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César Harada veut dépolluer l’océan avec des drones maritimes open-source

Depuis le MIT, la Louisiane ou la Chine, ce Franco-japonais a développé en mode collaboratif « Protei ». Un voilier autonome low-cost doté d’une coque articulée. Son but : produire le bateau en masse pour nettoyer les océans.

Le 23/05/2014 par WeDemain
Franà§ois Taddei (Crédit : Les Savanturiers)
Franà§ois Taddei (Crédit : Les Savanturiers)

Miliant du logiciel libre, activiste environnemental, entrepreneur entêté et globe-trotteur chevronné : à 30 ans, César Harada est tout cela à la fois. Depuis la Chine, ce Franco-japonais fabrique des bateaux sans pilote low-cost pour dépolluer les océans. Baptisé Protei, son drone environnemental est commercialisé 700 dollars en kit, là ou les bateaux autonomes entrée de gamme se vendent 28 000 dollars. Protei est également open-source : chacun est libre de télécharger ses plans et de le fabriquer. Il suffit pour cela de matériaux accessibles, d’un circuit imprimé Arduino, de quelques machines de base et d’un esprit bricoleur.

Face aux marées noires, les navires de nettoyage actuels n’emprisonnent qu’une partie infime du pétrole (3 % environ). La marge d’amélioration est colossale. Pour cela, Protei s’appuie sur une coque innovante, faite de différentes parties articulées entre elles, qui lui permettent d’épouser parfaitement la forme des vagues et de rester très maniable, même par mauvais temps. Une queue accrochée à ce « poisson à voile » se charge de capturer le pétrole répandu dans la mer. L’ambition de César : permettre la production massive de ces petits voiliers autonomes, commandables à distance, pour intervenir en cas de catastrophe environnementale dans les océans. On peut aussi équiper Protei pour mesurer la radioactivité, repérer des déchets flottants ou prendre des mesures océanographiques.

Du Kenya au MIT

César Harada a consacré sa vie au perfectionnement de Protei. Né en France, César commence par étudier l’art à l’école Boule et aux Arts Déco. Une expérience dans le design à Londres et voilà qu’il se met à plancher sur un projet de bateau qui récupère l’énergie des vagues pour se déplacer. On le retrouve ensuite au Kenya, ou il travaille pour Ushahidi (« témoin » en Swahili), une appli mobile qui permet à chacun de localiser et signaler un événement, comme une violence ou une pollution. Sa vie bascule lorsqu’en 2010, l’explosion de la plateforme Deepwater de BP provoque une marée noire monstre en Louisiane.

Le MIT le recrute alors pour ses doubles compétences en design maritime et logiciel. Il a sous sa charge une équipe et un laboratoire de fabrication. La situation est confortable mais César n’y trouve pas son compte. Les choses ne vont pas assez vite à son goût. Le MIT le force à utiliser des matériaux très couteux, et veut placer ses inventions sous brevet, alors que lui milite pour une technologie libre, réplicable par tous. Ces divergences l’amènent à claquer la porte. « Quand on veut développer la technologie au service de l’environnement, il faut être certain que celle-ci va servir le plus grand nombre au moindre coût possible », se justifie-t-il.

Traversée du désert

Direction la Nouvelle Orléans, pour être en prise directe avec la marée noire qui ravage les côtes de la Louisiane. Sans le sou, César s’installe dans un quartier pauvre et planche avec plusieurs passionnés, recrutés grâce à Internet, sur un projet de bateau à coque articulée qui offrirait de bien meilleures capacités de direction et hydrodynamiques que ceux employés par BP pour nettoyer les côtes. Il finance ses recherches grâce à une collecte sur Kickstarter.

Lorsqu’il décroche un poste à la Goldsmith University, César s’installe à Londres. Mais son maigre salaire ne couvre pas les frais de développement de Protei. Les fonds obtenus via Kickstarter sont épuisés. Ses soutiens commencent à désespérer. Lâché par tous ses investisseurs potentiels, dans l’incapacité de payer ses collaborateurs, il finit par se construire une yourte sur le toit d’un immeuble de la City pour pouvoir dormir. « En plein mois de janvier, les nuits étaient très froides », se rappelle César, sourire aux lèvres.

Cap sur la Silicon Valley chinoise

En juin 2012, César est invité à s’exprimer à Dubaï pour présenter son projet Protei, lors d’une conférence TED. « Devant l’assistance, je tente le tout pour le tout et fais comme si tout allait au mieux pour moi et Protei. » Bingo. 700 000 personnes visionnent son intervention. En rentrant à Londres, la neige a fait s’écrouler le toit de sa yourte. Mais les vents, eux, ont tourné : César décroche un prix environnemental de 300 000 dollars pour son travail. Il est également invité à faire un tour du monde en bateau où il rencontre sponsors, investisseurs, partenaires, représentants du gouvernement, professeurs, activistes écologiques… César est prêt à passer à a la vitesse supérieure.

[Vidéo] César présente Proteï lors d’une conférence TED à Dubaï

Il décide de se délocaliser à Shenzen, au cœur de la Silicon Valey chinoise, pour accéder aux matériaux électroniques au plus bas coût possible. Il ouvre un atelier où il emploie designers, ingénieurs nautiques et informatiques pour lancer la fabrication de Protei.

Le navire sans pilote a déjà été testé à Fukushima pour mesurer la radioactivité autour de la centrale. Une dizaine d’unités ont été commandées par des particuliers. César manque encore de sponsors, mais espère vendre Protei aussi bien à des individus désireux de soutenir ses recherches et de s’investir pour l’environnement qu’à des États ou des municipalités souhaitant de prémunir en cas de catastrophe ou assainir simplement leurs eaux territoriales. Et qui sait si demain ce drone maritime open-source ne pourrait pas également servir à nettoyer le 7e « continent de plastique », l’immense plaque de déchets qui évolue dans le nord de l’océan Pacifique.

Côme Bastin 
Journaliste We Demain 
Twitter : @Come_Bastin

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