Elle reçoit le Nobel de médecine pour une découverte effectuée en… 1972

L’artémisine, cette substance antipaludéenne découverte par la Chinoise Tu Youyou, We Demain vous en parlait dès avril 2012, dans son numéro 1. Plus de quarante ans après sa mise au point en 1972, cette innovation médicale majeure vient enfin d’être consacrée mondialement. Lundi 5 octobre, la pharmacologue de 84 ans a été récompensée par le prix Nobel de médecine.
 

« Nous avons mené des recherches pendant des dizaines d’années, donc obtenir ce prix n’est pas une surprise », a-elle réagi dans les colonnes du quotidien de la province du Zhejiang (est), le Qianjiang Evening News, lundi 5 octobre.

Le lendemain, Tu Youyou a déclaré à la télévision publique que le prix Nobel n’était pas « un honneur fait à (sa) seule personne », mais à « l’ensemble des scientifiques chinois ». « Sur le plan international, a ajouté la pharmacologue, c’est une percée de la médecine traditionnelle chinoise ».

Ce prix Nobel est surtout le couronnant de longues recherches menées secrètement en pleine guerre du Vietnam (1955-1975) et durant le chaos de la Révolution culturelle (1966-1976).

Formée aux médecines occidentale et chinoise, Tu Youyou avait été affectée d’office en 1967 dans un institut de recherche, en pleine guerre du Vietnam.  Avec d’autres chercheurs, elle avait alors héritée d’une mission militaire « top secrète », baptisée « projet 523 », et venue des sommets de l’État chinois : trouver un traitement contre le paludisme, une maladie qui frappait alors la Chine et décimait les forces communistes du Nord-Vietnam soutenues par Pékin.

Mais, « à cette époque, c’était la Révolution culturelle, le chaos. Les projets de recherche étaient arrêtés », se souvient M. Xu, 81 ans, un ex-collègue de Tu Youyou interrogé par l’AFP. 

Sur demande de Mao Tsé-toung et du Premier ministre Chou En-lai, le « projet 523 » – impliquant 500 chercheurs de 60 instituts – fut pourtant le seul maintenu, avec ceux sur les bombes nucléaires (A et H) et les satellites artificiels.

Alors que les jeunes gardes rouges répandent le chaos dans le pays, Tu Youyou quitte sa fille de trois ans et, dans son laboratoire de l’île tropicale de Hainan (sud), commence, avec son équipe, à extraire des substances antipaludéennes à partir de plantes traditionnelles.

Artémisine

Treize ans de recherches difficiles durant lesquels l’un de ses collègues ira jusqu’à s’innoculer le paludisme pour tester les effets des molécules-remèdes. Au bout des tests : la découverte de l’artémisine – extraite d’une plante, l’armoise annuelle (artemisia annua) – qui est devenue l’un des principaux traitements contre le paludisme.
 

La pharmacologue avait déjà reçu en septembre 2011 le prestigieux prix Albert-Lasker, signe souvent précurseur de l’obtention d’un Nobel de médecine ou de physique.

L’institution pour laquelle travaillait la pharmacologue, l’Académie des sciences médicales chinoises, a déclaré à l’AFP « ne pas prévoir pour l’instant de conférence de presse », alors que la Chine est en période de vacances jusqu’à mercredi 7 octobre. Li Tingzhao, le mari de  Tu Youyou, n’a par ailleurs pas précisé si son épouse, à l’état de santé fragile, serait en mesure d’assister à la cérémonie de remise du prix à la fin de l’année, disant « attendre des précisions » du comité Nobel.

Lara Charmeil (avec AFP)
@LaraCharmeil

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