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Plus de sécurité, un peu moins de liberté… mais pas un « Patriot Act »

Par Gérard Leclerc, éditorialiste politique à WE DEMAIN

Le 17/11/2015 par Gérard Leclerc
Crédit : Shutterstock
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Au delà de la sidération et de tous les commentaires sur le vendredi 13, arrêtons-nous sur quelques interrogations, doutes et certitudes.

Comment la quasi totalité de la planète, avec les centaines de milliards consacrés aux dépenses militaires, n’a pu venir à bout de quelques dizaines de milliers de fanatiques nihilistes qui occupent, avec leurs pick-up, un territoire grand comme la moitié de la France ? On connaît une partie de la réponse. Chacun cède à un double jeu ou à la lâcheté : les États-Unis en refusant de s’engager alors que ce sont eux qui ont déstabilisé la région, les Saoudiens, principaux alliés des Américains, en alimentant l’intégrisme wahhabite et le financement de Daesh, les Russes en bombardant les opposants à Assad plutôt que l’État islamique, les autres pays, dont l’Europe, en détournant le regard.

Se méfier des idées simples… et parfois fausses

Autre interrogation : Pour payer ses fanatiques et préparer ses attentats, Daesh croule sous les milliards qui proviennent notamment des champs pétroliers qu’il contrôle. Mais qui achète ce pétrole, comme d’ailleurs les autres produits, tel le coton, que l’État islamique exporte tranquillement ?

Enfin, depuis vendredi, la France perquisitionne et arrête à tour de bras des islamistes. Elle s’apprête à expulser les imams radicaux, elle bombarde à tout va les centres de commandement et d’entrainement de Daesh à Raqqa… Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait avant ?

Il faut en revanche se méfier des idées simples, et parfois fausses. Un « Patriot act » à la française ? Les Américains ont pu en mesurer les dégâts, et Guantanamo n’est pas à leur honneur. S’il est logique de fermer temporairement les frontières et de mieux les contrôler à l’extérieur de l’Europe, ce serait une folie de revenir sur la libre-circulation des personnes au sein de l’Union, qui un des piliers de l’Europe. N’oublions pas qu’à une exception près, ce sont des Français qui ont semé la mort à Paris, et que les réfugiés syriens fuient justement ceux – ce sont les mêmes ! – qui ont ravagé leur pays et programmé les attentats en Europe.

Enfin, faut-il et peut-on vraiment interner tous ceux qui figurent sur les fiches « S » de renseignement ? Est-il indispensable de modifier la constitution ? Les nouvelles mesures sécuritaires impliquent-elles nécessairement que l’on renonce à réduire les déficits et à réduire la COP 21 à une simple rencontre des chefs d’état ou de gouvernement, sans la mobilisation des ONG ? Toutes ces questions méritent au moins d’être posées…

Continuer à défendre une civilisation qu’abhorrent les barbares de Daesh

Terminons par quelques certitudes, pas forcément agréables. Puisque l’on fait la guerre à Daesh, faisons-la vraiment : cela passe par une grande coalition (USA, Russie, Europe, Iran, Turquie…), qui n’aura comme premier but que d’éradiquer l’État islamique, en s’en donnant les moyens. Il sera temps après de régler le sort du dictateur Assad.

Ensuite, acceptons que plus de sécurité, c’est un peu moins de liberté… Avec pourtant l’idée que le risque zéro n’existe pas. Et n’oublions pas de poser les questions sur l’islamisation d’une partie de la jeunesse française.

Enfin, et surtout, nous devons continuer à vivre, à défendre une société tolérante, ouverte au monde, qui défend la démocratie, les valeurs de la République, sa culture, son mode de vie : bref, une civilisation qu’abhorrent les barbares de Daesh, une société qu’ils rêvent de faire exploser en semant la terreur.  

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