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En Chine, l’exploitation des terres rares rime avec pollution massive

Nécessaires pour les nouvelles technologies, les terres rares utilisées par l’Union européenne proviennent à 98 % de Chine. Un pays où leur exploitation est source de forte pollution.

Le 03/06/2022 par The Conversation
Mines en Chine
Un parc minier national des métaux rares du Xinjiang en Chine. Photo : twabian / Shutterstock.
Un parc minier national des métaux rares du Xinjiang en Chine. Photo : twabian / Shutterstock.

Il n’est pas une semaine sans que la presse, qu’elle soit nationale ou internationale, ne relate un fait relatif aux risques de pénurie en métaux stratégiques, utiles dans la transition énergétique. Le mois dernier, un rapport faisant part du besoin croissant en terres rares d’ici 2050 a largement été relayé. En effet, les terres rares sont utilisées dans toutes les nouvelles technologies.

Cependant, le grand public ne sait pas toujours d’où elles viennent ni quel est l’impact environnemental de leur production. Pourtant, quelque 17 kilos de terres rares sont nécessaires pour le fonctionnement d’une éolienne, par exemple. Selon le rapport sur les Grands Fonds Marins, de la Fondation de la Mer, la Chine fournit aujourd’hui 98 % des terres rares utilisées par l’Union européenne. Et la demande mondiale devrait progresser d’année en année. Jusqu’à être multipliée par 20 à 40 d’ici 2050 pour certaines d’entre elles.

Que sont les terres rares ?

Les terres rares ont des propriétés magnétiques, électroniques, optiques et catalytiques exceptionnelles. Elles sont donc particulièrement utiles pour les technologies qui accompagnent la transition énergétique.

Aujourd’hui, leur consommation est principalement soutenue par le secteur des aimants permanents, composés pour partie de terres rares (notamment du néodyme et du praséodyme et en moindre mesure du dysprosium et du terbium pour les applications de haute performance).

Les secteurs d’usages de ces aimants sont multiples. Ils permettent en effet la miniaturisation (électronique, robotique). Et l’allègement des équipements (générateurs d’éoliennes off-shore, moteurs des véhicules électriques…).

Gros plan sur des panneaux solaires, avec une éolienne à l’arrière-plan
Les éoliennes et les panneaux photovoltaïques sont de gros consommateurs de terres rares. Nazrin Babashova/UnsplashCC BY

Cette demande croît de 10 % par an. En 2021, la production mondiale est ainsi estimée à 280 000 tonnes de terres rares. Selon les estimations, la Chine y participerait à hauteur de 60 % (source USGS). Mais le pays ne se préoccupe que très peu des pollutions engendrées par leur exploitation.

Le drainage minier acide, potentiel désastre environnemental

La Chine exploite notamment des gisements d’argile dans le sud du pays. Les terres rares y sont principalement exploitées selon une technique appelée « lixiviation en tas ». Malheureusement, cette technologie produit une grande pollution, due au drainage minier acide.

Ce phénomène spontané est généré par l’oxydation des sulfures (par exemple, la pyrite) contenus dans les roches ou résidus. En effet, lors des travaux miniers (excavations et pompages), l’équilibre chimique de ces affleurements et dépôts profonds est perturbé par une oxydation au contact de l’atmosphère.

Les produits résultant de ce drainage minier acide peuvent ensuite migrer dans les environnements souterrains. Cela entraîne une grave contamination par les terres rares des sols, des eaux et des cultures.

Contaminations des eaux et expositions aux polluants

S’y rajoutent des problèmes sanitaires, incluant la contamination des eaux de surface et souterraines par des métaux (comme les terres rares). Mais aussi l’exposition à de fortes concentrations de dioxyde de soufre, aux particules…

L’augmentation des concentrations en terres rares dans l’environnement proche des exploitations minières a ainsi suscité des inquiétudes dans le monde entier, par exemple, en Chine, au Vietnam, en Australie, en Inde ou en Espagne.

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Enorme mine ouverte à flanc de colline et plongeant profondément dans le sol
La mine de cuivre de Rio Tinto (Espagne) a été fermée en 2001. Jordi Vich Navarro/Unsplash

Pour limiter les impacts environnementaux résultant du drainage minier acide, on pourrait utiliser des technologies d’atténuation naturelle passive comme l’activité microbienne (par exemple nitrification/dénitrification). Ou des technologies actives (comme la coagulation/floculation).

Cependant, ces deux grands types de technologies présentent des inconvénients. Tels que des problèmes de biocolmatage et d’entartrage résultant des précipitations minérales pour la première. Et des traitements coûteux et longs pour la seconde.

Nos travaux récents menés dans le sud de la Chine autour d’une mine dans la province de Jiangxi ont montré que ce drainage minier acide pouvait être pris en compte dans un processus de traitement des eaux de drainage par simple neutralisation du pH (séparation de plusieurs kilogrammes de terres rares par jour). Ce simple traitement permet de produire des terres rares tout en réduisant la pollution engendrée… mais n’est pas rentable économiquement.

Les terres rares, une ressource stratégique

La production et l’exploitation des terres rares (depuis la mine jusqu’aux aimants permanents) sont un avantage compétitif majeur de la Chine. Cela souligne l’importante vulnérabilité de l’approvisionnement pour l’industrie européenne.

Afin d’atténuer ce déséquilibre industriel, l’Union européenne encourage les États membres à développer et à diversifier leurs sources d’approvisionnement. Qu’elles soient primaires (minières) ou secondaires (réutilisation, recyclage et réduction des déchets).

Cependant, l’Union européenne (et plus largement de nombreux pays) est contrainte par des législations environnementales qui imposent de nombreux aménagements, comme en France avec la gestion du drainage minier acide.

Tant qu’il n’y aura pas de prise en compte à l’échelle mondiale de ces risques de pollution, les industries vont continuer de produire ailleurs (comme en Chine). Là où les contraintes environnementales sont moins strictes.

A propos de l’auteur : Olivier Pourret. Enseignant-chercheur en géochimie et responsable intégrité scientifique et science ouverte, UniLaSalle

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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