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Les réseaux sociaux feront-ils l’élection présidentielle de 2017 ?

Quand Facebook, Twitter et YouTube surpassent les médias traditionnels en se faisant l’écho d’une campagne permanente, on se pose forcément la question.

Le 14/04/2017 par Julie Jeunejean
Quand Facebook, Twitter et YouTube surpassent les médias traditionnels en se faisant l’écho d’une campagne permanente, on se pose forcément la question.
Quand Facebook, Twitter et YouTube surpassent les médias traditionnels en se faisant l’écho d’une campagne permanente, on se pose forcément la question.

La chasse aux likes, aux partages et aux followers a définitivement conquis la politique. Qu’il s’agisse de Facebook, Twitter ou YouTube, les réseaux sociaux sont devenus incontournables pour les candidats à l’élection présidentielle. 

C’est en 2012 que leur usage émerge lors de l’élection présidentielle, rappelle Anaïs Théviot, docteure en science politique à l’Institut d’études politiques de Bordeaux.

Une campagne électorale de plus en plus instantanée

À l’ère des réseaux sociaux, on ne fait plus campagne comme avant : « Leur utilisation par les candidats a changé la temporalité des campagnes : les réseaux sociaux s’appuient sur l’instantanéité », analyse Anaïs Théviot.

Pour les candidats, il s’agit donc d’assurer une présence permanente grâce à un réservoir de contenus (photos, vidéos, infographies…) et de se parer ainsi de modernité. Ce faisant, la campagne devient « quasi permanente », relayée sur les radios et les chaînes d’information en continu.

Les réseaux sociaux, notamment Twitter, sont à la fois un sondage permanent de l’opinion publique permettant de voir évoluer la popularité d’un candidat et un moyen, pour lui, de se préparer à s’adresser aux citoyens et de répondre aux journalistes.
 

« Beaucoup d’éléments qui y circulent permettent aux équipes de campagne de sentir quels sont les sujets délicats, les rumeurs comment les mesures ont été comprises par l’opinion », précise Anaïs Théviot.

YouTube, le réseau sociale de la campagne électorale de 2017

À l’accélération du temps médiatique s’ajoute une modification, dans sa forme, de la parole politique. Les équipes de campagne doivent adapter leurs contenus aux différents réseaux sociaux, ce qui implique un effort d’écriture aussi bref que limpide. Il y a aussi « un gros travail autour de l’image et de la vidéo », constate Anaïs Théviot et d’ajouter que ce sont les chaînes YouTube qui font le « buzz » cette année. À noter aussi, l’irruption de la vidéo en direct, notamment utile pour retransmettre un meeting sur Facebook.

Si tous les candidats ont une chaine YouTube, leur présence sur le réseau n’est pas le même pour tous et cela se ressent : 43 482 abonnés pour François Asselineau, 6 533 pour François Fillon, 7 014 pour Benoît Hamon, 13 066 pour Emmanuel Macron et 19 018 pour Marine Le Pen. Concernant Emmanuel Macron, le faible nombre d’abonnés qu’il comptabilise s’explique par son choix de privilégier les vidéos Facebook, précise Anaïs Théviot.

Mais parmi les candidats, celui a le mieux su se saisir des possibilités qu’offre ce média est Jean-Luc Mélenchon, avec 284 535 abonnés. En octobre 2016, seules 36 000 personnes étaient abonnées à sa chaine. Ce « succès », l’homme politique le doit notamment au Youtubeur Antoine Léaument, créateur de la chaîne Le Bon Sens, « qui l’a conseillé sur la stratégie à adopter », explique Anaïs Théviot. Le candidat de La France insoumise a ainsi développé des formats plus courts, en reprenant les codes de YouTube. L’objectif : toucher un public plus jeune qui délaisse la télévision.

Effet de bulle filtrante

Pour l’ensemble des candidats, les réseaux sociaux représentent aussi la possibilité de toucher les électeurs indécis et ceux qui se désintéressent la politique. La chose n’est pas aisée, souligne Anaïs Théviot : « L’essor des réseaux sociaux n’amène pas forcément les citoyens à s’intéresser à la vie politique ».

Prenons l’exemple de Facebook : le réseau social est un réseau fermé avec un effet de bulle filtrante. Les utilisateurs sont majoritairement exposés à des informations correspondant à leurs convictions politiques. Difficile, pour les partis politiques, de pénétrer cet univers-là. Quant aux internautes qui ne s’intéressent pas à la politique, ce fameux effet de bulle filtrante leur offre peu de chance d’avoir accès à des contenus politiques.

Reste que, pour les candidats, les réseaux sociaux sont un moyen de contourner les filtres journalistiques en s’exprimant sur leur propre média. C’est particulièrement vrai pour ceux qui se disent « hors système », tel le FN. La stratégie est ici double : ce que les candidats disent sur leurs réseaux sera repris, dans un second temps, par des leaders d’opinion et dans des médias traditionnels.

Plus collaborative en apparence, la communication sur les réseaux sociaux reste cependant très maîtrisée. « Les candidats ont une peur de l’instantanéité et une volonté de garder une emprise sur ce qui se dit », explique Anaïs Théviot. La chercheuse parle ainsi d’une « interaction de sélection » — des questions des internautes par exemple —, entre les candidats et leurs électeurs. « Ils ont une difficulté à se saisir des potentialités du web 2.0, centré sur les pratiques collaboratives et l’interactivité » et semblent avoir créé « un genre hybride » qu’Anaïs Théviot résume par l’expression « web  1.5 ».

En France, les réseaux ne sont pas des outils d’information classiques

Si les réseaux sociaux ont introduit des transformations en terme de communication politique, ils n’ont donc pas tout changé. « Les hommes et femmes politiques les pensent comme la continuité de l’espace de communication interpersonnel », explique Aurélie Olivesi, docteure en Sciences de l’information et de la communication. De façon générale, leur usage reste assez marginal : ce ne sont pas encore« des outils d’information politique classique en France ».

Ils peuvent par ailleurs avoir des effet inquiétants. L’internaute peut être soumis à de fausses informations, à du contenu qui fait le « buzz » mais qui n’est pas nécessairement véridique. La fameuse « post vérité ». « Je pense notamment au cas d’un message qui a été énormément partagé sur Facebook pendant la campagne pour l’élection présidentielle américaine de 2016 : ‘Le pape soutient Trump’. Il a été tellement partagé que le nombre de partage faisait effet de preuve“.

Le trolling : un parasitage de l’information

Quant au « trolling », qui consiste pour certains militants à sur-alimenter les modules de commentaires situés en bas des articles ou sur les pages Facebook de leurs adversaires, il peut aussi venir parasiter l’information. « Les militants d’Asselineau, par exemple, sont très actifs en ligne avec la même manière de procéder que le Front national », qui s’en est fait une spécialité.

Pour s’informer, l’internaute doit être capable de croiser les sources d’information, d’être acteur de son information.
 

« Il manque une formation pour tous les citoyens sur la manière de bien s’informer en ligne. Une fois les bases acquises, nous seront armés pour que les réseaux sociaux soient des outils de démocratisation et non pas de désinformation », veut croire Aurélie Olivesi.

Réseaux sociaux : un impact difficile à évaluer

Si la question de l’impact de Facebook, Twitter ou YouTube sur l’issue des élections présidentielles ne peut plus être évitée, il reste encore difficile d’évaluer leur responsabilité. « Du point de vue de la recherche, les données sont difficiles à récupérer pour être analysées », souligne Aurélie Olivesi. Résultat, s’il est possible de percevoir des « signaux faibles », « des tendances électorales », « il est impossible de faire des pronostics » en scrutant le nombre d’abonnées et les like des candidat, confirme Anaïs Théviot.
 

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