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J’aime ma doll : Reportage au Japon, pays du sexe sans l’humain

Les Japonais font de moins en moins l’amour. Le sexe « réel », s’entend. Leur libido se reporte en revanche sur la réalité virtuelle, les mangas et les robots siliconés. L’industrie du porno en profite et la démographie du pays en pâtit dangereusement. Enquête.

Le 19/12/2016 par WeDemain
Les Japonais font de moins en moins l’amour. Le sexe "réel", s’entend. Leur libido se reporte en revanche sur la réalité virtuelle, les mangas et les robots siliconés. L’industrie du porno en profite et la démographie du pays en pâtit dangereusement. Enquête.
Les Japonais font de moins en moins l’amour. Le sexe "réel", s’entend. Leur libido se reporte en revanche sur la réalité virtuelle, les mangas et les robots siliconés. L’industrie du porno en profite et la démographie du pays en pâtit dangereusement. Enquête.

Quand on demande aux Japonais mariés à quand remonte leur dernier ébat, ils sont 45 % à répondre « au moins un mois ». Pire, d’après une étude du gouvernement publiée en septembre, 42 % des hommes et 44 % des femmes célibataires de 18 à 34 ans n’y ont JAMAIS eu de rapports sexuels (26 % chez les 18-25 ans, en France).

Naturellement ces chiffres s’accompagnent d’un taux de natalité dramatiquement bas. Nous y reviendrons. Mais plus intrigante est cette autre tendance, qui n’est pas évoquée dans le rapport gouvernemental : l’explosion de la consommation de porno sous toutes ses formes. Le dernier chic consiste à s’accoupler avec des mannequins en plastique [voir page 24 de la revue numéro 16].

L’industrie pornographique se régale de cette réticence au contact physique, dont elle retire près de 20 milliards de dollars par an. Le porno est devenu le deuxième secteur de l’économie nationale, derrière l’automobile mais devant l’électronique. Et il tient salon.

Salon du porno en réalité virtuelle

Il est 14 heures. Malgré la pluie qui tombe depuis le matin sur Tokyo, des dizaines d’hommes patientent devant un immeuble gris du nord de la ville. Certains discutent, la plupart ne lâchent pas leur smartphone. « Tu sais ce qu’ils attendent ? », demande un passant à sa femme. Madame hoche la tête.

En n’installant aucun affichage extérieur, en ne révélant l’adresse de l’événement que la veille, les organisateurs ont tout fait pour s’éviter des ennuis dans ce quartier résidentiel… et prévenir l’émeute. Bienvenue à « Adult VR Expo », le Salon du porno en réalité virtuelle (VR). Ou plutôt la deuxième tentative d’organisation de ce rendez-vous initialement programmé fin juin.

Face à l’afflux de visiteurs, qui dépassait largement les prévisions, il avait fallu tout annuler à la dernière minute. Question de sécurité. La curiosité est d’autant renforcée autour de cette seconde tentative, le 27 août. Dans la file d’attente, il se murmure que les casques de réalité virtuelle associés à des jouets sexuels, comme des poupées en silicone et des masturbateurs connectés, peuvent procurer des sensations mêlant trois des cinq sens, le toucher, la vue et l’ouïe.

« Les personnage de manga ne me repoussent jamais »

Ils sont 400 à venir l’expérimenter, tirés au sort parmi 1 500 candidats, à l’entrée du Salon. À l’intérieur, dix-neuf stands. On y présente des jeux vidéo et films en 3D, des sextoys et des poupées en silicone. S’y côtoient des gens « du milieu » – comprenez du porno – à l’affût de l’évolution de leur industrie, mais aussi de nombreux amateurs venus « faire l’amour avec des personnages de manga ». Ryuji Shibuya (le prénom a été modifié) a 24 ans.

Il avoue sans mal préférer les personnages fictifs aux « vraies » femmes : « Les personnages de manga, je les aime parce qu’ils ne me repoussent jamais. » Quand on lui demande ce qui a pu provoquer cela, Ryuji invoque l’échec de son premier amour. Traumatisé, il n’ose plus parler aux filles. Ses amis lui conseillent parfois de « vraies expériences », mais il ne comprend pas « pourquoi c’est si important ».

Représentation graphique du sexe

La moitié des objets et technologies présentés sur le Salon épousent cet univers de BD et de dessin animé. C’est « la particularité du marché japonais », explique Ayaka Sasaki, de la plate-forme en ligne Imagine V. Pour comprendre cette appétence, il faut remonter la longue tradition de représentation graphique du sexe au Japon.

Dès l’époque Edo (1600-1868), des estampes circulant en grand nombre montrent les positions de l’amour de façon explicite et souvent extrême. Les mangas apparaissent au début du XIXe siècle avec l’œuvre fondatrice du grand Hokusai, qui décrit en images la vie des petites gens de Tokyo. La bande dessinée japonaise développe alors tout un courant pornographique.

Les mésaventures d’écolières en uniforme, poursuivies, violées, harcelées par des satyres au phallus gigantesque sont vendues dans le kiosque du coin de la rue, légalement, ou plutôt à la faveur d’un vide juridique. Une loi entrée en vigueur en 1999 interdit certes les films et photos mettant en scène des mineurs, mais elle ne s’applique pas aux dessins animés ni aux films d’animation, quel que soit leur degré de violence, souvent élevé.

Révolution sexuelle

Satoshi Nozaki, député du Parti social-démocrate à l’origine de cette loi, invoque la liberté d’expression des créateurs : « Comment voulez-vous qu’une loi intervienne dans les fantasmes des gens ? » Mais dans un pays aussi avide de nouveautés que le Japon, la pornographie imprimée ne suffit plus, et elle s’est naturellement tournée vers les nouvelles technologies. Matelas, écrans, espaces de discrétion…

Au Salon du porno VR, le message est clair : n’hésitez pas, testez. Le visage à demi masqué par un casque de réalité virtuelle, un jeune homme s’agite sur une manette de jeux. Il tente de soulever la jupe d’une fille. La scène est retransmise sur grand écran, sous le regard impassible d’autres visiteurs faisant la queue pour lui succéder. L’ambiance est étrangement calme. Lire la suite de l’article dans We Demain n°16

p.p1 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; font: 15.0px Calibri; -webkit-text-stroke: #000000} span.s1 {font-kerning: none} Yuta Yagishita et Guillaume d’Alessandro.

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