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« Il faut libérer la parole sur la congélation des ovocytes »

Le 19/06/2019 par Alice Pouyat
Le film suit le parcours de congélation d'ovocytes de Claire, 35 ans, à  Barcelone. (Crédit: MalmචProductions).
Le film suit le parcours de congélation d'ovocytes de Claire, 35 ans, à  Barcelone. (Crédit: MalmචProductions).

La congélation des ovocytes, autorisée en France uniquement pour raisons médicales, sera-t-elle bientôt ouverte à toutes ? La question doit être débattue avec la future loi de bioéthique fin septembre à l’Assemblée nationale.

En attendant, plus d’un millier de Françaises, la plupart des trentenaires célibataires, partent chaque année à l’étranger (en Espagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Grande-Bretagne…) réaliser une « autoconservation ovocytaire », pour garder une chance d’avoir un enfant, la fertilité des femmes chutant peu à peu après trente ans. Le procédé consiste à stimuler la production d’ovocytes, à les ponctionner, puis à les vitrifier à moins 196 degrés, afin de les utiliser ultérieurement. 
 
Le documentaire Mère si je veux, quand je veux de Vanessa Rizk (Malmö production) suit de façon très intimiste le parcours de l’une de ces femmes, Claire, 35 ans, à Barcelone.
 
En pleine campagne de financement participatif destiné à finir la postproduction du film, la réalisatrice revient sur les enjeux liés à cette congélation qui fait débat.

  • We Demain : Pourquoi avoir réalisé un documentaire sur ce sujet ?
     

Vanessa Rizk : Le film est venu à moi comme une évidence. Claire, une amie, m’a demandé de l’accompagner dans ses recherches sur la congélation d’ovocytes. Très vite, je me suis rendu compte que le sujet était peu documenté et entouré de préjugés. Or, en plus d’être une question biologique, c’est une vraie question de société.

Car si la fertilité des femmes reste la même, voire baisse du fait des perturbateurs endocriniens, leur place dans la société a beaucoup changé et la question de la maternité se pose à elles de plus en plus tard.

En discutant du sujet autour de moi, j’ai réalisé que de nombreuses trentenaires souffraient de ce décalage sans en parler. J’ai donc eu envie d’enquêter sur les solutions existantes, de libérer la parole afin que ces femmes se sentent moins seules.
 

  • Quelle est la motivation de Claire et des femmes qui partent à l’étranger congeler leurs ovocytes ?

Claire sentait une forte pression sociale. La plupart de ses amies ont eu des enfants, un, deux, trois… Pourquoi pas elle ? À 35 ans, la congélation lui est apparue comme une façon de retrouver la maîtrise de son corps et une forme de liberté. Dans le fond, elle n’est pas certaine de vouloir utiliser ses ovocytes congelés, mais cette conservation l’a apaisée.

Contrairement aux idées reçues, la majorité des femmes qui ont recours à la congélation ne le font pas pour « se consacrer à leur carrière » ou pour repousser la maternité. La plupart d’entre elles aimeraient devenir mère de suite mais n’ont pas encore trouvé de partenaire et voient l’horloge biologique qui tourne…

Plutôt que de faire un enfant seule, elles préfèrent se donner une chance de le concevoir un jour en couple, sans avoir le couteau sous la gorge, car il est difficile de construire une relation avec cette pression. D’autres ne sont pas sûres de vouloir un enfant et se libérer de l’horloge biologique leur permet de faire les choix qui leur correspondent vraiment.

 

  • Vous avez suivi de très près le parcours physique et psychologique de Claire. Comment a-t-elle vécu cette expérience ? 
     

En France, on parle de « congélation de convenance » quand la démarche est volontaire, laissant penser qu’il s’agit d’un caprice. Or le processus est pénible. Il faut partir à l’étranger, se piquer soi-même parfois 12 jours de suite. La stimulation hormonale cause des hauts et des bas émotionnels, coûte plusieurs milliers d’euros…

Pour beaucoup, ce processus implique aussi de faire le deuil mental d’une « grossesse naturelle » dont on a pu rêver. Des difficultés auxquelles bien plus de femmes sont d’ailleurs confrontées puisque la congélation est souvent le premier pas d’une PMA. Alors, certes, on s’en remet. Et Claire ne regrette pas. Mais ces femmes doivent être très fortes, ou le devenir.
 

  • Vous êtes française mais vivez en famille en Allemagne. En quoi cette double culture a-t-elle marqué votre film et votre réflexion sur la congélation ?
     

Croiser les histoires, les cultures est toujours enrichissant. En France, on est très attaché à la possibilité de disposer de son corps. Alors qu’à Berlin, quand j’en discute autour de moi, la congélation (qui est légale) est souvent vue comme une façon de pousser les femmes à rentrer dans un schéma traditionnel : une femme doit porter son enfant biologique. En Allemagne, on parle davantage des nouveaux modèles de parentalité.

Par exemple qu’une femme co-élève un enfant sans forcément qu’il ait ses gènes ni que les parents soient en couple. On discute plus de la reconnaissance légale d’un troisième co-parent. Ces différents regards montrent que la congélation est une réponse, mais qu’il en existe bien d’autres. À chaque femme de trouver la sienne, mais encore faut-il avoir le choix ! Voilà le message que nous souhaitons faire passer dans ce film.

Pour cela, nous espérons que notre campagne sera partagée et réunir un maximum de soutiens d’ici le 21 juin pour le terminer et le diffuser le plus largement !
 

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