie aux plus petits agriculteurs

En l’espace de quelques heures, l’agriculteur obtient, d’un côté du biogaz, et de l’autre du biol, un fertilisant naturel riche en nutriments et permettant la régénération des sols. Dès lors, il n’est plus permis de parler de déchets, en ce sens que ces derniers deviennent une matière essentielle à la production d’énergie.

À qui profite le système ? Si les grands élevages se sont pour la majeure partie dotés de ce type de biodigesteur, d’une taille relativement importante, l’objectif de Sistema Biobolsa est de faire profiter cette technologie aux plus petits agriculteurs, aux revenus moindres.

Seulement trois conditions sont requises pour percevoir l’aide de l’entreprise. Tout d’abord, l’agriculteur doit disposer d’une quantité quotidienne d’excréments suffisante, soit 19 litres. En fonction de cette quantité « pure », c’est-à-dire sans cailloux ni terre, il aura le choix entre 18 tailles de biodigesteur, de 4 à 200 mètres cube. De plus, il est nécessaire que se trouve à proximité de chez lui une source d’eau pour alimenter le réacteur du biodigesteur. Et enfin, l’agriculteur doit posséder des terres cultivables en vue de l’utilisation du biol.

Retour sur investissement en moins de deux ans

Si toutes ces conditions sont réunies, alors les techniciens de l’entreprise peuvent procéder à la mise en place du système. Elle se déroule en trois visites. A lieu dans un premier temps l’installation du biodigesteur lui-même, en quelques heures à peine. La deuxième visite, entre 80 et 190 jours plus tard, advient lors des premières émissions de biogaz et biol. La troisième et dernière visite a lieu dans les 6 prochains mois afin de contrôler le bon fonctionnement du système et d’en mesurer les impacts.

Le seul argument écologique ne serait pas suffisant pour convaincre les agriculteurs, au statut précaire, d’investir dans un appareil. Sistema Biobolsa promeut alors trois raisons d’ordre économique et financier qui terminent de les en persuader. Évidemment, cette technologie a un coût, et il n’est pas négligeable : il faut compter 1735 euros pour un biodigesteur de 20 mètres cube.

C’est pourquoi Esther et son équipe proposent une aide à l’achat aux agriculteurs. Grâce à un partenariat avec la plateforme de prêts citoyens Kiva, 500 clients ont déjà pu bénéficier d’un prêt à taux zéro pour se doter du système. Le deuxième argument, très convaincant et rassurant, est que l’agriculteur est assuré d’un retour sur investissement en moins de deux ans.

Source de revenus supplémentaire

En effet, en prenant l’exemple d’un biodigesteur de 20 mètres cube, Esther nous explique qu’un agriculteur économise chaque année 460 € en énergie et 580 € en engrais. Faites le calcul ! Enfin, la dernière raison concerne les plus gros agriculteurs avec lesquels travaille Biobolsa (c’est-à-dire les élevages d’environ 50 à 80 vaches).

Grâce au biodigesteur, ces derniers parviennent à produire une quantité de biogaz excédant leurs besoins premiers. Sistema Biobolsa leur propose alors d’acquérir un transformateur qui convertira ce biogaz en électricité. L’agriculteur peut ainsi revendre le surplus au réseau et profiter d’une source de revenus supplémentaire.

Porter secours à la planète

Que les agriculteurs, investis pour la plupart dans une activité de subsistance, se sentent concernés par ces problématiques écologiques n’est pas une évidence. Quel plan l’entreprise met-elle en place afin de se faire connaître d’une part, et de sensibiliser les agriculteurs ainsi que leur descendance d’autre part ?

L’une des dimensions fondamentales du programme de Sistema Biobolsa consiste en la présentation, dans les villages et au sein des communautés de leur produit. Des démonstrations sont organisées, des explications dispensées par les techniciens, eux-mêmes clients, ce qui donne davantage de crédibilité à leur propos.

Mais la campagne de sensibilisation ne touche pas uniquement les agriculteurs actuels. L’entreprise anticipe sur l’avenir et s’adresse aux futurs acteurs du développement durable. Dès lors, de nombreuses activités sont proposées aux enfants, les convaincant, grâce à des jeux, des chansons, des spectacles, de deux choses essentielles: la planète court un grand danger, et le biodigesteur que leurs parents utilisent peut lui porter secours.

Et pour l’avenir ? Sistema Biobolsa a fait du chemin et ne compte pas s’arrêter là. Il y a quatre ans, l’entreprise comptait à peine 6 employés contre 31 aujourd’hui, et 750 biodigesteurs installés contre 2700 à l’heure actuelle.

Adapter cette technologie au traitement des excréments humains

À l’aune de ces chiffres, on devine que l’expansion est aussi géographique. En effet, l’un des objectifs de l’entreprise est de véritablement s’inscrire sur le marché étranger. Un bureau vient d’ouvrir au Nicaragua et de nombreux pays sont ciblés par l’entreprise: Haïti, Madagascar, le Pérou et le Ghana.

Pour permettre cette croissance internationale, Sistema Biobolsa a réalisé une première levée de fonds en 2015-2016 et les investisseurs soutiennent cette stratégie. L’entreprise devra alors former des techniciens sur place pour permettre le développement de ces marchés. Et l’imagination d’Esther et ses collègues ne tarie pas, puisque l’autre grand enjeu pour l’avenir est de parvenir à adapter cette technologie au traitement des excréments humains; un moyen, entre autre, d’améliorer l’hygiène dans des bidonvilles.

Par cette logique du zéro déchet, Sistema Biobolsa s’engage au quotidien pour le bien-être des petits et moyens agriculteurs, tout autant que la protection de l’environnement. Pari gagné !

Par Léopoldine des Guerrots et Achille Bourgois pour WIFU Project.

A lire aussi :