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François Hollande : « Il n’y aura pas de transition écologique sans justice sociale »

Le 27/11/2018 par Alice Pouyat

La COP21 et les enjeux de la COP24
« La Cop21 a marqué l’histoire car pour la première fois 190 pays ont signé l’accord sur le climat qui n’avait pu être signé à Copenhague en 2009, ce qui avait été un échec considérable. Trois ans après, personne ne s’est désengagé, sauf les Etats-Unis, mais une clause veut qu’ils ne pourront en sortir avant 2020, et il n’est pas sûr que Trump soit encore au pouvoir à ce moment là. Le plus grave est que les émissions ont progressé beaucoup plus que ce qu’on attendait après les accords de Paris. Nous avions fixé comme objectif un réchauffement de 2 degrés maximal d’ici la fin du siècle par rapport à la température de la planète avant l’ère préindustrielle. Et tout laisse penser qu’on ne sera pas loin de 3°C. Or, le GIEC vient encore de montrer dans une récente étude qu’un demi degré pouvait avoir un impact important sur la montée des océans, sur la destruction de zones coralliennes… Il y a donc tout intérêt à renforcer les engagements lors de la prochaine conférence. »

L’inaction des Etats face au réchauffement
« A leur décharge, certaines décisions politiques ne peuvent avoir d’effet avant 4 ou 5 ans… De plus,  s’est produit une accélération de la croissance, et dès qu’il y a plus de croissance, il y a plus de consommation d’énergie et plus d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Je crois qu’il y a une prise de conscience des Etats et des citoyens. Mais cela va lentement car il faut changer structurellement nos modes de consommation, de production, de transports… »

Les solutions urgentes à appliquer
« La première décision est de réduire la consommation d’énergie et donc l’isolation des bâtiments puisque le secteur résidentiel représente la moitié des émissions de CO2. Tous les logements devraient être isolés d’ici 5 ans. La deuxième décision est de fermer progressivement les centrales au charbon qui est l’énergie la plus nuisible. La France a pris la décision de fermer les centrales d’ici 2021. Mais de nombreux pays continuent d’en avoir. La Chine a décidé de fermer les siennes mais en finance en Afrique…. Ce n’est pas évident pour l’Allemagne ou la Pologne, qui en dépendent beaucoup par exemple. Ce qui se passe en ce moment ressemble plus à de la médecine douce. Et il faudra aller plus loin. L’autre question est : faut-il mettre un prix au carbone ?…Si on envoie des signaux dans ce sens, il y a des investissements qui seront de plus en plus écologiques. »

L’avenir du nucléaire en France
« Le nucléaire a un caractère ambigu au regard de la lutte contre le réchauffement climatique, puisqu’il n’émet pas de GES et permet d’éviter d’utiliser les énergies fossiles. Mais il pose la question du recyclage des déchets et plus généralement de la sûreté. Faut-il réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité ? Ma réponse est oui. Et en même temps, il faut augmenter les investissements dans les énergies renouvelables. Le démantèlement des centrales doit être pensé avec les élus locaux et peut devenir une industrie compétitive pour la France. Enfin, avant de construire un 2e ou 3e EPR, je pense qu’on doit finir le premier pour connaître son coût, qui sera sûrement considérable. »

Collapsologie et effondrement
« Je crois qu’il y a toutes les raisons d’être très inquiet du réchauffement. Longtemps on a eu cette formule : « Essayons de protéger la planète pour nos enfants et nos petits enfants ». Aujourd’hui, c’est pour nous-mêmes qu’il faut commencer à le faire. On voit se répéter des catastrophes à des rythmes de plus en plus fréquents. Dans son essai sur l’effondrement, Jared Diamond évoque des perspectives tout à fait crédibles, comme la disparition de 75% des espèces d’ici la fin du siècle. Ou la destruction de toutes les barrières coralliennes. Il pose aussi cette question : qui ira plus vite, la destruction de la planète ou les progrès de la science pour y remédier ? Cette course est engagée et personne ne sait qui sera le plus rapide. »

La compatibilité de la croissance et de l’écologie
« Ca c’est la question que Nicolas Hulot a posé en partant – il aurait pu se la poser en arrivant ! La croissance nulle ou faible, on a déjà connu. Dernièrement, elle était assez proche de 1,5, 2%…. avec tout de même un dérèglement climatique. Ce qui compte c’est d’avoir grâce à l’écologie un nouveau développement, en inventant des industries… Il faut plutôt adopter une consommation et une production plus durables. »

Les gilets jaunes et l’environnement
« Les gens qui ont manifesté n’ont pas nié la question écologique mais ils ont refusé que ceux qui ont des difficultés et vivent sur des territoires mal desservis soient les premiers payeurs. Il y aurait dû y avoir des compensations prévues dès le départ. La taxe d’habitation a baissé mais personne n’a fait le lien. S’il y avait eu un chèque énergie les citoyens auraient peut-être mieux compris… Il ne peut pas y avoir de transition écologique sans justice sociale et fiscale. Chacun peut comprendre qu’il faille faire un effort mais encore faut-il avoir le sentiment que les plus favorisés sont ceux qui font le plus d’efforts. »

L’organisation des gilets jaunes
« Les gilets jaunes ont le sentiment qu’une partie des territoires n’est plus comprise et ne se reconnaissent pas de représentants légitimes. Le gouvernement n’a pas non plus utilisé les corps intermédiaires comme interlocuteurs, les syndicats, les associations, les élus locaux… Il y a l’idée aujourd’hui qu’il vaut mieux prendre son destin en main seul. Or, cette idée d’un mouvement sans représentation, sans incarnation, sans protection me paraît dangereuse. A l’inverse, l’idée de créer des assemblées locales qui débattent de l’avenir des territoires, proposée par les gilets jaunes, me semble intéressante. »

La crise de la démocratie
« Il y a une crise de la démocratie partout dans le monde, avec une baisse de la participation aux élections, un affaiblissement des partis de gouvernement. Il faut bien comprendre que ce qu’on croyait irréversible peut demain être en recul. L’élection de Trump ou le Brexit sont des tendances de fond, ce ne sont pas des hasards. Que faut-il faire ? Il faut trouver d’autres formes de participation que le seul vote. Il faut plus de consultations. Peut-être n’a-t-on pas assez expliqué aux Français les accords sur le climat par exemple. »

Donald Trump et le populisme
« La rationalité, le compromis, l’intérêt général, le long terme, la raison, sont plus ardus que la démagogie et l’outrance… Trump a compris qu’il est plus simple de faire trois tweets repris mondialement que de faire un long discours avec des citations… Dans cette bataille mondiale, il est difficile pour la démocratie de frayer son chemin. Ce fut dur aussi pour elle face au fachisme. Espérons qu’il n’y ait pas besoin de guerre pour que la démocratie l’emporte. »

Sur l’après-Macron, Le Pen et Mélenchon
« Le président est élu pour 5 ans. Il faut laisser le temps pour établir un jugement. L’inquiétude est qu’il n’y a pas du côté des partis de gouvernement une opposition prête à offrir une alternative. Le risque extrémiste n’est pas complètement écarté. Marine Le Pen a fait 35% des voix… l’un des plus hauts scores de l’extrême droite en Europe. De l’autre côté, on peut se demander si la gauche peut être représentée par un individu qui pense que les journalistes sont des pourris, que les magistrats sont à la solde du pouvoir, que Radio France est une radio d’Etat, que la gauche mérite d’être mise sous sa tutelle… »

Sur son rôle politique à venir
« La politique peut-elle encore changer le destin d’une nation, de l’Europe ou du monde ? Moi je crois que oui. On voit ce qui peut se passer dans un sens négatif. Regardez comme le monde a changé en 18 mois avec Donald Trump… Cela peut changer aussi positivement. La politique peut faire et défaire. La cause que je poursuis aujourd’hui est de faire comprendre aux Français que leur décision politique a une conséquence sur le destin de l’Europe et du monde. »
 

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