Partager la publication "Crise climatique à l’école : « Donnons aux élèves les moyens de s’engager »"
Est-ce assez ? Réponse de Romain Bouillon, directeur adjoint de l’association Teragir, qui accompagne les écoles, collèges et lycées, dans des projets de développement durable depuis 2005, à travers le programme Eco-Ecole.
Romain Bouillon : J’ai été heureux de découvrir ces 8 mesures assez complémentaires, de voir le ministère se positionner fortement sur cette thématique. Le chantier qui me semble le plus ambitieux est de labelliser 10 000 établissements E3D en 2022, un élan intéressant !
Après, il faut voir comment cela va se traduire dans les faits. Les moyens semblent manquer. Il y a aujourd’hui une prise de conscience assez forte dans la société. Problème, il est difficile de se donner les moyens d’être cohérent avec cette prise de conscience. Cela vaut dans l’Éducation nationale, les institutions, les entreprises, ou pour moi-même !
L’éducation au développement durable (EDD), davantage présente dans les programmes mais de façon éparse, devrait-elle faire l’objet d’un enseignement à part selon vous ?
L’EDD pourrait être encore plus présente et faire l’objet d’un enseignement à part entière, mais il me semble assez cohérent que les enjeux du DD soient aussi abordés dans toutes les matières, en géographie, en économie, en biologie, en histoire, ou même en art plastique car toutes nos activités sont aujourd’hui questionnées.
En France, on confond encore trop souvent les notions de « développement durable » et d’ « environnement », or la première va bien au-delà : elle inclut la lutte contre la pauvreté, la santé, la paix dans le monde… comme l’indique l’Agenda 2030 des Nations Unies. Le défi est aujourd’hui d’améliorer les interactions entre notre activité économique, notre situation sociale et environnementale. Il me semble intéressant que tous les professeurs soient formés et impliqués.
En cette rentrée, justement sentez-vous un engagement plus marqué des enseignants et établissements sur ces questions ?
Oui, il s’est nettement accéléré ces trois dernières années avec un pic sur les 12 derniers mois, comme en témoignent les + 30 % d’inscrits à nos programmes. Les enseignants veulent faire leur part, ce qui nous réjouit et ce qui, je le précise, n’est pas évident tant ces sujets sont complexes, nécessitent une approche scientifique rigoureuse, et bien souvent une formation.
Les jeunes ont été moteurs des mobilisations pour le climat l’an passé… avec notamment des grèves scolaires. Comment les aider à s’engager au sein même des établissements ?
Les jeunes cherchent aujourd’hui des espaces pour s’engager et il est essentiel de les aider à traduire leur prise de conscience en action car, s’ils ne les trouvent pas, cela peut amener à des processus un peu destructeurs. Au moment des grèves pour le climat, l’Éducation nationale avait soudain essayé d’organiser des débats… Demain, il faut que le lieu de « l’empowerment » soit l’école elle-même.
Notre association – qui n’investit pas le champ des programmes scolaires – propose justement des outils aux établissements pour développer des projets pratiques, concrets avec les élèves. Nous faisons avec eux un diagnostic des actions prioritaires à mettre en place, leur proposons un appui méthodologique. Entre autres, nous finalisons un jeu de plateau qui permet aux élèves de comprendre le rôle qu’ils peuvent jouer dans la gestion de l’eau, des déchets, la préservation de la biodiversité, etc. Nous avons aussi lancé le concours Jeunes reporters pour l’environnement.
Que pensez-vous de la généralisation promise des éco-délégués dans toutes les classes de collège et lycée ?
Cela me semble très positif. Encore une fois, cela permet de donner une place aux élèves dans ce débat, tout en favorisant un dialogue intergénérationnel nécessaire et sans lequel on risque d’aller vers des clivages conflictuels. Ils peuvent participer aux instances de gouvernance, relayer des informations, initier des actions… Mais il faut leur donner les moyens de s’engager de manière efficace. Là encore, nous essaierons d’être un appui et préparons des outils pour cela.
Par rapport à nos voisins européens, comment se situe la France en matière d’EDD ? Des exemples inspirants ?
Je n’ai pas d’instrument de comparaison précis mais les pays scandinaves, souvent cités en exemple, ont une antériorité et multiplicité de dispositifs en place. On peut aussi regarder du côté de l’Irlande ou de l’Écosse, qui ont par exemple demandé à tous les établissements de devenir des « Eco-Schools », des Eco-Ecoles !