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Lettre d’une paysanne aux habitants des villes

Alors que s’ouvre le Salon de l’agriculture, Stéphanie Pageot, éleveuse en Loire-Atlantique et secrétaire nationale de la Fédération nationale de l’agriculture biologique, nous livre ses craintes et ses espoirs.

Le 21/02/2020 par Stephanie Pageot
Stéphanie Pageot, Secrétaire nationale de la Fédération nationale de l’agriculture biologique et elle-même éleveuse bio en Loire-Atlantique. (Crédit : DR)
Stéphanie Pageot, Secrétaire nationale de la Fédération nationale de l’agriculture biologique et elle-même éleveuse bio en Loire-Atlantique. (Crédit : DR)

« Éleveuse de vaches laitières en Loire-Atlantique depuis vingt et un ans, j’ai toujours pratiqué l’agriculture biologique avec mes associés Sébastien et Guylain. Convaincus que nous devons travailler avec le vivant et pas contre lui, nous stimulons les micro-organismes et la micro-faune du sol et des haies qui nous entourent pour un équilibre global qui évite le développement de maladies ou de ravageurs. Apporter à nos vaches une alimentation à base d’herbe fraîche et de céréales produites à la ferme permet aussi qu’elles restent en bonne santé et produisent un lait de qualité qui servira à la fabrication de notre tomme fermière et de nos produits laitiers frais.

Et ça fonctionne ! Nous avons de très bons retours de nos client·e·s sur la qualité de nos produits, ce qui est extrêmement gratifiant. De plus, nous vivons décemment de notre métier et avons créé cinq emplois.

Bien sûr, ce n’est pas rose tous les jours et nous avons parfois des déconvenues, par exemple avec une faible récolte. Nous préférons prendre ce risque et l’inclure dans nos coûts de production plutôt que d’utiliser des produits dangereux pour la santé des femmes et hommes et pour l’environnement. En préservant l’eau, le sol, la biodiversité, nous savons aussi que nous préservons les biens communs. Notre métier fait sens et nous en sommes fiers.

Aujourd’hui, nous sommes heureux de voir que de plus en plus de paysan·ne·s passent en bio chaque année : environ 5 000 fermes en 2018 et probablement autant en 2019. Les groupements d’agricultrices·eurs bio (GAB) les accompagnent pour qu’ils ne soient pas seul·e·s face à ce changement important.

Nous sommes ravis également que de plus en plus de consomm’actrices·eurs choisissent la bio et s’engagent ainsi, à nos côtés, pour valoriser des produits de haute qualité environnementale et sociale. Leurs achats font sens pour eux, mais aussi pour les générations futures, ce n’est pas rien !

Alors me direz vous, tout va bien dans le meilleur des mondes… Pas tout à fait, évidemment ! Le marché de la bio est tellement porteur qu’il attise les convoitises, et nous voyons arriver des nouveaux acteurs économiques qui n’y voient qu’un marché à conquérir. Ils voudraient appliquer à la bio les mêmes méthodes que l’agriculture conventionnelle en standardisant, écrasant les prix, agrandissant la taille des fermes pour soi-disant plus de rentabilité…

​Demandons de la transparence

Nous, nous portons un nouveau modèle de société humaniste et solidaire, où les produits bio sont accessibles à toutes et tous, tout en garantissant une juste rémunération des paysan·ne·s bio. Avec vous, consomm’actrices·eurs, nous devons demander un développement cohérent de l’agriculture biologique en France : de nombreuses fermes avec des productions diversifiées de légumes, fruits, lait, viandes bio dans toutes les régions, des produits de saison (en bio, pas de tomates sous serres chauffées !). De la diversité, des goûts, des saveurs.

Ensemble, demandons de la transparence sur les prix, de l’origine française et régionale des produits bio, du lien avec les paysan·ne·s, et militons pour toujours plus de bientraitance animale, d’économie d’énergie et moins d’emballages.

Bio, local et équitable : c’est ce projet que nous défendons et nous avons besoin de vous à nos côtés pour le porter. »
   

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