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Résilience : « Paris doit se préparer aux crises pour les surmonter! »

Le 16/04/2019 par Alice Pouyat
Shudu Gram est considérée comme la première top-modèle virtuelle. (Crédit : @shudu.gram)
Shudu Gram est considérée comme la première top-modèle virtuelle. (Crédit : @shudu.gram)

 We Demain : Pourquoi la Ville de Paris a-t-elle adopté en septembre 2017 une stratégie globale de résilience, alors que les risques sont très variés ? Quel est votre rôle ?

Sébastien Maire : Il est important d’avoir une vision transversale car certaines actions peuvent répondre à plusieurs problèmes en même temps. Mon rôle est aussi de pousser à la lucidité, pour que l’on cesse de faire l’autruche face aux stress auxquels nous sommes confrontés. La résilience, ce n’est pas de penser que l’on pourra toujours lutter contre les risques, mais de les accepter et de s’y préparer. Nous avons fait un état des lieux avec tous les acteurs de la Ville pour voir comment elle peut survivre aux crises ou aux changements au long cours prévisibles. La canicule par exemple est souvent vue comme un choc inattendu alors qu’elle est chronique. On sait qu’il y aura au moins 25 jours de canicule à Paris d’ici la fin du siècle, qu’il risque de faire 55 degrés à l’ombre en été et que ces épisodes vont se multiplier. Or, la société a réagi trop lentement jusqu’ici.

Contre le réchauffement climatique justement, quelles sont les actions engagées?

Entre autres, nous avons lancé la transformation de 800 cours d’école pour en faire des îlots de fraicheur. En été, la température peut monter à 60 degrés au sol. Le projet « Cours Oasis » prévoit le remplacement de l’asphalte par des matériaux innovants plus clairs qui limitent le rayonnement solaire, la création de fontaines, de jardins pédagogiques… Ce qui en même temps aide à lutter contre les inondations.
 
Justement, la Ville est-elle prête à affronter une crue majeure de la Seine, comme en 1910?

Nous ne savons pas quand elle aura lieu mais cette crue est inévitable. C’est un phénomène naturel nécessaire aux écosystèmes. Or, nous sommes plus vulnérables qu’en 1910 car il y a plus de réseaux enterrés en bord de Seine et de territoires bétonnés autour. Selon un rapport de l’OCDE, une crue majeure pourrait causer 30 milliards de destruction et faire plonger le PIB du pays pendant cinq ans… Nous avons fait des progrès, avec notamment des bassins en amont de la Seine qui devraient être construits, mais les efforts sont insuffisants car la culture du risque reste anxiogène pour certains. La résilience consiste au contraire à parler des risques, pour que les habitants soient prêts. Nous allons par exemple développer un jeu vidéo sur la préparation à la crue, assez ludique. Autre point crucial : anticiper la reconstruction de ce qui va être détruit mais pas à l’identitique. Il faut innover sinon le danger reste le même.
 
Quel est le niveau de la menace terroriste à Paris ? La ville est-elle mieux préparée?

La lutte anti-terroriste est d’abord une compétence de l’Etat, je peux juste vous dire que la menace reste haute. Le rôle de la Ville est de sécuriser les lieux publics, les écoles… et surtout de préparer les habitants. Avec le programme « Paris qui sauve « , nous avons développé les formations aux premiers secours et aux bons gestes pour sauver des vies. Nous avons aussi développé les cellules d’aide psychologique. Au final, un territoire résilient, et donc mieux préparé, a moins besoin de sécurité.
 
Nous le voyons, les tensions viennent aussi des inégalités qui ont tendance à augmenter. Et la ville de Paris ne cesse de se gentrifier…

Bien sûr, la solidarité a toujours été le premier facteur de stabilité sociale. Nous avons de nombreux programmes pour l’encourager. Cela va des frigos solidaires à un partenariat avec les pompiers : un quart de leurs interventions ne relèvent plus de leurs compétences. Des personnes âgées les appellent pour les aider à descendre des escaliers par exemple. Avec eux, nous essayons de former des habitants prêts à prendre le relais pour développer l’entraide entre voisins.
 
Un appel à la grève générale a été lancé le 5 février. Imaginons que Rungis soit bloqué ou même une crise plus grave… Quelle est l’autonomie alimentaire et énergétique de Paris?

Paris ne sera jamais autosuffisante, même si nous développons l’agriculture urbaine. Pendant longtemps, on demandait aux territoires d’être « compétitifs ». Mais a-t-on intérêt à avoir des perdants ? Non. L’avenir est plutôt dans la coopération entre villes et campagnes. Aussi, nous avons signé une convention avec la métropole du Grand Paris en association avec des maires de communes rurales de moins de 3500 habitants. Nous allons par exemple proposer à des maraîchers d’exploiter des terres le long des canaux pour pouvoir acheminer des vivres directement en bateau.
 
Nous cherchons aussi à développer avec les communes rurales des petits centres de télétravail. Nous avons calculé que 60 % des 55 000 salariés de la Mairie de Paris habitent à l’extérieur de la ville. Et que 10 000 d’entre eux peuvent travailler à distance. Cela leur éviterait la fatigue des transports et limiterait la pollution de l’air, qui est l’un des grands scandales sanitaires dont on n’a pas encore pris la mesure. Juste à l’échelle du Grand Paris, elle est à l’origine de 6000 décès par an.
 
La Mairie s’était engagée en septembre 2017 à consacrer 10 % de son budget à la résilience. Ce ratio a-t-il été respecté?

Je n’ai pas de budget propre mais oui sans difficulté puisque tous les domaines sont concernés. Et nous n’avons pas besoin de plus d’argent pour être plus résilient. Il faut surtout mieux « designer » la politique, mieux penser la ville. Ce sont des investissements rentables. Selon la Banque mondiale, le coût des catastrophes ne cesse d’augmenter … Et un dollar investi dans la résilience permet d’en économiser six. L’agence de notation financière Moody’s inclut d’ailleurs aujourd’hui des critères de résilience pour ses évaluations des entreprises aux Etats-Unis.
 
Paris fait parti du réseau 100 Resilient Cities. Demain, quelles villes peuvent inspirer la capitale ?

Grâce à ce réseau, j’ai la chance d’avoir 99 collègues avec qui échanger des bonnes pratiques. Rotterdam est par exemple pionnière dans la gestion des inondations. Athènes dans l’accueil des migrants, New York pour la reconstruction du métro après l’ouragan Sandy… Pour tous, ce réseau est une précieuse source d’inspiration !
 

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