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Politique agricole commune : pourquoi l’avenir de l’agroécologie se joue à Bruxelles

Alors que Pacte vert européen envisage de faire de l’agriculture un de ses outils de lutte contre le changement climatique, des collectifs estiment que le projet de politique agricole prévue pour 2022 manque d’ambition écologique.

Le 21/07/2020 par Morgane Russeil-Salvan

Elles ont choisi d’interpeller Emmanuel Macron. Les 43 associations membres du collectif Pour une autre PAC ont adressé jeudi 16 juillet une lettre ouverte au Président de la République, l’enjoignant de négocier une Politique agricole commune à la hauteur des enjeux environnementaux, climatiques et sanitaires. « Ensemble, les 43 organisations […] l’affirment avec gravité : la proposition de réforme de la PAC au niveau européen est loin d’être à la hauteur des enjeux révélés par la crise », peut-on y lire.

Mardi 21 juillet, les États membres s’accordaient sur un budget à long terme de l’UE (2021-2027) de 1 074 milliards d’euros, dont 336,4 milliards seront alloués à la PAC. Ce montant sera complété par des allocations prévues par le plan de relance.

Le budget de la future PAC augmente donc de 6 milliards d’euros par rapport à la période actuelle, selon le Ministère de l’Agriculture. Cet argent bénéficiera-t-il à l’agriculture biologique ? À l’heure actuelle, il est impossible de le savoir : la prochaine PAC ne devrait pas voir le jour avant 2022, la pandémie de Covid-19 ayant ralenti le processus législatif. Les grandes lignes de cette politique ont toutefois déjà été présentées par la Commission européenne en mai 2018. Depuis, les négociations sont en cours.

La PAC, clé de voûte du Green Deal européen

La loi sur le climat fixe à l’Union l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Dans ce cadre, l’agriculture européenne reste un secteur très polluant qui va devoir gagner en sobriété : l’Union lui impute 10,3 % de ses émissions de gaz à effet de serre, soit 438,99 millions de gigatonnes en 2017, selon Eurostat. 

Le Pacte vert, souvent qualifié de Green Deal européen, l’identifie d’ailleurs comme l’un des secteurs essentiels de la transition écologique dans sa stratégie “De la ferme à la fourchette”, présentée à la suite de la pandémie.

Le document propose notamment de permettre à la PAC de mieux soutenir les pratiques agricoles contribuant à réduire ou à compenser l’impact environnemental de l’agriculture : investissements dans le biogaz, stockage du carbone dans les sols agricoles, réduction des pesticides et des nutriments (azote, phosphore) que l’on retrouve dans les sols et les eaux.

Si tous les objectifs listés par le Pacte vert ne dépendent pas de la PAC, ils ne pourront être atteints qu’en étant soutenus par une politique agricole plus verte, souligne la Commission. “La réforme peut effectivement concourir à la réalisation du pacte vert, affirme le rapport, pourvu que les dispositions essentielles des propositions formulées survivent au processus de négociation, et qu’il conviendrait d’apporter certaines améliorations et de prendre des initiatives concrètes.”

La future PAC est-elle suffisamment verte ?

C’est le nœud du problème : le processus de co-décision entre le Parlement européen et le Conseil des ministres aboutit, à chaque réforme de la PAC, à la signature d’un texte de compromis sur base du document rédigé par la Commission européenne. Les propositions les plus écologistes du texte publié en 2018 pourraient donc perdre en substance d’ici à sa validation. 

À l’heure actuelle, le document de la Commission prévoit deux changements majeurs dans la Politique agricole commune : il propose de renforcer la conditionnalité environnementale – les règles écologiques à respecter pour obtenir certaines aides – et envisage surtout la réforme de son mode de gouvernance. Les États membres devraient avoir davantage d’autonomie dans la définition des modalités de versement des aides de la Pac, les fameux Plans stratégiques nationaux.

Cette marge de manœuvre étendue accordée aux États ne rassure par tout le monde. Pour le think tank Agriculture Stratégies, le risque est de voir les États européens – qui, avant d’être des partenaires, restent des concurrents commerciaux – entrer dans une logique de dumping environnemental.
 

Dans sa lettre ouverte au Président de la République, le collectif « Pour une autre PAC » souligne également que la Commission ne propose pas de réformer le système d’aides à l’hectare. La politique agricole actuelle conditionne en effet le montant de ses paiements de base, accordés aux agriculteurs, au nombre d’hectares de terre agricole travaillés. Un mécanisme qui favorise les grandes exploitations. 

“La PAC doit repenser la logique d’attribution des aides, pour valoriser les bienfaits générés par les fermes plutôt que leur surface”, écrit le collectif. C’est également l’ambition de la Convention citoyenne pour le climat, qui propose de déterminer le montant de ces aides en fonction du nombre de travailleurs actifs présents sur l’exploitation. Et ce afin de soutenir les pratiques agricoles douces, nécessitant davantage de main d’œuvre.

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