Partager la publication "Maximiser l’usage de la voiture pour décarboner la mobilité ?"
Comme le bigorneau à son rocher, le Français est accroché à sa voiture. Chaque année, le parc automobile de l’Hexagone augmente un peu plus. Au premier janvier 2022, le Ministère de l’Écologie a recensé 38,7 millions de véhicules particuliers en circulation sur les routes françaises (+1,6 % en cinq ans).
A l’échelle européenne, la part de l’automobile individuelle représente plus de la moitié des émissions de CO2 due aux transports (60,6 % des émissions selon l’Agence européenne de l’environnement). Sa transformation est donc un levier majeur de la transition écologique et énergétique. Face à ce constat et à l’urgence climatique, les constructeurs s’engagent à marche forcée dans l’électrification du parc, poussés notamment par une réglementation européenne volontariste : à l’horizon 2035 plus aucun véhicule thermique neuf ne pourra être vendu dans l’UE.
En 2022, WE DEMAIN a noué un partenariat avec le Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ). Onze jeunes journalistes en contrat de professionnalisation ont travaillé à la production d’une série d’articles autour du thème de la sobriété. Retrouvez ici l’ensemble des sujets publiés sur la question.
La transition automobile du thermique à l’électrique est en effet une condition essentielle pour décarboner les mobilités routières. Toutefois, il ne s’agit que d’une partie de la réponse au problème.
“Aujourd’hui, remplacer la voiture thermique par la voiture électrique, sans révolutionner les modèles économiques, serait une catastrophe. Il faut d’abord créer les conditions pour une économie de fonctionnalité”, assène Isabelle Delannoy, environnementaliste à l’origine du concept d’économie symbiotique. Que la voiture soit thermique ou électrique, “le problème de la ressource et de l’usage reste le même”. En clair : il faudrait moins de voitures, mais un usage maximal de ces dernières.
Réduire le parc automobile devra toutefois se faire en douceur. La voiture reste, de très loin, le moyen de transport le plus utilisé par les actifs français pour leurs trajets domicile-travail, assure un rapport de l’Insee de janvier 2021. Selon Isabelle Delannoy, cela passe notamment par le développement de l’autopartage et la maximisation de l’usage des véhicules individuels. “En moyenne, un véhicule passe 91 % de son temps de vie à l’arrêt, ce qui n’a pas de sens », tranche l’environnementaliste.
Pour le moment, l’impact de l’autopartage reste mineur. En France, ce service a permis de remplacer 53 000 véhicules et de libérer 10 000 places de parking sur 580 000 disponibles, selon l’ADEME. Résultat : 53 millions de kilomètres évités sur les 639 milliards par an parcourus. Les constructeurs automobiles se sont saisis depuis peu du sujet, avec la création de services de mutualisation de véhicules, comme Sharenow de BMW, Free2Move de Stellantis ou encore Mobilize pour le groupe Renault. Créée en janvier 2021, Mobilize se présente comme une nouvelle génération de marque automobile, “concentrée sur l’usage et non plus sur la propriété”, explique Laurence Bechon, directrice des services mobilité de Mobilize. Nous nous apercevons que davantage de personnes sont prêtes à ne plus être propriétaires de leur véhicule.”
Isabelle Delannoy va plus loin. Elle milite pour appliquer les principes de l’économie circulaire au modèle économique de l’industrie automobile. “Pour cela, nous avons besoin que les fabricants conçoivent les véhicules et les éléments qui les composent de façon à ce qu’ils puissent être recyclés. Certaines matières pourraient être réemployées jusqu’à quinze fois !”
Dans cette logique, Renault a créé en octobre 2022 une entité dédiée à l’économie circulaire, baptisée The Futur is Neutral. “Une nouvelle entité proposant des solutions de recyclage en boucle fermée à chaque étape de la vie d’un véhicule”, présente le site de la marque. De son côté, en septembre 2022, Citroën a lancé le concept-car “Oli”, qui doit amorcer une orientation de sa gamme vers une architecture moins coûteuse et recyclable.
Si le législateur européen et les constructeurs semblent avoir initié un changement à leurs échelles, une tendance semble également émerger à un niveau plus local, celui des villes et des métropoles. Il y a encore une dizaine d’années, la ville de Grenoble comptait parmi les plus polluées de France. Depuis, l’agglomération applique différentes mesures pour réduire le nombre de véhicules en circulation sur son territoire. Alors que l’urbanisation a été repensée – avec des doubles voies transformées en sens unique et de grands axes piétonnisés –, l’accès à l’offre de transports en commun a été favorisée grâce à des tarifications avantageuses. 26 km de pistes cyclables ont également été déployés, ainsi qu’un service d’autopartage d’une flotte de 170 véhicules.
“À l’échelle de l’agglomération, nous avons réduit de 36 % le nombre de véhicules en circulation”, se satisfait Gilles Namur, adjoint aux mobilités à la mairie de Grenoble. Certes, la capitale iséroise est enfin passée sous le seuil de pollution réglementaire. Mais “nous sommes encore au-dessus de la moyenne conseillée par l’OMS”, nuance l’adjoint. La municipalité actuelle s’est donnée pour objectif de réduire de deux tiers le nombre de décès prématurés par an dû à la qualité de l’air.
En Europe, des villes ont elles aussi fait le choix de réduire drastiquement le nombre de véhicules sur leur territoire. C’est le cas de Ljubljana, la capitale slovène de 300 000 habitants. Depuis 2008, elle a fermé son centre historique aux voitures. Résultat : 70 % de gaz à effet de serre en moins et une réduction des nuisances sonores selon la mairie interrogé par Le Monde. En dehors des classiques vélos et transports en commun, la réduction du volume de véhicules particuliers est compensée par un dispositif de voitures électriques partagées. En Espagne, la ville de Pontevedra a diminué à hauteur de 90 % le nombre de voitures.
Dans l’Hexagone, si Grenoble se démarque quelque peu, les agglomérations françaises restent tout de même à la traîne. Loin derrière Portland, dans l’Oregon aux États-Unis, considéré comme un modèle en la matière. La ville est parvenue, depuis 1970, à réduire de 19 % ses émissions alors même que sa population a augmenté de 60 %. Comment ? grâce à un fort développement des pistes cyclables, des offres de transports en commun et de services associés (dont autopartage) associé à une politique incitative ambitieuse et une réflexion poussée quant aux besoins en mobilité réels des habitants.
Auteur : Jean-Baptiste Kapela
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