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Pourquoi le Mexique a décidé de nationaliser son lithium

Pour protéger ses importantes ressources en lithium, le Mexique vient d’interdire aux entreprises privées l’exploitation de nouveaux gisements.

Le 12/05/2022 par Florence Santrot
Extraction du lithium
Des poches de saumure pour l'extraction de lithium. Photo : Shutterstock.
Des poches de saumure pour l'extraction de lithium. Photo : Shutterstock.

Au Nord du Mexique, l’État de Sonora est une terre de contrastes. Situé le long du golfe de Californie, ses plages et ses activité aquatiques ont fait sa réputation et attirent chaque année de nombreux touristes. Mais il possède aussi un désert renommé, merveille géologique et plus grande zone désertique de l’Amérique du Nord. C’est aussi dans cet État que se situe le plus grand gisement de lithium à ciel ouvert au monde. Il est présent sous la forme d’un salar (désert de sel) et accueillerait 243,8 millions de tonnes de réserves de lithium. Dont 4,5 millions d’équivalent carbonate de lithium (LCE).

Découvert très récemment, en 2019, ce gisement a d’abord été présenté comme « le nouveau pétrole du Mexique ». Perçu comme une source de richesses à exploiter au plus vite, il a attiré de nombreuses entreprises privées internationales. Mais le pays semble avoir fait évoluer sa réflexion puisqu’il vient d’annoncer sa volonté de nationaliser progressivement le lithium. Ce minéral précieux voit sa demande croître d’année en année, notamment en raison des besoins exponentiels de l’industrie automobile. Le lithium est en effet un élément essentiel des batteries de véhicules électriques. A la clé, une véritable flambée des prix. Le cours de « l’or blanc » a été multiplié par cinq en un an en 2021.

Le lithium décrété « minéral stratégique » par le Mexique

Dans un décret voté en seulement deux jours par le parlement, le gouvernement mexicain a décidé une modification de sa loi minière. L’article 5 bis stipule : « Le lithium étant déclaré d’utilité publique, aucune concession, licence, contrat, permis ou autorisation ne sera accordé en la matière. Les zones dans lesquelles se trouvent des gisements de lithium seront considérées comme des réserves minières. Il est reconnu que le lithium est le patrimoine de la Nation et que son exploration, son exploitation, son profit et son utilisation sont réservés en faveur du peuple mexicain. »

D’ici 90 jours, l’État va créer une agence gouvernementale afin de superviser l’exploitation de ce « minéral stratégique », tel que qualifié désormais par le Mexique. « Dans l’exploration, l’exploitation, les bénéfices et l’utilisation du lithium et de ses chaînes de valeur, il sera du devoir de l’État mexicain de protéger et de garantir la santé des Mexicains, l’environnement et les droits des peuples autochtones, des communautés indigènes et afro-mexicaines », précise le décret officiel.

« Protéger et de garantir la santé des Mexicains, l’environnement et les droits des peuples autochtones. »

Le méga projet Bacarona Lithium bientôt nationalisé ?

Le président mexicain, Andres Manuel López Obrador, a déclaré que son administration examinerait tous les contrats de lithium. Cela jette une ombre de doute sur les projets déjà en cours de développement dans le pays. Y compris celui détenu par Bacanora Lithium dans le nord-ouest du pays. La société, détenue par le chinois Genfeng Lithium, est propriétaire du projet géant Sonora. Celui-ci projette de produire 35 000 tonnes de métal par an à partir de 2023.

Outre le fait de « froisser » quelques multinationales, cette annonce pourrait bien jeter un froid sur le marché mondial du lithium. En effet, on estime que, d’ici à 2030, la demande pourrait être multipliée par quatre. Et Eurométaux prévoit une hausse de 488 % de la demande pour ce minéral d’ici à 2050. Le hic est que ce minéral, utilisé à plus de 70 % dans la fabrication des batteries lithium-ion, est une ressource fossile. Et son extraction est la plupart du temps extrêmement polluante, avec une empreinte énergétique très mauvaise.

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