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Avec ma femme et mes enfants, nous avons quitté nos vies urbaines pour partir en roulotte

RÉCIT. Par Yannick Bernard, conférencier, auteur et coach.

Le 16/01/2017 par WeDemain
RÉCIT. Par Yannick Bernard, conférencier, auteur et coach.
RÉCIT. Par Yannick Bernard, conférencier, auteur et coach.

Ça m’a frappé comme un éclair. Le temps semble s’accélérer. Je pensais à un moment que c’était lié à un surcroît d’activité, à un trop plein d’énergie. Mais autour de moi, cela semble se vérifier. Les minutes, les heures, les jours, les semaines, les mois, les années défilent devant moi, avec cette sensation étrange d’un « chaque jour » un peu plus rapide…

Il y a plusieurs années, je courais tout le temps. Le lundi matin, le réveil sonnait vers 6 heures, je me levais, parfois péniblement, et j’enfilais mon costume (toute ressemblance avec une pièce de théâtre est fortuite !). Puis après avoir avalé le premier café de la journée, je rentrais dans ma voiture de fonction, pour attaquer, les kilomètres, enchaîner les rendez-vous, me retrouver au restaurant le midi, à l’hôtel le soir, passer un coup de téléphone à ma femme et aux enfants, préparer des contrats, avant de repartir le lendemain matin…

Enfin arrivait le week-end, je retrouvais ma famille, mon pavillon de banlieue, mon monospace, mes deux enfants et mon chien. Mais aussi les amis, les sorties, les obligations… Et c’était de nouveau lundi.

Point de bascule

Dans cette vie, c’était le rythme de la société qui me guidait. J’étais sur pilote automatique.

Toujours plus. Toujours plus vite. Toujours plus loin. Toujours plus d’argent. Toujours plus de dépenses. Toujours moins de temps.
Puis par une journée ensoleillée de juin, avec ma femme, nous avons décidé de mettre un terme à cette vie folle. Cette vie où nous courions après une carotte, comme un lévrier court après un lapin dans un champ de course.

Après une quête inatteignable qui avait fini par nous faire oublier le sens de la vie, « Être ». Un point de bascule était franchi. Pour les besoins de cet article, je fais court, mais ça n’a pas été aussi simple que ce que je vous le raconte. Qu’importe, vous allez comprendre où je veux en venir.

Changer de vie

Ce point de bascule, c’était de changer de vie. On ne savait pas du tout à cette époque ce que nous ferions plus tard. Mais à cet instant, nous venions de décider de partir en roulotte. Oui, en roulotte tractée par deux énormes chevaux de traits. Une véritable rupture avec notre mode de vie précédent.

J’ai construit ma première roulotte. De mes mains. Avec mon cœur. Mais aussi avec la vitesse. Nous voulions changer de vie, mais il fallait aller vite, il fallait construire la roulotte vite. Il fallait trouver des chevaux rapidement. En trois mois, la roulotte était construite, les chevaux étaient là… Nous étions allés vite. Mais la vie a une musique bien à elle. Le rythme de la vie, nous ne pouvons l’influencer.

Aussi, pour notre première paire de chevaux, nous nous sommes laissés escroquer. Et il a fallu laisser le temps agir. Nous avons finalement retrouvé une nouvelle paire de chevaux, et par un début d’après-midi en ce 19 avril 2013, neuf mois après le début de cette entreprise, nos chaînes se sont brisées, et nous sommes partis sur les routes à l’aventure. La plus grande qui soit, l’aventure au plus profond de nous-mêmes.

Être

Il m’aura fallu plus d’un an pour ralentir le rythme, et commencer à m’accorder un peu avec la vie. Encore une année pour trouver le sens du pas. Le pas c’est bien le rythme naturel de l’homme. Et tout « geek » que je puisse être, marcher à coté de ma roulotte au son des sabots de mes chevaux fut le plus beau des cadeaux que j’aie pu faire à mon âme.

J’ai découvert « ne rien faire ». Savez-vous que lorsque l’on ne fait rien, on ne fait pas du tout rien ? Savez-vous qu’à chaque seconde dans notre corps, se meurent et se créent 2 000 cellules ? Que notre cerveau traiterait près de mille milliards de milliards d’informations ? Savez-vous que notre peau reçoit des centaines de milliers de photons ?

Avez-vous conscience du nombre de pensées qui vous arrivent à la seconde ? Avez-vous conscience de votre environnement, là, ici et maintenant ? Comment pouvez-vous dire que vous ne faites rien ? Alors que vous faites la plus belle chose au monde, vous ÊTES.

Enfin du temps

Aussi, il a fallu que je déconstruise un modèle sociétal, bien ancré de par mon éducation et des années de système scolaire formatant – l’idée même de ne rien faire s’apparentait à de la fainéantise, du laisser-aller, du je m’en foutisme. Mais ce que j’offrais à mon corps, à mon esprit et à mon âme, c’était la possibilité d’ÊTRE. Je suis même allé jusqu’à apprécier le fait de ne rien faire. Moi pour qui seule l’action compte.

Pourtant, ma vie était remplie de choses à faire. Mais le temps était devenu mon allié. Ce que je n’ai pas fait aujourd’hui, je le ferai demain. Si j’ai pris le temps de discuter, de me balader, de ne rien faire, ce n’est pas important. Chaque jour le soleil se lève, et chaque jour le soleil se couche. Inlassablement. Il ne cherche à rien faire d’autre qu’ÊTRE lui-même. La vie en roulotte, ce n’était pas tout rose. Mais nous avions pour nous, enfin, du temps, au sens lenteur du terme.

Nouvelles habitudes

Puis nous avons décidé après deux ans et demi sur les routes, un peu comme nous avions décidé de partir en roulotte, d’évoluer. D’évoluer en même temps que nos enfants (nous en avons 3) et nous-mêmes. Il était temps de changer de mode de transport.

Continuer à voyager oui, mais nous allions passer de la roulotte tractée par deux chevaux de traits, à un ancien car scolaire, équipé de 170 chevaux. Un jour, notre grosse maison roulante fut là, devant nous. Puis j’ai tourné la clé et nous avons fait 300 kilomètres. Nous qui en faisions entre 4 et 12 maximum, et encore pas tous les jours… c’était un choc.

Assez vite, nous avons pris conscience que notre âme, elle, ne voyage pas aussi vite que notre corps physique. Qu’il nous fallait un temps « d’adaptation ». Petit à petit, nous avons pris de nouvelles habitudes, et notre conscience du temps s’est grignotée. Avec la possibilité de faire plus de choses, nous nous sommes mis à en faire davantage. Chaque semaine un peu plus, chaque mois un peu plus. Et encore un peu. Oh, oui, parfois notre corps nous rappelait à l’ordre. Il est important de ralentir. Et durant deux ou trois jours, nous tournions au ralenti, pour reprendre de plus belle.

Moyens technologiques

Et puis est arrivé ce que nous avions de plus beau à offrir au monde, ce que nous voulions faire de notre nouvelle vie. De l’énergie, de la mise en place… Les enfants, les activités des enfants, nos activités, un peu de temps pour se balader… Nous nous étions laissés entraîner de nouveau dans l’engrenage infernal de la vie… Mais pas tout à fait comme avant. Car nous avons dorénavant la conscience.

Et comme par un éclair, une illumination… J’ai compris ! Tout a eu enfin du sens. Grâce à nos moyens technologiques, nous accélérons le temps. Nous nous déplaçons de plus en plus, de plus en plus vite, de plus en plus loin. Nous travaillons de plus en plus, de plus en plus vite, de plus en plus loin. Nous achetons de plus en plus de choses, de plus en plus vite, de plus en plus loin. Nous nous informons de plus en plus, de plus en plus vite, de plus en plus loin.

Point d’équilibre permanent

Mais si j’ai retenu une chose de notre changement de vie (en fait j’en ai retenu bien plus d’une rassurez-vous !) c’est bien que la vie est un point d’équilibre permanent. N’avez-vous jamais constaté que tout n’est qu’équilibre ? Que faites-vous quand vous marchez ?

Pour qu’un équilibre se crée, il lui faut une compensation égale à son contraire. Vous poussez de 10 à droite, il vous faudra pousser de 10 à gauche pour créer un équilibre, un point zéro.

Aussi, plus nous accélérons le temps (qui cela dit en passant n’est en réalité qu’une accélération matérielle du temps), plus il nous faudra ralentir notre propre rythme pour atteindre ce point zéro.

Bon admettons que j’aie raison, bien que comme le disait Gandhi au sujet de la perception « chacun a raison de son propre point de vue, mais il n’est pas impossible que tout le monde ait tort », qu’est-ce que l’on fait avec ça ?

Quelques conseils

Voici quelques pistes, que j’ai moi-même utilisées, et que je conseille aux personnes qui viennent me consulter :

  • Je m’accorde un temps de méditation, de calme intérieur, le matin à mon réveil. Quitte à me réveiller 15 minutes plus tôt.
  • Dans ma journée, je fais des choses en conscience. « Tiens, que me procure comme sensation ce fruit lorsque je le mets dans ma bouche ? » Plusieurs fois dans la journée j’observe mon environnement, j’observe mon corps.
  • Je fais une liste des choses bonnes et utiles pour mon âme chaque semaine et m’attèle à les réaliser. Marcher dans la nature, lire un livre,…
  • Je réalise des choses qui me font plaisir. Cela me rend plus vivant. Cela me permet de réaliser de nombreuses choses dans un temps donné.
  • J’utilise une cloche de conscience. Je peux par exemple faire sonner un réveil toutes les deux heures. À chaque fois que la sonnerie retentit, je prends conscience de mon environnement.
  • J’ai de la gratitude pour ce qui est.

Niveau de conscience

Aussi, ralentir, est pour moi en réalité, augmenter mon niveau de conscience. C’est donner plus de sens à ce que je suis, à ce que je fais. C’est, ne pas oublier qu’il faut nourrir mon âme, puis un peu l’esprit, et enfin avec ce qu’il reste mon corps. De cette façon, l’accélération du temps n’a plus de prise sur moi. Le temps devient enfin mon allié. Ni trop rapide, ni trop lent. Il est ce qu’il est. Et moi je suis, ce que je suis.

Yannick Bernard.

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