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Sauver les mangroves et récifs : le défi du siècle pour les Caraïbes

Face aux ouragans, à la sécheresse et aux inondations, les mangroves, ces écosystèmes côtiers, sont une barrière vitale… mais de plus en plus menacée. Un projet scientifique inédit rassemble des chercheurs du monde entier pour mieux les comprendre et les aider à se régénérer.

Le 05/01/2023 par Arthur Hily
mangrove
Crédit : Damsea / Shutterstock.
Crédit : Damsea / Shutterstock.

Imaginez, des centaines d’organismes terrestres et marins réunis en un même lieu. Dans l’eau, des barracudas côtoient des mérous géants, sous le regard de perroquets multicolores perchés dans les palétuviers. Vous êtes au beau milieu des mangroves, à Cuba. Mais vous auriez aussi pu admirer ce spectacle au Costa Rica, aux Antilles… Et plus largement sur les côtes de la région des Caraïbes et de l’Amérique centrale.

Eldorados touristiques, ces forêts littorales sont avant tout d’irremplaçables réservoirs de biodiversité et de puissants remparts pour les populations côtières. Tout comme les récifs coralliens et les herbiers marins, dont les écosystèmes sont étroitement liés à ceux des mangroves.

Réchauffement climatique : des effets désastreux que l’on ignore encore

Cyclones, sécheresse, inondations… Depuis une quarantaine d’années, ces phénomènes se multiplient et s’intensifient sous l’effet du réchauffement de la planète. Les seuls cyclones de l’année 2021 ont causé environ 70 milliards de dollars de dégâts. Et la mort de 150 personnes dans l’Océan Atlantique Nord. Un bilan qui aurait été bien plus lourd sans les mangroves, récifs coralliens et herbiers marins. Ceux-ci jouent le rôle de barrières naturelles face aux vagues et inondations… en plus de fournir des services vitaux comme la séquestration du carbone.

Combien de temps ces précieux écosystèmes côtiers et marins pourront-ils résister aux assauts du changement climatique ? Nul ne le sait. Sauront-ils s’adapter à l’augmentation inédite de la fréquence, de l’intensité et de la durée des événements extrêmes ? Si oui, comment ? Les scientifiques l’ignorent encore.

Corescam : un programme pour étudier l’impact des événements extrêmes dans les Caraïbes

Pour répondre à ces questions, un projet inédit est en cours, soutenu depuis 2019 par le programme Climate & Biodiversity Initiative de la Fondation BNP Paribas. Son nom : CORESCAM. Réunissant des scientifiques du monde entier (écologues, océanographes, climatologues…), il vise à mener la première étude globale sur l’impact des événements extrêmes sur les écosystèmes côtiers et marins des Caraïbes, notamment les mangroves. Répartis au sein d’équipes transdisciplinaires, ces chercheurs ont pour mission de centraliser les données scientifiques passées et actuelles. Objectif : prédire la résilience future des écosystèmes côtiers et marins. Avec un objectif très concret : aider les gouvernements de la région dans leurs plans de gestion des risques et les guider dans la création d’aires protégées.

Experte des forêts tropicales à l’université de Wageningen (Pays-Bas), l’écologue Rosa Maria Román-Cuesta coordonne le projet : « La région est un laboratoire naturel du réchauffement climatique, comme les pôles, explique-t-elle au quotidien espagnol El Paìs. Si nous voulons comprendre comment l’intensification des événements extrêmes peut affecter la résilience des écosystèmes et des sociétés humaines, l’Amérique centrale est l’endroit idéal. » C’est aussi l’une des zones où il est le plus urgent d’agir. « Nulle part ailleurs dans le monde, autant de risques climatiques et géologiques ne se rejoignent dans un hotspot de biodiversité qui est également exposé à de fortes sécheresses et à des pressions comme le tourisme de masse. »

20 % des mangroves détruites en 15 ans

Construction d’hôtels, de ports, d’autoroutes… Les menaces pesant sur les milieu littoraux et marins s’intensifient. Selon l’ONU, 20 % de la surface mondiale de mangrove a été détruite ces 15 dernières années dans le monde. L’Amérique centrale et les Caraïbes ne sont pas en reste dans ces stratégies court-termistes. Des stratégies qui finissent tôt ou tard par se retourner contre l’économie elle-même. En témoignent les inondations dévastatrices de 2020 sur la très touristique île d’Holbox, au Mexique. Il en va de même du secteur de la pêche, souvent incité à produire davantage alors que la ressource en poisson décline sous l’effet du changement climatique. Sur le terrain, les ressources de millions de personnes en dépendent.

L’objectif du projet CORESCAM est de traduire le plus rapidement possible ses travaux scientifiques en politiques concrètes. Pour Victoria Ramenzoni, anthropologue de l’environnement à l’Université Rutgers (New-Jersey), il faut regarder vers les foyers d’innovations existants : « Cuba est un exemple clair d’un pays à la pointe des questions environnementales. » Dans ses choix d’aménagement du territoire, l’île s’appuie sur de nombreuses données scientifiques recueillies sur le terrain. Notamment sur la façon dont les ressources naturelles (faune, flore, eau…) subissent les effets du changement climatique et de l’industrie touristique.

Une nécessité de politiques à long terme pour sauver ces écosystèmes

Les conclusions de cette étude internationale seront progressivement présentées dans une série d’ateliers avec des décideurs politiques des États concernés. Mais aussi des expositions, documentaires et rencontres scolaires. Le but : diffuser des solutions scientifiquement éprouvées dans toute la région. « Pour raviver les écosystèmes et atténuer le changement climatique, estime Rosa Maria Román-Cuesta, nous avons besoin de politiques à long terme qui ne soient pas affectées par les changements de gouvernement tous les quatre ans, et d’un engagement envers la science. » 

Les responsables du programme CORESCAM insistent aussi sur la nécessité d’intégrer la préservation des écosystèmes côtiers aux plans de relance économiques post-Covid-19 et aux programmes de reconstruction lancés suite aux violents ouragans de 2020. « Pour être durables et efficaces à long terme, les processus de relance économique doivent prendre en compte les synergies entre l’état de dégradation des écosystèmes, l’effet des événements extrêmes et leur propre impact », insiste Victoria Ramenzoni.

Si la saison des cyclones 2022 (de mi-mai à fin novembre) était susceptible de battre des records d’intensité selon les organismes américains d’étude de l’atmosphère, elle est finalement restée dans les normes : 14 tempêtes nommées, dont huit devenues des ouragans et deux des ouragans majeurs, avec des vents atteignant jusqu’à 180 km/h. La saison 2023 s’annonce quant à elle d’une intensité inférieure à la moyenne. Un sursis pour les mangroves et récifs caribéens, dont la survie à long terme reste suspendue au cours du réchauffement climatique.

Article réalisé avec le soutien de la Fondation BNP Paribas.

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