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Bons baisers de 14-18 : une carte postale par jour de la Grande Guerre

Le 09/11/2018 par WeDemain

« Je voulais montrer à quel point cette guerre a bousculé le monde. »

Depuis sept ans, Thomas Dworzak, grand reporter, photographe de guerre rompu à l’urgence des conflits, à leurs dangers, s’est plongé dans les recherches, les livres et l’histoire de 14-18. Une guerre qu’il évoque aujourd’hui en 1566 cartes postales, soit autant que de jours qu’a duré la Grande Guerre, prises dans 90 pays.

Comment ce photographe qu’on imagine dopé à l’adrénaline s’est-il retrouvé dans ce travail documentaire ? La mutation s’est faite lentement, presque sans qu’il s’en aperçoive.

« Chaque année, les photographes de Magnum (Agence qu’il a rejointe en 2000 et qu’il préside depuis 2017, ndlr) font une retraite. On se retrouve pour parler projets, photographies. Et plusieurs fois, c’était en 2011, le sujet de la Première Guerre mondiale a été évoqué. Que faire à l’approche du centenaire ? Carl de Keyser était intéressé par le sujet. Ces connexions en Belgique ont fait naître un projet avec la ville de Bruges
 

Passez votre souris sur la photo pour lire sa légende

Dix photographes de Magnum avaient carte blanche pour évoquer cette guerre, mais chacun en fonction de son pays d’origine. Je suis Allemand. Or, on l’a oublié, mais il n’y a pas eu de combats en Allemagne. J’ai donc suivi les reconstitutions historiques que des associations allemandes organisaient en Europe. Et petit à petit, mon intérêt pour cette période de l’histoire a pris de l’ampleur. »

Dès lors, Thomas Dworzak ne pouvait plus envisager de passer dans un pays sans faire des recherches historiques sur son implication dans cette guerre si mondiale, ni se rendre sur les lieux évocateurs. Une histoire, un musée, une expo, un bunker, un vêtement (« Le trench-coat est né durant cette guerre » rappelle-t-il), tout faisait prétexte.

1566 photos prises aux quatre coins du monde

Pour se rendre à un mariage à Oslo alors qu’il vivait à Téhéran, il décide de faire le trajet en voiture juste pour s’arrêter en chemin suivre les traces de 14-18. « Je n’ai jamais cherché de financement pour ce projet, tout ce faisait ‘à côté’ cela m’a permis d’accumuler un maximum de lieux, de situations, d’aspects de cette guerre. »

Au fil des accumulations, des photos prises aussi bien en Serbie qu’à Singapour, au Brésil qu’en Grande-Bretagne, au Togo qu’en Thaïlande, le projet de rassembler toutes ces traces en 1566 cartes postales a pris forme. « C’est un mélange, je ne veux rien hiérarchiser, rien choisir. Le format carte postale me convient bien pour montrer à quel point cette guerre était partout. Chaque photo est comme un petit tweet. »

Le travail de mémoire

Mais pourquoi vouloir témoigner encore de la guerre ? « C’est un élément très central de ma vie. J’ai passé 25 ans à couvrir des conflits. Ce travail sur 14-18 est à l’inverse de mon travail de photographe de guerre. Il nécessite plus de réflexion, de recherches, d’exploration. Et puis, j’ai fait une partie de ma scolarité en Allemagne. Nous sommes très imprégnés par la Seconde Guerre mondiale, la mémoire, la culpabilité. Mais la Première est quasi inexistante de l’apprentissage de l’histoire ! J’ai découvert son impact, encore maintenant, sur notre monde.« 

Aujourd’hui, sa mémoire est pleine d’anecdotes, parfois anodines, toujours passionnantes. Comme celle de cette jeune femme, issue d’une riche famille de marchands allemands de Singapour. Lorsque les Anglais, qui possédaient ce territoire, sont venus les arrêter, elle s’est enfuie sur l’île de Pulau Ubin. Elle y a tellement marqué les esprits qu’aujourd’hui encore on y trouve un autel consacré à une poupée blonde.

Ou la quête, au Pays de Galles, de la tombe du dernier soldat, mort une minute avant la signature de l’Armistice. Eh oui, car Thomas Dworzak n’est pas qu’un photographe de talent : il est aussi un redoutable conteur. Au-delà du projet d’édition des cartes postales, une exposition est également envisagée. On a hâte de s’y rendre, surtout si c’est lui qui commente la visite.

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