Partager la publication "Réfugiés climatiques : Panama, Irak, Somalie… les grands mouvements ont commencé"
Fin avril, le Haut-commissariat pour les réfugiés des Nations unies (UNHCR) a annoncé la création du Fonds de résilience climatique. Derrière ce nom, c’est une aide aux réfugiés climatiques qui se met en place. L’ONU espère ainsi réunir, d’ici fin 2025, 100 millions de dollars pour aider les communautés les plus menacées. Dans le monde, on estime que 114 millions de personnes ont déjà dû quitter leur résidence principale en raison de dérèglements climatiques (inondations à répétition, sécheresse, canicule…). Et, selon la Banque mondiale, la planète comptera pas moins de 216 millions de réfugiés climatiques en 2050.
On a souvent donné en exemple les îles polynésiennes de Tuvalu. Celles-ci sont directement menacées par la montée généralisée des eaux. Et le pays pourrait bien être rayé de la carte, englouti par les eaux, d’ici 2100. Il a d’ailleurs signé un accord avec l’Australie en novembre 2023. Le pays des kangourous leur offrira l’asile climatique en cas de nécessité. Les experts du GIEC citent cinq États (Maldives, Tuvalu, îles Marshall, Nauru et Kiribati) comme les plus susceptibles de finir immergés d’ici la fin du siècle. Cela représente 600 000 réfugiés climatiques potentiels. Depuis 1900, le niveau de la mer a déjà gagné 15 à 25 cm, souligne l’ONU.
1 200 indigènes obligés de quitter leur île au Panama
Le problème est assez similaire au Tuvalu dans l’archipel San Blas au Panama. Parmi les 378 îles qui le composent (sur 2 000 km2), 49 sont habitées. Ou plutôt l’étaient. Dans ce véritable paradis sur terre, où une nature luxuriante cohabite avec des eaux turquoises, les habitants doivent faire face à la montée inexorable de la mer des Caraïbes. Celle-ci a grimpé de 25 centimètres ces dernières décennies. À l’Est du détroit de Panama, le peuple Guna vit de la pêche, d’une agriculture d’auto-subsistance et d’un peu de tourisme. Mais ils sont parmi les premières victimes du réchauffement climatique au Panama.
Dernièrement, quelque 1 200 indigènes de la petite île de Carti Sugtupu ont emménagé dans leurs nouvelles maisons. Ils ont été aidés par un fonds national de 12 millions de dollars. La nouvelle colonie, « Nuova Carti », se trouve sur le continent. Elle est située à 15 minutes en bateau des anciennes maisons sur pilotis qui étaient régulièrement inondées. Selon les estimations du gouvernement, l’île risquait d’être complètement submergée d’ici 2050. En effet, elles s’élèvent entre 50 cm et 1 mètre au-dessus du niveau de la mer.
Entre deux ouragans, certains tentent de résister malgré tout, raconte France 24. Ils construisent et reconstruisent sans cesse des digues avec ce qu’ils trouvent : quelques rares pierres et… les coraux des récifs alentour. Fragilisant ainsi encore un peu plus leur écosystème.
En Irak, les réfugiés climatiques et économiques en plein essor
L’Irak est un des pays dans le monde les plus vulnérables au changement climatique, victime de l’augmentation des températures et d’une grave sécheresse. Le sud du pays connaît une importante crise, encore aggravée par des politiques controversées en matière de gestion de l’eau agricole et industrielle. Si on ajoute à cela une population en croissance rapide, on obtient un cocktail dévastateur. Une situation délétère qui pousse les habitants à quitter leur région.
En septembre 2023, l’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations, qui dépend de l’ONU) a enregistré plus de 130 000 personnes déplacées en raison de la rareté et de la mauvaise qualité de l’eau en Irak. Pour une bonne partie, ils ont migré vers le nord du pays, « vers des villes qui ne sont pas prêtes à accueillir de nouveaux citoyens », explique Ilaria Romano dans un reportage publié sur le site Open Migration. Bien souvent, il ne s’agit que d’une première étape. Face aux difficultés climatiques et économiques, les Irakiens décident de carrément quitter le pays, en quête de meilleures conditions de vie.
La Somalie, pays le plus pauvre du monde, entre inondations et sécheresses
Les situations climatiques extrêmes, la Somalie ne les connaît que trop bien. Ce pays d’Afrique de l’Est, qui compte un peu moins de 18 millions d’habitants, est considéré comme le plus pauvre au monde. Près de 70 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 2 euros par jour pour survivre. Outre les multiples conflits internes et un niveau d’insécurité élevé, la Somalie a déjà connu d’importantes périodes de sécheresse. La plus importante a eu lieu en 2011, provoquant la mort de 258 000 personnes.
Entre 2015 et 2017, un nouvel épisode a forcé quelque 800 000 habitants à quitter leur domicile, espérant trouver de l’eau et de la nourriture dans d’autres régions. Certains sont ensuite revenus chez eux, d’autres non. Depuis 2016, selon l’UNHCR, ce sont plus de 3 millions de Somaliens qui se sont déplacés en raison de sécheresses et d’inondations fréquentes. Car les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient dans un cercle vicieux. Après la sécheresse, viennent les pluies torrentielles qui dévastent tout sur leur passage. Ces populations, déjà vulnérables, sont donc contraintes à des déplacements répétés qui aggravent encore leur situation, en incitant certains à quitter définitivement le pays.
Une Terre pour tous : se préparer au défi des réfugiés climatiques
Face à l’ampleur croissante du défi posé par les réfugiés climatiques, il est crucial que la communauté internationale agisse de manière concertée et ambitieuse. D’où la création du Fonds de résilience climatique. Le nouveau rapport du Club de Rome, intitulé « Earth for All », souligne avec force la nécessité d’une réponse coordonnée à l’échelle planétaire. Ce rapport met en lumière les conséquences humanitaires, sécuritaires et économiques désastreuses qui pourraient découler d’une inaction face à ce phénomène.
Il appelle les nations à se doter d’un cadre juridique et opérationnel permettant d’accueillir dignement ces populations contraintes à l’exil, tout en œuvrant résolument à l’atténuation du dérèglement climatique. Nul pays ne pourra rester indifférent face à cette crise aux ramifications multiples et à l’ampleur inédite. Une solidarité internationale renouvelée et des efforts soutenus pour préserver l’environnement sont les seuls garants d’un avenir viable. Pour les millions de personnes menacées par les impacts dévastateurs du changement climatique comme pour ceux encore relativement épargnés.
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