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Charbon : on le rejette à la COP26… Mais on en redemande

Sur le papier, tout le monde semble s’en accorder. Il n’y aura pas de limitation du réchauffement planétaire sans tourner la page du charbon. Mais dans la pratique, cela sera plus compliqué, y compris pour l’Europe.

Le 03/11/2021 par Vincent Rondreux
mine de charbon
Peu importe la COP26, la Chine a décidé de rouvrir des mines de charbon, pour accroître sa production de plus d'un million de tonnes. (Crédit : Shutterstock)
Peu importe la COP26, la Chine a décidé de rouvrir des mines de charbon, pour accroître sa production de plus d'un million de tonnes. (Crédit : Shutterstock)

Le charbon s’invite quasiment tous les jours à la COP26. Dès l’ouverture du sommet, les pays du G20 ont annoncé l’arrêt du financement international des centrales. Mais sans date de sortie totale.

Le charbon a émis 14,6 milliards de tonnes de CO2 sur les 36,7 attribuées en 2019 aux énergies fossiles, selon l’organisme Global Carbon Project. Son exploitation provoque en plus des fuites de méthane dans les mines. Et il émet des particules polluantes responsables de morts prématurées concernant chaque année plus de 20 000 personnes par an en Europe, selon plusieurs ONG, dont Greenpeace avec l’IER de l’Université de Stuttgart. Un fléau comparable aux décès par accidents de la route.

Au total, il y a environ 8 500 centrales à charbon dans le monde. Elles produisent plus du tiers de l’électricité.

En 2019, les plus gros émetteurs de CO2 issu du charbon étaient la Chine (7 236 millions de tonnes de CO2), l’Inde (1 670), les États-Unis (1 095), l’Union européenne (740), le Japon (435), l’Afrique du Sud (410), la Russie (395), la Corée du Sud (299), l’Indonésie (255), le Kazakhstan (172).

L’Australie (160 millions de tonnes de CO2 dues au charbon) est elle le premier pays exportateur, devant l’Indonésie et la Russie. Autant de pays qui, à part les États-Unis et l’Union européenne, ne se revendiquent pas à la pointe du combat contre le changement climatique. 

La Chine rouvre des mines de charbon pendant la COP26

Certes, il y a des progrès. Certains pays qui ont profité des financements internationaux (Bangladesh, Pakistan, Indonésie, Philippines, Kenya…) ont commencé à renoncer au charbon, selon l’organisme américain World Resources Institute.

L’Indonésie, par exemple, ne veut plus de nouvelles centrales dès 2023… Tout en agrandissant une centrale géante sur l’Ile de Java. Ce pays renoncera-t-il aux 100 nouveaux projets aujourd’hui dans les cartons (selon le think tank Carbon Tracker) ?

Dépendante à 60 % du charbon pour son électricité, la Chine vise un pic d’émissions « avant 2030 »… Avec un millier de centrales à charbon en activité auxquelles doivent s’ajouter plus de 350 nouveaux projets.

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Il faut dire que le charbon, s’il pollue très gravement, reste pratique pour son usage. Il n’est pas trop coûteux, plutôt abondant pour ceux qui le possèdent. Et aussi, il se transporte et se brûle facilement… C’est une énergie de proximité. En cas de soucis avec d’autres énergies, on allume une centrale à charbon et on résout le problème ! C’est ce qu’il s’est passé au Royaume-Uni en septembre quand les éoliennes ne fournissaient plus assez d’électricité. Confrontée à une hausse du coût du charbon et à une tension économique, la Chine a elle décidé en octobre de rouvrir des mines, pour accroître sa production de plus d’un million de tonnes. Peu importe la COP26.

Si les trois quarts du charbon utilisé dans le monde l’ont été en Asie Pacifique en 2019, il n’a pas pour autant été encore abandonné aux États-Unis et dans l’Union européenne, où quasiment tous les pays en consomment. Même si ce n’est qu’en appoint comme en France.

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« Faut-il brûler des arbres pour sauver la planète ? »

En Europe les plus gros émetteurs restent l’Allemagne (236 millions de tonnes en 2019), la Pologne (183), la République tchèque (58) et l’Italie (32). Juste devant la France et ses 27 millions de tonnes de CO2. Les émissions nationales devraient à l’avenir diminuer puisque les trois centrales restantes en 2021 (Cordemais dans la Loire-Atlantique, Meyreuil et Gardanne en Provence, et Saint-Avold et Carling en Moselle) doivent progressivement fermer d’ici 2024 voire 2026 pour Cordemais. 

Visant une réduction de 55 % de ses émissions de gaz à effet de serre en 2030, l’Union européenne devra donc traiter le problème du charbon solidairement. Rajoutons au tableau que quatre centrales sur cinq ne sont pas rentables, selon Carbon Tracker. L’an passé, l’Allemagne a entériné la date de 2038 pour la fermeture de la dernière unité. Cela s’annonce encore plus compliqué en Pologne notamment, où la population se chauffe encore en bonne partie au charbon…

En attendant, le nouveau Green Deal européen vise 40 % d’énergie renouvelable en 2030, avec « une place prépondérante » pour la bioénergie, c’est-à-dire la biomasse, le bois. Une solution pour remplacer le charbon ?

Selon le cabinet de conseil Material Economics, l’Union européenne surestime les capacités des forêts et des cultures végétales (augmentation de 150 % de la bioénergie depuis 2000). « Les plans actuels utilisent 40 à 100 % de plus que ce qui est susceptible d’être disponible », souligne-t-il. Plus de 500 scientifiques ont sonné l’alerte dans une lettre ouverte. L’association Canopée Forêts Vivantes interroge : Faut-il « brûler des arbres pour sauver la planète ? »

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