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À bord du Vagabond au Pays de l’Ours, le voilier qui a achevé la première circumnavigation arctique

RÉCIT. Par Jean-Paul Curtay, nutrithérapeute et auteur.

Le 09/12/2016 par WeDemain
RÉCIT. Par Jean-Paul Curtay, nutrithérapeute et auteur.
RÉCIT. Par Jean-Paul Curtay, nutrithérapeute et auteur.

De l’Islande à la péninsule antarctique, Jean-Paul Curtay est parti en « croisière-expédition » autour des nouvelles routes maritimes rendues possibles suite à la fonte des glaces. Chaque semaine, il la raconte à We Demain.

Ce soir le commandant nous annonce une surprise : la rencontre avec le Vagabond, un petit bateau qui a fait de l’Arctique sa maison depuis 15 ans et son équipage : Éric Brossier, ingénieur en génie océanique, sa femme France Pinczon du Sel et leurs deux fillettes : Léonie, 9 ans et Aurore, 6 ans.

En regardant du pont, étonnement de voir un tout petit voilier rouge duquel les marins ramènent en zodiac la famille. Après qu’ils aient dîné à la table du commandant Marchesseau, nous les retrouvons dans la grande salle de réunion de l’Austral. Le Vagabond, acheté en 2000, a une coque en acier pour ne pas être broyé quand il se retrouve paralysé par la banquise.

Le voilier a fait ses armes en 2002-2003 en réalisant la première circumnavigation arctique qui cumule les passages du Nord-Ouest et du Nord-Est. Il a pu passer pour la première fois à travers le Passage du Nord-Est sans hivernage. L’hiver, le voilier est resté à Pétropavlovsk avant d’entamer le passage du Nord-Ouest dans le sens inverse du nôtre.

Changement des relations entre le climat et l’océan

Jusqu’à ce jour, 7 voiliers l’ont tenté, 2 seulement ont réussi. L’équipage s’est retrouvé une fois en situation difficile, bloqué dans les glaces au niveau du passage le plus délicat, le Détroit de Bellot, l’hélice sortie de l’eau. Puis Éric et France se sont installés, dans le cadre du programme Damoclès, une vaste étude scientifique de l’océan, de la banquise et de l’atmosphère arctiques, 5 ans au Spitzberg et 5 ans au Nunavut, sur ce voilier-maison-laboratoire, dont la mission est d’offrir une logistique scientifique permanente.

Cela permet à de nombreux chercheurs de les rejoindre sur un terrain déjà installé ou de commander des mesures à distance. Éric effectue des prélèvements d’échantillons de la banquise, de l’eau, envoie des ballons-sondes, mesure tous les paramètres de la glace, de l’eau, de l’air, des rayonnements lumineux reçus et réfléchis par la banquise… et participe à d’autres recherches scientifiques.

Elles l’ont amené à faire de la plongée dans les eaux froides – on ne peut pas rester plus d’une demi-heure à la fois – pour recueillir des algues ou de la coraline, dont les croûtes portent des stries de croissance. Celles-ci ont permis d’étudier autour de l’île de Baffin, la première grande île de l’Archipel Arctique, les changements des relations entre le climat et l’océan sur des dizaines d’années.

Un jardin flottant multicolore

Éric a aussi participé à une étude du bloom (l’efflorescence) planctonique au printemps avec une équipe de l’Université canadienne de Laval. Sous la blancheur des plaques de la banquise se développe un insoupçonné jardin flottant multicolore qui nourrit de nombreuses espèces.

Éric nous passe un petit film de 15 mn sur le Vagabond au Spitzberg, situé à 1000 km du pôle Nord, nous donnant une idée plus concrète de la vie sur le bateau. Comment se protéger du froid, comment assurer les repas, l’approvisionnement en eau à partir de la glace… Les découvertes de leur fille Léonie que l’on voit alors toute petite, fascinée par le passage des ours dans la nuit polaire.

Les moments magiques offerts par les aurores boréales… Pendant les 5 ans que la famille a passé sur les côtes du Spitzberg, 700 ours sont venus rendre visite au Vagabond ! France commente : « Ils sont surtout curieux. Il faut marquer son territoire pour éviter les dégâts car veulent tout goûter ». Par exemple la selle d’un motoneige.

En contact avec le monde

En time lapse, on voit le voilier monter et descendre sur la glace avec le mouvement des marées qui fait grincer la coque. Les visiteurs scientifiques font des sorties en motoneige, parfois en traîneaux à chiens… Les grands moments : le retour du soleil en février et le début de la débâcle en juillet qui va permettre à Vagabond de reprendre sa navigation…

Depuis Léonie a appris l’inuktitut et joue souvent le rôle d’interprète pour ses parents. Puis Aurore est arrivée. Les deux enfants se joignent aux petits inuits dans les écoles des villages les plus proches. Leurs parents complètent l’enseignement sur le bateau, surtout pour le français et les maths. Temps des questions.

« Comment restez-vous en contact avec le monde, comment assurez-vous la sécurité ? ». Nous disposons d’une radio et de 2 téléphones satellites qui permettent aussi des liaisons internet très lentes. Est-ce que Léonie peut nous dire quelque chose en inuktitut ? La petite fille, très assurée, pendant que sa petite sœur reste blottie dans la bras de sa mère, nous charme avec la musique un peu heurtée de la langue inuite.

Jean-Paul Curtay.

Explorateurs de l’Antarctique

Éric Brossier et sa famille sont les héritiers d’une très grande famille d’explorateurs français captivés par les glaces :

Dumont d’Urville, un des premiers explorateurs de l’Antarctique de 1838 à 1840, Jean Baptiste Charcot, véritable fondateur de l’étude scientifique des régions polaires à partir de 1904, qui a mis le pied à l’étrier de Paul-Emile Victor et Robert Gessain déposés en 1934 sur la côte Est du Groenland, Jean Malaurie qui a effectué plus de 30 missions du Groenland à la Sibérie, fondé la collection Terre Humaine et défendu les cultures inuites dans le monde entier, Jean Louis Etienne, qui atteint le pôle Nord en traînant en solitaire son traineau en 1986 et qui après de nombreuses autres expéditions, nous mijote un fabuleux projet, la Polar Pod Expédition, avec une plateforme haute de 100 mètres, et pesant 720 tonnes qui va se laisser dériver, bardée d’instruments scientifiques, tout autour dans le courant circumpolaire de l’Antarctique en 2017.

Pour en savoir plus : 

​www.vagabond.fr
Vagabond, cinq ans pour la banquise (au Spitzberg), d’Eric Brossier, 2010
www.youtube.com/watch?v=QBrvPaNz1Bo

Sur le Grand Océan Blanc – Les aventures de Vagabond en Arctique, 2012
www.youtube.com/watch?v=LNiCstAqGWY&index=6&list=PLy1AgRDpo4D8gclJxmneK3CV8b5XpLJZF

Timelapse de Vagabond dans la nuit polaire arctique
www.youtube.com/watch?v=HJUbsxzqnAM&list=PLlvw8Fe-bBUX30SnMQkGHMAXiZR0FMvG0

Circumpolaris, Vagabond dans l’Arctique (Glénat)

Philippe Poupon, un autre navigateur de l’arctique, du Passage du Nord Ouest et de l’Antarctique, impliqué dans des projets scientifiques www.fleuraustrale.fr

Mathieu Bonnier tente le Passage du Nord Ouest à la rame, avec son chien Tico (arrive jusqu’à Cambridge Bay) Expédition TICO : Un Homme, un Chien, un Bateau
www.youtube.com/watch?v=rtZrfqlUqdc&index=13&list=PLy1AgRDpo4D8gclJxmneK3CV8b5XpLJZF

L’aventure polaire : Jean Baptiste Charcot
www.youtube.com/watch?v=_NP8Y1OMYhQ

Les givrés du pôle Thalassa
www.youtube.com/watch?v=wqfXGHFNSNI

Alerte aux pôles, film de 2007
www.wikiwand.com/fr/Polar_Pod

Jean-Paul Curtay, a commencé par être écrivain et peintre, au sein du Mouvement Lettriste, un mouvement d’avant-garde qui a pris la suite de Dada et du surréalisme, avant de faire des études de médecine, de passer sept années aux États-Unis pour y faire connaître le Lettrisme par des conférences et des expositions, tout en réalisant une synthèse d’information sur une nouvelle discipline médicale, la nutrithérapie, qu’il a introduite en France, puis dans une dizaine de pays à partir des années 1980. 

Il est l’auteur de nombreux livres, dont Okinawa, un programme global pour mieux vivre, le rédacteur de www.lanutritherapie.fr, et continue à peindre et à voyager afin de faire l’expérience du monde sous ses aspects les plus divers.

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