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L’application StopCovid est-elle vraiment nécessaire ?

En développement depuis avril, l’appli Stop Covid sera finalement présentée le 27 mai aux députés. Utile pour les uns, inefficace voire dangereux pour les autres, ce nouvel outil fait débat.

Le 22/05/2020 par Pauline Vallée
Crédit : Shutterstock
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Contrairement à l’image de la Corée du Sud ou d’Israël, la France ne va pas utiliser la géolocalisation des malades du Covid-19. Le gouvernement explore une voie alternative : celle du « contact tracing”. 

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Présenté le 8 avril dernier par le ministre de la santé Olivier Véran et le secrétaire d’Etat au numérique Cédric O dans les colonnes du journal Le Monde, le projet d’application « StopCovid » sera débattu à l’Assemblée Nationale le 27 mai. S’il est adopté, l’application pourrait être opérationnelle dès le début du mois de juin.  

Comment fonctionne-t-elle exactement ? Conçue par une équipe de chercheurs dirigée par l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), l’appli serait capable de prévenir son utilisateur s’il se retrouve en contact avec une personne atteinte du virus. Comment ? Grâce à une connexion sans fil Bluetooth, qui permet à deux appareils à proximité de se connecter l’un à l’autre. L’utilisateur pourrait donc recevoir une alerte dès qu’il se trouve à côté d’une personne atteinte du Covid-19, afin de pouvoir s’isoler.

Ce système présente deux avantages par rapport à l’exploitation directe des données de géolocalisation. Tout d’abord, il prévient l’utilisateur de la présence d’un malade, sans que celui-ci ne soit spécifiquement désigné. Les interactions entre les mobiles se font de manière anonyme. Un procédé qui évite la stigmatisation des porteurs du virus. 

Ensuite, un fonctionnement par Bluetooth ne repose pas sur le traçage continu des données GPS de ses utilisateurs. “L’application ne géolocalisera pas les personnes”, assurait ainsi Cédric O au Monde. Ce qui l’intéresse n’est pas où vous vous trouvez, mais qui vous croisez sur votre route. 

Un outil efficace… à condition d’être adopté par la majorité

Des applications similaires existent déjà à Singapour (« Trace Together ») ou en Autriche, avec l’outil « Stop Corona » développé par la Croix Rouge. Elles ont été toutes deux téléchargées par une minorité de citoyens. Or, pour que le contact tracing ait une réelle utilité, les applications doivent être utilisées par une part significative de la population – au moins 60 % selon une étude parue dans la revue britannique Science.

Autre obstacle : utiliser une connexion Bluetooth nécessite de posséder un smartphone, ce qui n’est pas le cas de 25 % des Français. Cédric O a annoncé réfléchir à une « aide à l’équipement » ainsi que des « alternatives aux smartphone » pour les populations touchées par la fracture numérique. 

Face à la généralisation des solutions de traçage, la Cnil n’a pas manqué de rappeler, par la voix de sa présidente Marie-Laure Denis, entendue en audition  le 8 avril devant la commission des lois Assemblée nationale, que ces nouveaux outils devront impérativement respecter les textes en vigueur sur la protection des données personnelles (RGPD) et de la vie privée : caractère temporaire du dispositif, destruction des données après la crise, utilisation reposant sur un consentement « éclairé » de l’utilisateur… 

Le tout en mettant en garde contre la tentation du « solutionnisme technologique ». « Il faut se garder de penser qu’une application va tout résoudre, même si les nouvelles technologies peuvent contribuer à une sortie sécurisée du confinement (…) », souligne Marie-Laure Denis. 

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La Quadrature du Net se montre encore plus radicale. L’association française de défense des libertés sur Internet dénonce une application « inutile » et « dangereuse pour nos libertés« , pointant ses nombreuses failles. « En créant un faux sentiment de sécurité sanitaire, l’application pourrait inciter à réduire les gestes barrières, tout en échouant à lancer des alertes suffisamment fiables« , alerte-t-elle dans un texte publié sur son site .

L’association s’alarme également de la pression sociale qui pourrait s’exercer sur les personnes ne pouvant – ou ne voulant – pas télécharger StopCovid, ainsi que l’impossibilité de garantir l’anonymat des personnes ciblées. « Il s’agit au mieux d’un pseudonymat, qui ne protège pas contre tout type de surveillance individuelle« , souligne-t-elle. Ces craintes seront-elles prises en compte par les députés ? Réponse le 27 mai. 

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