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Pour faire pousser du maïs, l’INRA transforme nos poubelles en engrais

Un programme de recherche explore depuis 13 ans la possibilité de remplacer les engrais chimiques par nos déchets urbains. Les premiers résultats sont concluants, avec des rendements plus importants et une meilleure qualité des sols.

Le 27/10/2014 par WeDemain
© Frédérique Voisin-Demery
© Frédérique Voisin-Demery

Et si demain les fruits et légumes que nous mangeons poussaient grâce à nos déchets ? C’est le scénario imaginé par l’Inra (Institut National de la Recherche agronomique) et Veolia. Depuis 1997, le programme de recherche QualiAgro s’attache à déterminer s’il est possible de remplacer les engrais minéraux (produits par synthèse chimique) par les ordures générées par nos villes.

L’intérêt d’une telle solution ? Sa faible empreinte écologique. La production d’engrais minéraux, à l’inverse, est très énergivore : en 2006, une étude de Massachusetts Institute of Technologie révélait qu’1 % de l’énergie mondiale était utilisée pour produire de l’ammoniac, élément nécessaire pour fabriquer l’azote qui compose les engrais. De plus, les engrais minéraux utilisent des phosphates dont les stocks mondiaux seront épuisés d’ici 100 à 300 ans, estime une une étude de 2011.

Une alternative aux engrais traditionnels

Voilà 13 ans que l’Inra teste ses engrais nouvelles génération sur un champ de six hectares de blé et de maïs de Feucherolles, dans les Yvelines. Chacune des 40 parcelles s’est vu attribuer soit un mélange chimique, soit un mélange alternatif à base de déchets : boue d’épuration, déchets organiques et ordure ménagère résiduelles triées en amont. Les rendements, la qualité de la production, des sols et de l’eau ont ensuite été soigneusement mesurés et comparés.

Résultat ? Le 3 octobre dernier, l’Inra a conclu que cette technique présentait « un intérêt agronomique indéniable » : les rendements de maïs ont augmenté de 5 % dans les parcelles arrosées de boue d’épuration par rapport à celles arrosées par des produits chimiques. En revanche, le rendement des champs de blé a été plus faible.

Un maïs et des sols sains

L’idée de manger du maïs arrosé par nos déchets ne vous met pas l’eau à la bouche ? L’étude montre pourtant qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Les chercheurs n’ont pas noté de multiplication de population bactérienne ou de contaminants organiques (pollution chimique provoquée par la matière organique). Même si les boues sont riches en micro-polluants métalliques, comme le zinc et le cuivre, ceux-ci ne passent pas dans les grains, qui sont désormais vendus et consommés. Les chercheurs ont par ailleurs conclu que cet engrais alternatif respectait les taux de plastique autorisés dans les compostes.

 

Si le maïs n’est pas affecté, les sols non plus. Mieux, les chercheurs se sont aperçus que la matière organique qu’ils contenaient était 30 à 50 % plus importante que celles contenue par les parcelles soumises aux engrais minéraux. La présence de lombrics y est notamment supérieure.

Expérimentations jusqu’en 2020

En plus remplacer les engrais minéraux, l’opération valorise une partie de nos déchets, tout en optimisant la production agricole, explique Sabine Houot, directrice de recherche à l’Inra. « Cela permet de recycler de la matière et de limiter la fabrication d’engrais. » Cependant la technique ne permettrait pas de remplacer complètement les engrais minéraux : même en recyclant tous les biodéchets et les boues d’épuration disponibles sur la plaine de Versailles, là où se déroule l’expérimentation, « on ne couvrirait que 15 % des besoins d’azote de toutes les cultures » locales.

Plusieurs questions restent par ailleurs en suspens. Qu’en est-il des résidus pharmaceutiques (traces de médicaments dans les eaux usées) ? Et des émissions de gaz à effet de serre, qui n’ont pas encore été mesurées ? L’étude prévoit de continuer les expérimentations jusqu’en 2020.

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