Partager la publication "En Thaïlande, j’ai suivi Tristan Lecomte, l’homme qui ressuscite les forêts"
Éclairés à la lueur de la lune et de quelques bougies, nous bavardons autour de la table basse en teck, sur la terrasse de la maison construite par le fermier Khun Anan avec du bambou des alentours. Des insectes virevoltent autour des lanternes solaires jusqu’à l’épuisement.
Au milieu des arbres, dressée sur des pilotis, la ferme m’évoque l’univers sensuel des films asiatiques où la chaleur moite ralentit le rythme des cœurs et invite à la transcendance.
Dans ce clair-obscur aux effluves de citronnelle, je suis accompagnée par quatre autres journalistes – Hélène, Arthur, Baptiste, Frédéric –, notre photographe Christian et Emma, coorganisatrice du voyage avec Tristan, notre hôte. Il est installé dans le nord de la Thaïlande depuis cinq ans.
Cinq millions d’arbres replantés
Dans ce laboratoire de l’autonomie et du vivant, Tristan Lecomte fait de l’arbre un trait d’union entre petits producteurs et chamanes, ONG et multinationales, pour trouver – ensemble – des réponses aux problématiques du sol, de l’eau, de la biodiversité, du climat et de l’autonomie alimentaire.
Dans le contexte du changement climatique, l’enjeu est de taille. Depuis huit ans, Pur Projet a replanté cinq millions d’arbres et on en coupe dix millions chaque jour.
« Si nous voulions compenser l’empreinte carbone annuelle mondiale avec des arbres, nous devrions en planter 90 milliards par an », explique Tristan.
Son utopie, c’est celle de développer ces projets à grande échelle en créant des ponts entre les mondes, aussi capitalistes soient-ils. « Mieux vaut allumer une bougie que maudire les ténèbres », nous dit-il, citant Lao Tseu. D’ici 2020, quinze à vingt millions d’arbres sont en commande.
Travailler avec les forces en présence
Dans la Pure Farm, les fruits, les légumes et le riz que nous mangeons ont été produits et préparés sur place. Nous dégustons notre repas par terre, assis en tailleur sur des coussins et des tapis tressés. À 9 000 kilomètres du bitume gris de Paris, la pénombre est douce, porteuse d’espoir et de songes.
Je me porte volontaire pour accompagner Tristan acheter des bières dans un boui-boui perdu au milieu d’une route. Nous partons sur les chemins de terre sans lumière. Tristan est calme. Il passe d’une conversation à l’autre : son fils Tibet, les plantes qui guérissent, son amitié avec un chamane au Pérou.
Arrivés à destination – un logement de fortune en plein air –, nous sommes accueillis par un monsieur édenté au sourire sincère ponctué de blagues.
« Il te demande si tu restes ici longtemps car, si oui, il t’invite demain soir à dîner », me traduit Tristan, qui parle un thaïlandais impeccable. Il ne manque pas de me raconter une anecdote – un zeste hilare – d’une soirée un peu trop arrosée dans cet endroit isolé, le seul où l’on peut faire la fête à des kilomètres à la ronde.
Production locale et autosuffisance
Tantôt masculin, tantôt féminin, yin et yang, homme, enfant, businessman et apprenti chamane. Je m’interroge : comment a-t-il fait pour mener à bien ce projet au beau milieu de la jungle, à des milliers de kilomètres de la France ?
Qu’est venu s’embourber ici ce diplômé d’HEC, lui qui a été contrôleur de gestion chez L’Oréal ? Et Tristan de confirmer : « Quand je suis arrivé, tout était désert, les sols étaient épuisés. »
. Lire la suite de l’article dans We Demain n°14 . Texte : Valérie Zoydo
Photos : Christian Lamontagne