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Sur l’île de la Réunion, ce microgrid préfigure l’avenir de notre mix énergétique

TRIBUNE. Par Matthieu Guérin, consultant en énergies renouvelables et solutions alternatives.

Le 23/08/2017 par WeDemain
TRIBUNE. Par Matthieu Guérin, consultant en énergies renouvelables et solutions alternatives.
TRIBUNE. Par Matthieu Guérin, consultant en énergies renouvelables et solutions alternatives.

Le déploiement par EDF-SEI d’un microgrid sur l’île de la Réunion va permettre de dépasser les difficultés d’alimentation électrique rencontrées par la population dans le cirque de Mafate. Plus largement, cette technologie est idéale pour alimenter les communautés isolées et durablement intégrer les énergies renouvelables dans notre mix énergétique.
 

L’îlet de la Nouvelle passe le cap des énergies du futur : le 27 juillet 2017, EDF-SEI (la direction en charge de l’électricité dans les départements d’outre-mer) et la start-up Powidian ont inauguré le nouveau dispositif électrique microgrid 100% solaire dans le cirque de Mafate, sur l’île de La Réunion.

Elle fonctionne intégralement grâce à l’énergie renouvelable (EnR). Ce micro réseau comprend des panneaux solaires couplés à des batteries lithium et un catalyseur permettant de transformer cette énergie en hydrogène. Une telle unité de stockage permet de conserver l’énergie produite via les installations photovoltaïques pendant plusieurs jours – jusqu’à une semaine et demi. Elle permet ainsi de palier une de principales carences des énergies renouvelables : la difficulté de stockage. 

 
Vanessa Miranville, maire de La Possession, n’a pas caché son enthousiasme  lors de l’inauguration : « C’est un joyau du développement durable. Une innovation qui répond à ses trois piliers : écologique, économique et social ». De fait, cette installation a la possibilité de fonctionner de façon autonome pendant une dizaine de jours.

Avant l’installation de ce dispositif, la région était très vulnérable aux évolutions climatiques. En cas d’ensoleillement insuffisant, les panneaux solaires ne produisaient plus et il fallait recourir à des groupes électrogènes au fuel, couteux et polluants – ou à des bougies. Le microgrid devrait relayer ces générateurs au passé. Pour l’heure, elle alimente trois bâtiments publics : le dispensaire, l’école, et les bâtiments de l’ONF.

Comment marche un microgrid ?

Si des progrès considérables ont été effectués en matière de captation des EnR au cours des vingt dernières années, la question du stockage de ces énergies issues de sources intermittentes se pose encore. Un microgrid permet, en associant plusieurs appareils d’apporter un premier élément de réponse : l’énergie générée – ici par les panneaux photovoltaïques – qui n’est pas immédiatement consommée est soit stockée à court-terme dans une batterie Lithium-Ion, soit convertie par électrolyse en hydrogène pour un stockage longue durée.  Cela est possible grâce à un procédé naturel : l’électricité passant dans de l’eau déminéralisée produit de l’hydrogène. Ce dernier pouvant être conservé durablement.
 
En cas d’absence durable de soleil ou de pic de consommation, une pile à combustible assure la conversion inverse : l’hydrogène redevient de l’électricité. Cette dernière est alors réinjectée sur le micro-réseau, et est dès lors accessible aux usagers. Les appareils utilisés affichent une durée de vie de vingt ans et ne nécessitent qu’un contrôle par an. De plus, ils impliquent un faible impact écologique : « C’est 100% zéro carbone », assure Matthieu Limagne, chef de projet Smart Grids chez EDF Réunion.

Si l’expérience s’avère concluante, le dispositif pourrait être étendu aux particuliers, aux autres ilets et endroits isolés de l’île. Grâce à l’expertise de Powidian, ces stations autonomes de production peuvent en effet être adaptées à des besoins spécifiques  et à toutes les sources d’EnR. 

L’importance du stockage d’énergie dans les zones insulaires

Ce type de technologie est particulièrement adapté à l’alimentation électrique des sites insulaires isolés, comme lesouligne EDF-SEI. Ces derniers disposent généralement d’atouts considérables en matière d’énergies renouvelables (soleil, vent, courants marins) mais sont difficile à relier aux installations électriques traditionnelles, et traversent des périodes cycloniques qui affectent le rendement de EnR. La diversité des conditions naturelles permet d’y tester tous les modes de production dans des conditions réelles. « Ils préfigurent le paysage énergétique du territoire métropolitain dans les prochaines décennies », estime Stéphane Lascaud, chef de projet sur la gestion de l’intermittence à EDF.
 
Aussi, La Réunion vise une part de 50 % d’énergie électrique renouvelable en 2020  – voire, l’autonomie d’ici 2030.
Pour le directeur exécutif du groupe EDF, Henri Lafontaine, « le Cirque est un endroit idéal, car dans les systèmes insulaires nous avons un certain nombre de réseaux isolés. Mafate est depuis toujours très peu accessible. Des batteries avaient été installées dans la fin des années 90. L’idée était d’aller au-delà et de permettre de trouver une autonomie totale. Mafate s’inscrit parfaitement dans cet objectif, c’est le territoire rêvé pour ce type d’expérimentation ».
 
Couplées avec le déploiement de smart grids (réseaux intelligents), il sera, d’après le Comité interministériel de l’Outre-mer, bientôt possible de stabiliser les systèmes insulaires et de les rendre autonomes. 

Matthieu Guérin.

 

Diplômé en Economie de l’Environnement et de l’Écologie, Matthieu Gauthier s’est spécialisé dans le conseil en énergies renouvelables et solutions alternatives auprès d’acteurs du privé et du public.

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