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Cyril Dion : « Après avoir vu Animal, des centaines de gens ont arrêté la viande »

Six ans après le succès de Demain, premier documentaire à avoir mis la transition écologique en vedette au cinéma, Cyril Dion était attendu. Son dernier film, Animal, tour du monde initiatique de Bella et Vipulan, deux adolescents engagés, interroge le lien – trop souvent distendu et pourtant vital – entre l’être humain et le monde vivant : animaux, plantes, écosystèmes… Leur périple leur permettra de mieux comprendre à quel point nous sommes profondément liés à toutes les autres espèces.

Présenté à Cannes en 2021, le film a attiré près de 170 000 spectateurs en salles et lors de dizaines de projections-débats à travers la France. A l’occasion de la sortie du long-métrage en VOD le 6 avril, son réalisateur Cyril Dion dresse pour WE DEMAIN le premier bilan d’un documentaire qui se veut à la fois un support pédagogique et un révélateur intime.

WE DEMAIN : Comment décrirais-tu l’accueil fait à Animal ?

Cyril Dion : Les spectateurs avec qui j’ai pu échanger étaient bouleversés. Émotionnellement, ils ont été plus troublés que par Demain, qui était plus univoque et lançait les gens dans une dynamique. C’est quelque chose qu’on recherchait en faisant un film de cinéma, moins univoque. Et a priori ça fonctionne ! Sur Allociné, le film a reçu l’une des meilleures notes des spectateurs quand il était à l’affiche : 4,4. Et à peu près 30 000 lycéens et collégiens l’ont vu.

Récemment, dans le sud de la France, je me suis retrouvé avec 1 200 lycéens en deux jours. Les retours étaient beaux et les questions pertinentes. J’ai été étonné par leur maturité et leur capacité à embrasser les différentes problématiques du film. Ils m’ont posé plein de questions : les lobbies, est-ce qu’on est encore en démocratie, comment nos institutions pourraient évoluer… Alors qu’ils ne sont qu’au lycée.

Le message du film, qui va bien au-delà de notre rapport aux animaux, a donc été bien reçu ?

Oui. Il renvoie à beaucoup de sujets : notre relation au vivant, mais aussi la démocratie, l’activisme… Ce qui est très révélateur de ça, c’est qu’on a été contactés par l’université Stanford [en Californie, ndlr] qui voudrait lancer un programme pour 1 700 élèves sur plusieurs mois, et qui s’appuie sur Animal. On va le développer avec eux et le lancer en septembre. Ce qui leur plaît, c’est que le film permet d’aborder énormément de sujets qui traversent la génération de leurs étudiants : la politique, les institutions, l’économie et la croissance, notre relation au vivant, la régénération, l’ensauvagement…

Tu t’attendais à ce que le film deviennent un tel support de réflexion ?

C’était un des objectifs. Je suis quelqu’un de généraliste, j’essaye de créer du lien entre des sujets pouvant sembler différents mais qui sont très en relation. C’était délibéré que le film porte en lui de la complexité. Et que cela amène à remettre un certain nombre de choses en question, à embrasser une vision large. On est très heureux que ça se produise.

Demain avait suscité de multiples passages à l’action, la création de collectifs sur les territoires… Est-ce aussi le cas avec Animal ?

Je ne crois pas qu’Animal se situe sur ce plan là. Il est plutôt dans le registre de l’intime et de la pédagogie. On a eu des centaines de témoignages de spectateurs qui se sont mis à manger beaucoup moins de viande ou sont devenus végétariens. À commencer par Éloi Laurent, l’économiste qui intervient dans le film, ou encore le chanteur Dominique A avec qui je suis ami, qui m’a dit : “Depuis que je l’ai vu, je n’ai pas réussi à remanger un bout de viande.” Par rapport à Demain, Animal se joue moins autour de l’idée de monter un collectif, de se demander que faire, de lancer un projet zéro déchet… On voulait un film qui aille plus loin et permette aux gens de reconsidérer leur place dans le monde. 

Le film n’est plus à l’affiche mais les projections-débats continuent…

J’en ai fait environ 70. Vipulan [l’un des deux jeunes qui incarnent le film, ndlr], lui, en fait une bonne trentaine. Là, il en a fait sept en une semaine… On doit en refuser plein, et beaucoup ont lieu sans nous. Jusqu’en janvier, le diffuseur UGC souhaitait que les débats aient lieu majoritairement au cinéma. C’est un endroit particulier, où tu reçois le film de façon beaucoup plus puissante qu’en le regardant chez toi. Aujourd’hui, ça continue dans les entreprises, dans les écoles… On est ravis !

Après ce tour de France, quels sont tes projets ? Un peu de repos ?

Non, non [rires]. Je suis en train de finir trois 52 minutes pour Arte qui vont être diffusés à la rentrée. Ce sont des films sur le climat réalisés par Thierry Robert, avec un épisode sur la résistance, un autre sur l’adaptation et un sur la régénération. Je suis aussi en train d’écrire un film de fiction à partir du roman de Pierre Ducrozet, Le Grand vertige. Et enfin une série d’anticipation qui pour l’instant s’appelle We could be heros. Et raconte une révolution en Europe dans les dix prochaines années. Toujours dans l’idée de créer de nouveaux récits, de nouveaux imaginaires.

La bande annonce d’Animal, réalisé par Cyril Dion.

Animal (2021), de Cyril Dion, à voir en VOD sur Orange et en DVD.

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