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Back Market : « On veut devenir l’Apple du reconditionné »

Vianney Vaute, cofondateur de Back Market, revient sur le succès de cette start-up francaise devenue championne du reconditionné et ses nouveaux défis.

Le 16/06/2021 par Alice Pouyat
Vianney Vaute est l'un des trois cofondateurs de Back Market.
Vianney Vaute est l'un des trois cofondateurs de Back Market. (Crédit : Back Market)
Vianney Vaute est l'un des trois cofondateurs de Back Market. (Crédit : Back Market)

Du neuf dans le monde du reconditionné : la start-up française Back Market, leader dans le secteur, a levé 276 millions d’euros en mai 2021. Ce qui fait d’elle la 14e licorne française, cotée à plus d’un milliard de dollars. Et l’entreprise affiche de plus grandes ambitions. Son objectif : devenir le champion mondial du reconditionnement, sur les téléphones, mais aussi les ordinateurs et tous les appareils électroniques. En dépit des freins que compte encore l’économie circulaire.

Des projets sur lesquels revient Vianney Vaute, cofondateur de Back Market, à l’occasion du salon VivaTech, le grand rendez- vous annuel des innovations technologiques, à Paris, du 16 au 19 juin 2021. Interview. 

  • WE DEMAIN. Les success story françaises comme Back Market sont assez rares. Comment est née cette idée ? 

Vianney Vaute. L’idée a germé dans la tête d’un de mes deux associés, Thibaud Hug de Larauze. En résumé, il s’occupait de développer le business de vendeurs sur des sites comme Amazon ou eBay. Un jour, il a été chargé d’aider un reconditionneur. Il a visité son usine. Et là, il a eu une sorte d’effet « Charlie et la chocolaterie ». Il a découvert des savoir-faire et des technologies formidables, qu’il a eu envie de soutenir. Jusqu’ici, les reconditionneurs étaient un peu planqués dans une grande jungle de l’occasion. D’où l’idée de lancer un site spécialisé. 

  • Pourquoi cela a si bien marché selon vous ?

Si Back Market a réussi, c’est en travaillant sur ces deux piliers : faciliter et massifier l’achat d’une part. Garantir la qualité d’autre part, en instaurant des standards de qualité homogènes chez les différents reconditionneurs. Aujourd’hui, un produit reconditionné coûte en moyenne entre 30 et 70 % moins cher qu’un neuf, avec une garantie. Particulièrement intéressant pour le consommateur. Ensuite, Back Market c’est aussi une histoire humaine, une bonne entente entre les membres de l’équipe. 

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« La crise a poussé au reconditionné sur d’autres appareils que le Smartphone »

  • Comment la crise sanitaire a-t-elle impacté le marché du reconditionné ? 

La crise a clairement profité au marché du reconditionnement. Il y a eu un besoin assez soudain de s’équiper : une imprimante pour gérer l’école à la maison, un ordinateur d’appoint pour un lycéen, un nouveau téléviseur à la place du cinéma. Avec un pouvoir d’achat qui ne permet pas toujours de faire face à toutes ces dépenses. Le reconditionné s’est donc avéré une option hyper intéressante. Et pas seulement sur le Smartphone. En plus d’une accélération des ventes, la crise a permis une diversification. Elle a « éduqué » au reconditionné sur d’autres appareils de bureautique, de divertissement…

  • Vous êtes remonté contre une taxe copie-privée désormais appliquée sur les appareils reconditionnés pour financer le secteur de la culture. Dans quelle mesure cette taxe impacte le reconditionné ? 

Finalement, nous avons obtenu le 10 juin une taxe de 40 % inférieure sur le reconditionné, et un rapport d’impact en 2022. Cela devrait permettre de limiter la casse, mais c’est encore trop. Le consommateur va payer cette taxe deux fois. Lors de la vente d’un appareil neuf et de l’achat d’un reconditionné. Ce n’est pas Back Market qui va en souffrir le plus car nous travaillons avec des marchands européens et asiatiques. C’est la filière française déjà fragile, avec plusieurs usines qui ont fermé récemment… La mesure ne va pas dans le sens de l’histoire. 

« Back Market, c’est 5 000 emplois directs en France »

  • De votre côté, comment soutenez-vous la filière française ? 

Nous avons grandi avec des reconditionneurs français, qui restent au cœur de notre modèle. Sur 1 500 reconditionneurs, 600 opèrent depuis la France. Soit 5 000 emplois directs. Ensuite, la philosophie de Back Market est d’abord de proposer une alternative systématique aux appareils électriques et électroniques. En gros, on veut créer une sorte de Darty alternatif. L’idée est d’avoir d’abord le produit et le meilleur rapport qualité prix. Donc si un marchand allemand ou espagnol a un « quality score » plus élevé qu’un français, on va pousser ce marchand. Il n’y a pas de préférence nationale chez nous. On veut d’abord satisfaire le consommateur car c’est la seule façon de massifier l’alternative. 

  • Un téléphone reconditionné en Chine a quand même un certain impact carbone…

Oui, mais il va générer 2 kg d’émissions carbone alors que son achat permet d’en éviter 30. La priorité, encore une fois, est de massifier l’alternative de consommation car c’est l’effet de levier le plus important. Ensuite, on essaye de soutenir les circuits courts. Aujourd’hui, on a un onglet reconditionné en France, qui recense les meilleurs produits proposés par des marchands français. Et sur chaque fiche-produit, on indique le nom du reconditionneur, sa localisation…

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« Encore plus que le recyclage, il faut encourager la réparation »

  • Avec votre récente levée de fonds, quels sont vos projets ?

Le premier, c’est de continuer le développement à l’international. On est aujourd’hui dans quatorze pays et trois continents puisque nous avons des bureaux aux États-Unis et récemment au Japon. Notre conviction est qu’il y a de la place pour une marque globale référente. Tout comme Samsung, Apple ou LG se sont imposés, on a envie de créer cette alternative mondiale.

Le deuxième axe est le développement de nouveaux services pour rendre nos marchands plus performants. Le service back-care leur permet par exemple de nous déléguer leur service après-vente pour garantir une expérience optimale au client.  

Le fond du problème est qu’on est encore dans un modèle extrêmement linéaire où, dans le meilleur des cas, un appareil est récupéré par un éco-organisme pour être recyclé. Ça veut dire récupérer un peu de matière première, mais on n’efface pas du tout le vrai impact écologique de nos appareils électroniques. C’est-à-dire l’extraction de terres rares, le tungstène, le cobalt, les conflits générés par l’extraction de l’or dans des pays d’Afrique, etc.

Donc, ce qu’il faut, c’est être plus efficace dans la récupération des produits quand les gens n’en n’ont plus besoin, pour pouvoir les réparer et les remettre dans le circuit. Pour cela, il manque encore aujourd’hui des flux de collecte. Cela bouge un peu. Le législateur promeut de plus de plus le réemploi. Mais les distributeurs doivent s’y mettre aussi et récupérer les produits. Enfin, il faut créer une culture beaucoup plus favorable à la réparation. Cela passe notamment par un aménagement de la TVA. Bref, des carottes pour créer des champions de la réparation et du reconditionnement dans les pays d’Europe. 

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