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Pourquoi la construction doit devenir le fer de lance de la transition écologique

Tribune. Par Thomas Coquil, cofondateur et président de Solaire Box.

Le 28/05/2019 par WeDemain
(Crédit : Pixabay)
(Crédit : Pixabay)

Alors que s’achève le dépouillement des votes aux élections européennes, les votes en faveur du mouvement écologiste sont en nette hausse. C’est un signal fort, qui illustre la prise de conscience réelle qui se joue actuellement partout en Europe pour accélérer la transition écologique. Beaucoup espèrent ainsi voir se concrétiser le plan quinquennal évoqué durant la campagne pour lutter contre les changements climatiques et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pour espérer tenir cet objectif ambitieux, il est nécessaire d’adopter dès à présent une démarche radicale et systématique de réduction des émissions.

Trop souvent sous-estimé, le bâtiment, qu’il soit résidentiel ou tertiaire, représente près de 20% des émissions de gaz à effet de serre, et 40 % de la consommation d’énergie au niveau national. En 2017, ces émissions équivalent à 78 millions de tonnes de CO2. Elles sont certes en baisse depuis 10 ans, mais occupent toujours une part importante des émissions, juste derrière le transport. Il semble assez clair que la transition écologique ne saurait se faire sans une transition énergétique.

Si la France fait plutôt figure de bonne élève en Europe en termes d’émissions de CO2 liées à la production d’énergie (notamment grâce à son important parc nucléaire), elle est encore à la traîne concernant l’efficacité énergétique de ses logements et la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique. Pour un ménage français, chauffé en grande majorité au gaz ou à l’électricité, le chauffage est ainsi la deuxième source de gaz à effet de serre après le transport routier. Cela est principalement dû à l’ancienneté du parc de logements, avec des bâtiments qui sont parfois de véritables « passoires énergétiques ». L’ONPE estime ainsi que 7 à 8 millions de logements seraient concernés, soient près d’un tiers du parc résidentiel français.

Accélérer la rénovation des « passoires thermiques »

La mesure la plus évidente, et qui a été déjà engagée depuis une quinzaine d’année, est de rénover les bâtiments les plus énergivores, notamment en améliorant leur isolation et en modifiant les systèmes de chauffage, d’eau chaude ou de climatisation. Le dispositif Certificats d’Économies Énergétiques permettant le versement de primes afin d’inciter la rénovation thermique est un dispositif intéressant. De même les dispositifs comme les CITE ou l’éco-PTZ doivent être maintenus et amplifiés.

Cependant, si l’on considère les ménages les plus modestes, seuls 16% d’entre eux étaient propriétaires de leur logement en 2013. Ils sont donc majoritairement locataires, et consacrent en moyenne 31% de leur budget au logement. Difficile dans ces conditions de songer à faire des investissements nécessaires à la rénovation de leur logement. Il est donc nécessaire et urgent de penser également les dispositifs en leur faveur, et de rendre cette transition énergétique accessible au plus grand nombre

Favoriser les constructions neuves plus durables et autonomes

Outre la rénovation des bâtiments déjà construits, il est nécessaire d’améliorer la conception et la construction des bâtiments neufs, qui doivent être pensés dans une logique « zéro carbone » de la production des matériaux à leur démolition.

Les règlementations comme la RT 2012 ont eu des effets tangibles sur la consommation d’énergie, mais il est nécessaire d’aller encore plus loin, notamment avec la RE 2020. D’après les premiers éléments connus à son sujet, elle sera encore plus exigeante concernant l’isolation thermique, mais prendra aussi en compte la qualité environnementale des matériaux utilisés, et éventuellement l’intégration systématique d’une source d’énergie renouvelable, faisant des bâtiments à énergie positive la nouvelle norme.

On peut s’interroger sur la facture environnementale associée à la construction de nouveaux logements, en comparaison avec celle associée à la rénovation de logements plus anciens. Différentes études se sont penchées sur la question, et leur conclusion est nuancée : dans le cas de bâtiments trop anciens ou trop coûteux à rénover, il est préférable de reconstruire complètement

Faire des choix d’urbanisme et d’aménagement du territoire

La question énergétique est intimement liée au maillage urbain. On pourrait penser que la construction de logements individuels favorise la pollution et l’étalement urbain. En réalité, la réponse n’est pas si simple, et si l’on envisage une démarche systématique de neutralité carbone dans les nouvelles constructions, et la promotion des mobilités douces, vivre dans une maison individuelle ne sera plus une aberration écologique.

Investir dans la R&D et l’innovation

Les avancées technologiques récentes permettent à la fois d’améliorer l’impact environnemental lié à la production d’énergie verte, mais également leur efficacité. Ces technologies, le solaire notamment, sont à présent bien maîtrisées et matures d’un point de vue technique. Elles deviennent ainsi doublement pertinentes : elles sont rentables d’un point de vue écologique mais aussi économique.

Réaliser une prise de conscience collective

C’est vraiment la clé de voûte de la transition écologique. Chaque citoyen doit prendre conscience de sa part de responsabilité et du fait qu’il peut changer les choses à son niveau, qu’aucun geste n’est anodin. A travers chacun de nos choix quotidiens, nous pouvons contribuer à réduire notre empreinte énergétique.

Cela nécessite un effort d’éducation supplémentaire : les écogestes tels que le recyclage ou l’utilisation d’ampoules basses conso, auxquels le grand public a été très sensibilisé constituent un réel progrès, mais ils sont loin d’être suffisants. Il est nécessaire que les pouvoirs publics saisissent le problème à bras le corps et informent les citoyens de manière systématique sur les émissions de CO2 liés à leur choix de consommation. En parallèle, il est primordial de mettre en place des dispositifs fiscaux qui viendront impacter les biens les plus énergivores, et favoriser les biens les moins polluants.

Pour avancer sur la voie de la transition écologique, il faut aussi que nous soyons prêts à changer nos habitudes en profondeur. Cela passera par quelques sacrifices, mais surtout par une remise en question. Nous devons repenser nos modèles de consommation vers un modèle plus durable, et à se montrer collectivement ambitieux pour écrire un nouveau futur.

À propos des auteurs

Thomas Coquil, cofondateur et président de Solaire Box. Créée en 2014, Solaire Box est à l’origine d’un concept d’habitation qui allie l’ossature bois à l’énergie photovoltaïque. À travers ce concept, Solaire Box veut rendre la transition énergétique accessible au plus grand nombre, en construisant des habitations éco-responsables et autonomes en énergie.

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