Cette station-service vend du biométhane produit avec du fumier

Dans la petite commune de Mortagne-sur-Sevre, en Vendée, un camion fait son plein. À quelques centaines de mètres de là, des vaches broutent tranquillement. Ces deux informations ne semblent pas liées, et pourtant, sans les vaches, le camion ne pourrait pas rouler.

Le petite station-service distribue du biométhane, un gaz issu de la méthanisation des effluents (fumier et lisier) d’élevage, produit localement par dix agriculteurs.

Surnommé « Agricarbur » à Mortagne-sur-Sèvre, ce gaz vert est surtout connu sous le nom de BioGNV. Il a l’avantage d’être moins cher et surtout plus propre que les autres carburants.

Depuis avril 2014 déjà, les dix agriculteurs injectent leur biométhane dans le réseau de la ville. Forts de leur succès, ils ont poussé le projet jusqu’à compresser le biométhane pour le distribuer à la pompe, dans une station-service créée sur mesure en septembre 2017.

Du fumier au carburant

Tout est réalisé localement, de la méthanisation à la redistribution, en circuit court. La production se fait en trois étapes.

Le fumier et le lisier des quelque 300 vaches et 200 truies sont récupérés et placés dans une grande cuve, appelée digesteur. Pour valoriser localement les déchets, les sous-produits agroalimentaires d’entreprises partenaires sont également rajoutés, ainsi que 10 % de graisses issues de la restauration. Le tout est chauffé à 39°C pendant 30 jours.

Le mélange est ensuite transféré dans une deuxième cuve, le post-digesteur, qui sépare le résultat de la méthanisation : le digestat solide servira de compost, le digestat liquide remplacera l’engrais des cultures agricoles et un gaz riche en CO2 alimentera la chaudière de l’usine. 

Le gaz vert riche en CH4 – le biométhane – est quand à lui épuré pour ensuite être en partie réinjecté sur le réseau GRDF de la ville. Le reste est compressé pour être distribué à la station-service sous forme de bioGNV.
 

Écologique, et plus économique

Comparé au diesel, le BioGNV émet 80 % de CO2 et 98 % de particules fines en moins. Plus propre, il est également moins bruyant – (il cause 50 % de bruit en moins que le diesel), et moins cher.

À Mortagne-sur-Sèvre, ce gaz 100 % renouvelable est vendu au prix symbolique de 0,999 euros le kilo (1 kilo de bioGNV représentant 1 litre de gazole ou d’essence), quand le gazole est lui affiché à 1,4125 le litre (prix au 17 juin, source AFP). Un prix qui ne devrait pas augmenter :

« On est en dessous de 1 euro, c’est impactant, ça permet de créer une demande. Chaque fois que le gazole augmente, des gens nous appellent pour savoir où ils peuvent acheter des véhicules au gaz ! Si on augmente notre prix, on tue notre activité », explique Damien Roy, l’agriculteur à la tête du projet.

À l’achat, il faut tout de même compter 500 euros de plus que pour une voiture essence ou gazole. Niveau autonomie, le biométhane permet de tenir entre 400 et 500 kilomètres pour un poids lourd (contre 800 kilomètres en diesel), et près de 500 kilomètres pour un véhicule léger.

Le gaz vert gagne du terrain

À son ouverture en septembre 2017, la station biométhane de Mortagne-sur-Sèvre était l’une des seules du pays. Les agriculteurs de quatre exploitations avaient opté pour la méthanisation afin de pouvoir conserver leurs terrains, face à l’augmentation du nombre d’industries dans la zone.

Cinq ans après, ils ne regrettent pas leur choix. Damien Roy reconnait même gagner désormais plus d’argent avec le biométhane qu’avec le lait de ses vaches. « C’est une valeur ajoutée écologique et économique pour le monde agricole et pour les riverains », se réjouit l’agriculteur devenu entrepreneur.

Aujourd’hui, 58 stations services distribuent du biométhane en France, selon gaz-mobilité.fr. De plus en plus de particuliers et d’entreprises se laissent séduire par ce carburant vert.

Des entreprises déjà convaincues

C’est le cas de l’entreprise La Boulangère qui s’est engagée auprès des agriculteurs de Mortagne-sur-Sèvre : en plus d’envoyer ses boues d’usine à l’unité de méthanisation, deux de ses camions roulent au bioGNV et font tous les jours leur plein à la station-service Agricarbur.

Le service d’ambulance Jussieu secours Cholet a lui aussi investi dans deux véhicules au gaz, et devrait prochainement en acheter plus.

Vers un business du bioGNV ?

L’unité de méthanisation n’est pas encore rentable, mais elle s’en approche depuis la création de la station service. L’Agricarbur rapporte plus aux agriculteurs que l’injection de biométhane dans le réseau de la ville. « On produit la même quantité de gaz en janvier qu’en août. Et en face, on a un réseau qui consomme du gaz de façon très aléatoire. Mais les gens roulent autant l’hiver que l’été, la station service nous sécurise », explique Damien Roy. 

Si le bioGNV est une alternative écologique aux carburants traditionnels, un bémol persiste : sa production dépend des effluents d’élevage. Et pour pouvoir récupérer facilement leur fumier, vaches et truies doivent être parquées… à l’intérieur.

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