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Bientôt des murs en algues pour dépolluer Paris

Le 23/10/2018 par Alice Pouyat

Des murs vivants arrivent en ville. « Imaginez un double vitrage rempli d’eau dans laquelle on a placé du plancton. Un aquarium vertical et plat en quelque sorte », décrit Anouk Legendre. Voici en quelques mots le principe de la « biofaçade », une « enveloppe » de bâtiment dans laquelle sont cultivées des microalgues.

L’idée est née dans la tête des architectes Anouk Legendre et Nicolas Desmazières, cofondateurs de l’agence parisienne XTU. Si la culture des algues les intéresse, c’est qu’elles ont de nombreuses propriétés. Une fois récoltées, les algues peuvent d’abord être transformées en aliments protéinés végétaux, en médicaments ou encore en produits cosmétiques. 
 
« Grâce aux photobioréacteurs installés dans les vitrages qui captent la lumière du soleil, les microalgues se reproduisent à vive allure. Elles sont récoltées via des tuyaux d’évacuation », explique Anouk Legendre.

Des façades rafraichissantes

Les algues ont aussi une fonction bio-climatique : l’hiver, la biofaçade agit comme une serre en accumulant l’énergie solaire: elle crée un tampon thermique qui améliore l’isolation du bâtiment. Ouverte l’été, elle ventile et rafraichit la structure. Elle permet ainsi une économie de 50% sur les besoins thermiques du bâtiment et de 80% sur ceux de l’algoculture par rapport à une culture en bassins.

Autre avantage écologique des algues : elles consomment le dioxyde de carbone (CO2) – principal gaz à effet de serre -, et produisent de l’oxygène. Elles peuvent donc absorber le CO2 produit par le bâtiment et contribuer à dépolluer la ville.

Biomimétisme, l’inspiration du vivant

Ce concept de biofaçade repose sur le biomimétisme : les architectes se sont inspirés de la nature et notamment des symbioses, ces interactions biologiques réciproquement profitables entre deux organismes vivants.

Ainsi en va-t-il des champignons avec leurs arbres hôtes, ou des lichens qui naissent de l’association entre un champignon et une algue, ou encore de l’acacia cornigera, arbre qui ne peut survivre que colonisé par des fourmis…

« Les algues vivent à des températures similaires aux nôtres, explique Anouk Legendre. Le procédé permet donc de mutualiser nos besoins ».

Réinventer Paris

Pour développer ce concept, le cabinet XTU s’est associé au sein du consortium SymBIO2, à un laboratoire spécialisé du CNRS, à un bureau d’études et à un algoculteur. Un dispositif industriel pilote a été mis en œuvre en 2016 au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment à  Champs-sur-Marne (77), avec une biofaçade couvrant quatre étages.
 
Le CNRS a dressé au printemps dernier un bilan très positif. « La biofaçade a fait ses preuves, aujourd’hui nous sommes en phase de commercialisation », confirme Anouk Legendre.

Avec  trois grands projets : le premier à voir le jour sera le bâtiment lauréat de l’appel à projet Réinventer Paris qui arborera plusieurs centaines de mètres carrés de biofaçades dans le 13e arrondissement de la capitale (1).

Le cabinet XTU installera aussi des biofaçades au futur Musée de l’Ecologie de San Francisco. Enfin, en Chine, les Français ont imaginé pour la ville de Hangzhou des tours de verre torsadées recouvertes de biofaçades. Une architecture dépolluante et verte particulièrement bienvenue pour les métropoles chinoises régulièrement asphyxiées par un smog grisâtre et toxique. 
 
 « Dans l’avenir, avec l’artificialisation des sols et l’urbanisation croissante, il sera de plus en plus difficile de trouver des terres disponibles pour l’agriculture. Et les ressources minières s’épuisant, il faudra produire en biologie ce que l’on obtenait par la chimie », souligne le cabinet XTU, qui rêve partout de cités productives et plus seulement consommatrices.

(1) A découvrir à Biomim’expo, le forum et show room du biomimétisme et des innovations bio-inspirées, le 23 octobre, à la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette, à Paris.

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