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Après l’échec d’Hamon à la présidentielle, l’avenir du revenu de base en question

Après la défaite de son défenseur socialiste à l’élection présidentielle, quel avenir pour le revenu de base en France ? Le philosophe libéral Gaspard Koenig en a débattu avec le journaliste Olivier Le Naire.

Le 18/05/2017 par WeDemain
Image d'illustration (Crédit : TaxRebate.org.uk/FlickR)
Image d'illustration (Crédit : TaxRebate.org.uk/FlickR)

Thème central de la primaire de la Gauche, le revenu de base a surgi dans l’espace médiatique de manière inattendue, incarné par Benoît Hamon… mais couvrant un large spectre politique. De nombreux responsables écologistes, mais aussi Dominique De Villepin, Nathalie Kosciusko-Morizet ou encore Alain Madelin à droite se sont déjà prononcés en sa faveur.

Après l’échec de Benoît Hamon, son principal promoteur au premier tour de l’élection présidentiellle (6,35 %, pire score de l’histoire du PS), quel avenir pour cette idée qui traverse les courants politiques ?

La maison du Crowdfunding, à Paris, ouvrait ses portes la semaine dernière, à l’occasion de la conférence intitulée Quel destin pour le revenu de base après la présidentielle ?

Organisée par Crowd, le média en ligne de KissKissBankbank & co et par le média prospectif Usbek et Rica, elle a vu débattre le philosophe libéral Gaspard Koenig, également président du think-tank libéral GénérationLibre et auteur de nombreux essais dont Les Aventuriers de la Liberté (Plon, 2016) avec le journaliste Olivier Le Naire, auteur du livre Le revenu universel, une idée qui pourrait changer nos vies (Actes Sud, Coll. Domaine du Possible, 2017).

Le financement, question essentielle pour son devenir

« Quand j’ai voulu faire un papier sur le revenu de base, il y a quelques années de cela, c’est à peine si on me répondait par une tape sur l’épaule, accompagnée d’un sourire condescendant « , rappelle Olivier Le Naire, journaliste à l’Express pendant plus de 29 ans.

L’idée a depuis fait du chemin et a même trouvé un écho favorable chez une partie de la population, notamment dans l’électorat de Gauche.

Parallèlement, plusieurs pays ont mis en place des expériences afin de tester son efficacité : tirage au sort auprès de 2 000 demandeurs d’emplois bénéficiaires en Finlande, financement par le crowdfunding en Allemagne via l’association Mein Grundeinkommen, expérience pilote dans l’État du Madhya Pradesh en Inde…

Mais l’idée du revenu universel est loin d’être une et indivisible. Selon les orientations politiques, on aboutit à des schémas complètement différents. 

Pour Gaspard Koening et Olivier le Naire, les modalités de sa mise en œuvre importent énormément, en particulier la question de son financement, étape indispensable pour passer du domaine de l’expérimentation locale à une application concrète et réelle à l’échelle nationale.

Gaspard Koening cible Benoît Hamon, qui souhaitait financer (en partie) son revenu universel grâce à une taxe sur les robots, idée empruntée, selon le philosophe, à l’Américain prospectiviste, Jérémy Rifkin. Une option dangereuse selon Gaspard Koening, car elle associe le revenu de base à la raréfaction du travail du fait de l’automatisation : « C’est du reste une contre-vérité totale : (…) l’idée que la somme totale du travail va être détruite par la robotisation est tout à fait contestable. »
 
Le philosophe ajoute qu’au delà de l’effet psychologique négatif qu’elle instille dans la société, l’argument de l’érosion de l’emploi pèche par manque de rigueur économique :
 

« C’est une ânerie quand on songe que la France par rapport à ses voisins souffre d’un manque de robotisation ».

 
Ainsi, si le candidat socialiste a eu le mérite de faire émerger l’idée selon Gaspard Koening, il lui aurait aussi fait du mal. Et Olivier Le Naire de renchérir :
 

« Ce qu’a défendu Benoit Hamon, n’était pas un revenu de base. Dans une tribune dans Libération, je le comparais à Jean-Claude Dusse. Il s’est dit que sur un malentendu ça pouvait marcher. Mais il faut dissiper le malentendu si vous voulez conclure. Et il ne l’a pas fait. »

Rappelons tout de même que la « taxe robot » de Benoît Hamon n’avait vocation à intervenir qu’à l’issue d’une stratégie par étape, dont la première consistait à ouvrir le RSA aux 18-24 ans ainsi qu’aux ayants droits et de le réévaluer à hauteur de 750 euros. Une taxe qui visait, selon Hamon, à redistribuer la valeur économique et à amortir les risques liés à un marché de l’emploi de plus en plus mouvant, mis en perspective par une étude de l’OCDE.

En claire, le candidat socialiste souhaitait inscrire cette mesure dans le temps long, après une série de réformes, et n’avait pas pour intention d’en faire un moyen de financement à court terme pour le revenu universel.
 
Sur Europe 1 en février, Nicolas Matyjasik, coordinateur du projet de Benoît Hamon rappelait ainsi : « Ce n’est pas avec la seule « taxe robot » que l’on financera la totalité du revenu universel, il n’en a jamais été question. Nous savons que cette taxe ne récoltera pas des centaines de milliards d’un coup. »

 

Gaspard Koening, lui, insiste sur la mise en place d’un système de financement à travers la fiscalité des particuliers.
 

« Chez Génération Libre, comme on défend le revenu universel sur la base d’une autonomie individuelle, il est essentiel pour nous qu’il soit basé sur la fiscalité individuelle ! ».
 

Il précise que l’effet serait neutre sur l’état des dépenses publiques, argument important à ses yeux pour légitimer la mise en place du revenu universel en France.

Convaincre les décideurs économiques

Cette campagne a mis en perspective un autre point clé : vouloir instaurer le revenu universel demande beaucoup de précision, notamment sur les détails techniques de sa mise en œuvre.

Critiqué par ses opposants lors du premier débat de la primaire de gauche, qui vont jusqu’à l’accuser de favoriser une « société du farniente », Benoît Hamon a d’ailleurs dû procédé à plusieurs ajustement de sa mesure. À la veille du débat, le montant du RSA initialement fixé à 750 euros pour expérimenter le revenu de base descend à 600 euros sur son site internet, avant de repasser à 750 euros.

De même, un doute semblait planer sur les bénéficiaires de la réforme : dans une interview accordée au Monde le 9 mars, il affirme que ce ne sont plus « tous les citoyens » , mais « tous les travailleurs »  qui sont concernés par la mesure. Pour satisfaire l’aile droite de son parti après sa victoire à la primaire de la gauche, Benoît Hamon a finalement fait passer sa mesure sur le revenu de base au second plan. De la difficulté de porter une mesure venant seulement d’émerger dans le débat politique.

Quant à NKM, également favorable à l’idée de sa mise en place, elle n’y a même pas fait allusion pendant la primaire de la droite. Par peur d’être rapidement poussée dans les cordes par ses adversaires.

 

Olivier le Naire analyse ainsi :
 

 » Hamon comme NKM au moment de la présidentielle ont eu une sainte trouille de parler de ce qui casse tous les codes du travail tels qu’on les connaît depuis trois siècles. (…) L’idée qu’on n’existe et ne se libère que par le travail. « 

 
Il faudra ainsi beaucoup de temps, de débat et de pédagogie pour que l’idée fasse son chemin, estime le journaliste, qui souligne qu’au moins la parenthèse a été ouverte.

Des acteurs ont été sensibilisés pendant cette campagne, qu’il s’agisse de la société civile, ou de groupes politiques. Mais Gaspard Koening estime qu’il manque l’adhésion d’un acteur essentiel pour que le revenu de base ne s’impose : le patronat.
 
Seuls trois grandes personnalités issues du business ont plaidé en faveur du revenu universel.

Henri De Castries, ex-patron d’Axa et soutien du candidat François Fillon, défendait l’idée d’un revenu universel, lors du rendez-vous annuel de la Coface. Il l’avait présenté comme un moyen d’imaginer de nouveaux systèmes de protection pour l’individu, dans une société en pleine transformation.

Richard Bielle, patron de CFAO (distribution et services), qui réalise 3,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Afrique et Bernard Bourigeaud, le fondateur d’Atos (entreprise de services du numérique ) qui a enregistré 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires cette année, défendaient eux un « revenu de base de 500 euros par mois pour tous » dans un petit livre intitulé Le projet qu’aucun candidat ne proposera (éd. France Up !).
 
Gaspard Koening complète :
 

« Croissance Plus, qui est une sorte de Medef light, était assez réceptif à l’idée du revenu universel. Beaucoup de groupes ne demande qu’à être convaincu. »

 
Pour Olivier Le Naire, les patrons seront bien obligés sur le long terme, de prêter l’oreille à ce genre d’initiatives, « Compte tenu de l’explosion de la sécurité sociale, des baisses d’emplois disponibles par rapport à la population active et de la hausse du niveau des inégalités« . Il faudra selon lui trouver de nouveaux systèmes d’amortissage social. Le revenu de base peut se poser comme tel, selon le journaliste.
 
Même Emmanuel Macron semble également avoir été sensible à l’idée, rappelle Gaspard Koening : « Il a transformé le revenu universel en assurance chômage universel. (…) Toute personne se trouvant hors de l’emploi qu’il ait été licencié ou qu’il ait démissionné ou qu’il soit indépendant aura son assurance chômage. C’est très proche du revenu universel. Et il le finance par l’impôt ».

L’intérêt porté au revenu de base par l’actuel président, social-libéral de son état et fraîchement mandataire d’un premier ministre de droite, donne des signes encourageants quant à son avenir, selon le philosophe.
 

Le mot de la fin revient à Olivier Le Naire :
 

« Les gens réfléchiront au revenu de base à partir du moment où il y aura des histoires et des gens pour le raconter. Ces idées d’avant-garde ne fonctionnent que si vous avez un héros derrière. Il faut un Nicolas Hulot, un Pierre Rabhi, un Martin Luther King du revenu universel. »

 
Si le revenu universel ne s’imposera sans doute pas comme un système de réforme global de la société, son inscription à l’agenda politique comme un moyen de lutte contre la pauvreté constitue une piste plus que crédible. C’est d’ailleurs ce qui unit ses partisans, d’Hamon aux libéraux.
 

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