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COP26 : l’objectif des 1,5 °C maintenu en respiration artificielle

La COP26 avait pour objectif de maintenir le mort vivant : limiter le réchauffement à 1,5 °C . Un objectif irréaliste pour tous ceux, experts et négociateurs, qui ont parcouru les allées de la COP pendant cette dernière semaine. Mais c’est comme s’il fallait toujours continuer d’y croire, ou faire mine au vu de l’importance des enjeux, quand il s’agit d’États qui vont disparaître, de populations pauvres qui vont payer le prix fort alors qu’elles ne sont responsables de rien. De malheurs qui vont gangréner la planète. Des tensions, dans les pays et entre pays, qui vont se multiplier.

L’objectif 1,5 °C est irréaliste. Déjà parce que les données du dernier rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution climat l’annonçait. Sur cinq scénarios présentés en août, le réchauffement envisagé à l’horizon 2040-2060 va de 1,6 °C pour le plus optimiste à 2,4 °C pour le moins.

En clair : soit on stoppe immédiatement notre consommation de charbon, de pétrole et de gaz, et on limitera éventuellement les dégâts à 2 °C, voire en dessous. Soit on n’arrête pas ou pas assez vite, et ça dégénèrera. Malgré des frémissements inédits (sur le charbon, sur le pétrole et le gaz et la sortie des énergies fossiles, sur le méthane), la COP26 s’achève sur cette dernière option. Dommage.

Dans sa déclaration finale, elle invite seulement les pays à « accélérer les efforts pour réduire progressivement » l’usage « du charbon sans système de capture » de CO2. Et à « réduire l’usage » des subventions aux énergies fossiles quand ces financements sont « inefficaces ». Ce qui laisse place à interprétation.

Des États incapables de proposer des stratégies efficaces pour atteindre les 1,5 °C

L’objectif 1,5 °C est d’autant plus irréaliste aujourd’hui qu’il l’était déjà en 2015. À l’ouverture de la COP21 de Paris, l’objectif était 2 °C. Les 1,5 °C ont été inclus en dernière ligne droite parce que les pays et les populations menacés, notamment les archipels du Pacifique, le réclamaient. C’était ça ou bien il n’y avait pas d’unanimité. Donc pas d’accord de Paris. Cette exigence était compréhensible. Impossible de voter pour un monde dans lequel on n’existera plus.

Ces pays ont également obtenu un rapport supplémentaire du GIEC. Rapport qui a validé le risque climatique à cette limite de 1,5 °C. Au-delà, les catastrophes vont s’aggraver et se multiplier, affirme le GIEC. Mais le GIEC ne dit pas que l’humanité va limiter le réchauffement à 1,5 °C.

Pour mettre l’humanité sur cette trajectoire, il aurait dès lors fallu diminuer les émissions de gaz à effet de serre sur un rythme qu’aucune politique économique n’a été en mesure d’impulser. Seule une crise comme la pandémie y est ponctuellement parvenue en 2020.

Mais, depuis 2015, la fièvre planétaire s’est accélérée. Plus on attend, plus il faudra que la réduction des émissions soit radicale pour éviter le pire.

Malgré « l’urgence » décrétée haut et fort par tous les pays, malgré l’afflux de promesses de « neutralité carbone« , la COP26 a démontré que les États restent à ce jour incapables de proposer des stratégies efficaces. Même sur le papier. Échec.

À lire aussi : Lutte climatique : la France en retrait à la COP26

La colère gronde au Sud

La crise et les violences climatiques s’installent désormais de manière évidente. L’année 2020 l’a assez précisément démontré. Certains pays déjà accablés, comme le Cameroun, le Zimbabwe, l’Éthiopie, le Sénégal, le Ghana, le Sierra Leone, consacrent 7 à 9 % de leur PIB à l’adaptation au changement climatique. L’ Afrique a réclamé 700 milliards de dollars par an d’aides internationales à partir de 2025. Les Nations unies estiment que le coût du réchauffement dans les pays en développement pourra monter jusqu’à 1 300 milliards de dollars annuels à l’horizon 2050.

Mais les pays développés n’ont pas tenu leur promesse de 2009 de donner à ces pays, au titre de leur « dette climatique », au moins 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Ils n’ont pas ajouté les 20 milliards qui manquent à ce jour. Ils les promettent maintenant pour 2023. Échec.

La colère gronde donc dans le Sud. “Notre confiance a été brisée”, a déclaré Keriako Tobiko, ministre de l’Environnement du Kenya. « Tout compromis » sur l’objectif de 1,5 °C « voudrait dire négocier avec la vie de milliards de personnes dans les pays les plus vulnérables comme les nôtres », a averti le président du groupe des Pays les moins avancés, Sonam Phuntsho Wangdi, secrétaire national de la Commission environnement du Bhoutan. Une bonne raison pour maintenir l’objectif de 1,5 °C en respiration artificielle.

Mais cela ne pourra pas durer éternellement. Tôt ou tard, il faudra bien signer l’acte de décès.

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