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Dans cette école, les élèves font la classe

Le concept de « classe mutuelle » a été développé en 2015 par un professeur et ses élèves d’un lycée parisien. Inspiré d’une méthode d’enseignement du 17e siècle, il suppose de remodeler la classe et de stimuler les élèves en s’enseignant les cours mutuellement.

Le 04/11/2019 par Victor Branquart
Les solar mamas'' (Crédit : Ahmed Benabadji)''
Les solar mamas'' (Crédit : Ahmed Benabadji)''

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« Imaginez la salle de classe idéale ». Voilà l’exercice que Vincent Faillet propose à ses élèves au début de l’année scolaire 2015. Professeur de SVT au lycée Dorian, à Paris, Vincent Faillet est alors inscrit en parallèle dans un cursus de doctorat en science de l’éducation. En lisant le Dictionnaire de la pédagogie de Ferdinand Buisson (1887 / 1911), une définition l’interpelle, celle de la salle de classe : un lieu où les élèves sont « forcément astreints à un silence, à une immobilité« . De retour au lycée, il constate que rien n’a changé depuis la fin du 19e siècle.
 
D’où l’exercice proposé à ses élèves. Rapidement, ces derniers lui présentent, avec plan à l’échelle, une version totalement rénovée et dépolarisée de cette salle de classe. Les rangées de tables orientées vers le bureau professoral ont laissé place à des îlots de travail tandis qu’un usage plus régulier, voire automatique, du tableau est plébiscité par les jeunes. « C’est là que tout a vraiment commencé, précise l’enseignant. Je me suis rendu compte que le tableau était vraiment un élément central de l’apprentissage ». Très vite, ses élèves s’approprient l’objet, pour schématiser, synthétiser, s’expliquer entre eux les notions abordées au début du cours. Le tableau est alors partagé en deux, puis en trois, avant que tous les murs ne soient recouverts de tableaux blancs.
 
« Mes élèves étaient en train de réinventer l’enseignement mutuel  « , se réjouit Vincent Faillet.

L’école mutuelle, une méthode d’enseignement ancienne

Théorisée et pratiquée en France dès la fin du 17e siècle puis popularisée jusqu’au début du 19e, cette méthode d’enseignement favorise la coopération entre des élèves de niveaux voire d’âges différents. L’idée est de faire des premiers de la classe les pivots de la méthode, en leur demandant d’expliquer le cours à leurs camarades pendant que l’enseignant, lui, se consacre aux élèves les plus en difficulté. Naturellement, des groupes se forment autour des îlots de tables, par niveaux et affinités. « L’élève est capable de savoir où il se situe par rapport aux autres et à l’enseignement. C’est aussi cela l’école de la confiance », estime Vincent Faillet.
 
Dans cette dynamique de mutualisation des apprentissages et des rôles, celui de l’enseignant s’en trouve forcément impacté. Sa place n’est plus devant, mais à l’intérieur de la classe. En donnant à ses élèves les moyens d’écrire leur propre scénario d’apprentissage, il se fait « régisseur » d’une « école de la liberté ». « Dès lors que l’on assouplit progressivement les règles, un nouvel équilibre prend forme, détaille Vincent Faillet, au sein duquel les élèves peuvent jouer un rôle très important, aux antipodes de ce que l’on pouvait imaginer ».

Des élèves valorisés

En novembre 2018, à la fin d’un cours, il encourage sa classe à imaginer une manière d’aider ceux qui ont mal saisi certaines notions de géologie. La semaine suivante, une élève présente à ses camarades une maquette en polystyrène, « quelque chose d’exceptionnel, de beau et de bien pensé ». La présentation est filmée, postée sur Twitter, partagée des centaines de fois. « L’école a pu valoriser ces compétences, ça a métamorphosé cette élève, ajoute Vincent Faillet. Accorder sa confiance c’est aussi dire à ses élèves qu’ils sont capables de faire autre chose que d’apprendre leurs leçons. »
 
Au lycée Dorian, une quinzaine de professeurs de sciences, de lettres ou de mathématiques pratiquent aujourd’hui, plus ou moins assidûment, la classe mutuelle. Sur internet, un forum dédié regroupe près de 130 enseignants qui partagent et témoignent de leurs expériences. « Si elle peut être pratiquée dans toutes les disciplines, cette méthode ne correspond pas à tous les enseignants », nuance Vincent Faillet. Adopter cette organisation de salle de classe suppose d’abord de ré-orienter son approche pédagogique.

 
De son côté, Vincent Faillet rêve de voir se démocratiser, dans tous les établissements scolaires, un modèle de classe flexible, rapidement et librement adaptable quels que soient la discipline, le moment ou les choix pédagogiques des enseignants.

Vincent Faillet est l’auteur de deux ouvrages :
. La métamorphose de l’école quand les élèves font la classe, Descartes & Cie, 2017.
. Remodeler sa salle de classe et sa pédagogie, des idées pour faire évoluer la forme scolaire, Canopé Edition, 2019.
 

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