Partager  > « La Creuse est prête à développer une filière française de cannabis thérapeutique »

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« La Creuse est prête à développer une filière française de cannabis thérapeutique »

Le 18/11/2019 par Amaury Lelu
La Riverside School a été lancée en 2001 par Kiran Bir Sethi, qui ne souhaitait pas scolariser son premier enfant dans une école sans connexion au monde''. (Crédit : HH)''
La Riverside School a été lancée en 2001 par Kiran Bir Sethi, qui ne souhaitait pas scolariser son premier enfant dans une école sans connexion au monde''. (Crédit : HH)''

Effets secondaires d’une chimiothérapie, douleurs neuropathiques, épilepsies pharmacorésistantes… certains maux pourraient être atténués par le cannabis thérapeutique. C’est du moins ce que l’Assemblée nationale a décidé d’examiner : le 25 octobre, elle a autorisée une expérimentation sur 3000 patients, dès 2020 et pour deux ans.
 
Selon l’Agence nationale du médicament (ANSM), entre 300 000 et 1 million de personnes en France pourraient être intéressées par la prise de cannabis à visée médicale. Un marché conséquent… Problème : à l’heure actuelle, la législation interdit la culture des plants en France. Le cannabis utilisé sera donc importé de l’étranger.

Mais la Creuse se positionne déjà sur ce marché lucratif. Le département a commencé la production et la transformation de cannabis. Président de la communauté d’agglomération du Grand Guéret, Eric Correia se bat depuis 2017 pour que la Creuse puisse exploiter du cannabis, afin de créer des emplois sur le territoire et faire face à la concurrence internationale. Interview.
 
 

  • En France, le cannabis thérapeutique suscite encore des craintes, notamment qu’il favorise la dépendance ou l’usage récréatif…. Comment vous êtes-vous intéressé à la question ?
 

Quand j’ai commencé à m’y intéresser, on m’a demandé si je n’avais pas trop fumé. Contrairement à certains de mes collègues politiques, je suis convaincu que le cannabis a des vertus pour accompagner le traitement des douleurs.
 
Dans mon métier d’infirmier anesthésiste, des patients atteints de sclérose en plaques prenaient des médicaments opiacés. Ils étaient dans un état léthargique, manquaient d’appétit et ne se rendaient plus forcément au travail. Certains ont arrêté leurs traitements pour fumer du cannabis, et ont pu retrouver une vie sociale. Ils en achètent de manière illégale pour tester, puis ils en plantent. J’ai trouvé ça scandaleux qu’ils soient considérés comme des délinquants et qu’ils doivent se cacher pour se soigner.
 

  • Vous avez proposé à Emmanuel Macron de faire pousser du cannabis en Creuse. Pourquoi ?

 
En 2017, une entreprise de la Creuse a mis la clé sous la porte et un peu plus de 150 personnes ont été licenciées. Dans un département qui compte 118 000 habitants (le deuxième moins peuplé de France, ndlr), chaque emploi compte. À l’époque, il y a eu une forte mobilisation des élus et on avait été reçus par Emmanuel Macron. Il nous a proposé de mettre en place une stratégie de retournement, c’est-à-dire de faire revenir des habitants par le développement économique. Et c’est là que mon métier d’infirmier anesthésiste et mon engagement d’élu se sont croisés. Je lui ai proposé de faire de la Creuse un territoire d’expérimentation, de transformation et de conditionnement du cannabis à usage thérapeutique.
 

  • Le 25 octobre, l’Assemblée nationale a autorisé l’expérimentation du cannabis thérapeutique en 2020. Comment cela va s’organiser ?

 
L’expérimentation dure deux ans et va commencer dans les centres antidouleur au sein des CHU. Les six premiers mois seront consacrés à la formation des médecins et des pharmaciens, suivis de six mois pour choisir les 3000 patients. Ensuite, il y aura six mois d’essai et six autres pour analyser l’expérimentation. Le traitement prendra la forme de fleurs séchées, d’huiles et peut-être de tisanes.
 

  • Le cannabis utilisé pour l’expérimentation sera importé. Pourquoi ?

 
Commencer l’expérimentation avec du cannabis importé, qui a déjà fait ses preuves, n’est pas dérangeant. Mais, il ne faut surtout pas se lier à des entreprises étrangères. Le laboratoire canadien Aurora fait un lobbying monstrueux en France, car c’est un marché très important. Notre pays est le plus gros consommateur de cannabis en Europe. Plus on attend, moins on a de chance de voir une filière française se mettre en place. Car il y a les Canadiens, mais aussi les Australiens et les Hollandais qui se positionnent sur notre marché.

Lors d’un déplacement à La Réunion (le 25 octobre, ndlr), le chef de l’État s’est dit favorable à la création de productions locales et a parlé de La Creuse. C’est rassurant mais il faut maintenant que ça se concrétise.                                                                                                                    

  • La Creuse est-elle prête pour la production de cannabis thérapeutique ? 

 
Parfaitement. Un laboratoire sur mon territoire fait déjà des produis stupéfiants à partir d’opium. Il est prêt à se tourner vers le cannabis. D’ailleurs, il a déjà embauché un biochimiste qui connaît parfaitement la plante, et a monté un projet avec des pharmaciens industriels. Le laboratoire pourrait être étendu sur 3000 m2 et créer de l’emploi. Mais il faut attendre que le gouvernement l’autorise à transformer la fleur pour démarrer le processus industriel.

Nous avons aussi un agriculteur qui a récolté sa première production de cannabis. Il est prêt à construire des serres car le cannabis thérapeutique nécessite un endroit clos, notamment pour éviter des pollutions avec d’autres graines. Il faut savoir qu’un hectare de blé rapporte 300 euros, contre minimum 2500 euros pour un hectare de cannabis.
 

  • Comment les agriculteurs et les laboratoires peuvent-ils se former à la production de cannabis thérapeutique ?

 
Il est prévu de créer un pôle d’excellence dans le sud de la Creuse pour former des agriculteurs. En France, on a la chance d’avoir des écoles très pointues d’ingénieurs agronomes. Il y a pas mal de Français qui travaillent dans des laboratoires au Canada ou aux États-Unis. Le savoir-faire français est reconnu… sauf en France !
 
 

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