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Tout comprendre au projet de l’A69 (et pourquoi c’est une ineptie)

L’autoroute A69, qui doit relier Castres à Toulouse, fait polémique. Vieux de 30 ans, ce projet semble anachronique au regard des enjeux climatiques actuels.

Le 11/10/2023 par Florence Santrot
Autoroute A69
Le projet de l'A69 est dénoncé par les scientifiques. Pour l'heure, l'État a décidé de persister et de le mener à terme. Crédit : MakDill / Shutterstock.
Le projet de l'A69 est dénoncé par les scientifiques. Pour l'heure, l'État a décidé de persister et de le mener à terme. Crédit : MakDill / Shutterstock.

Difficile de passer à côté de la polémique A69. Ces dernières semaines, le combat mené par l’activiste écologiste Thomas Brail mais aussi des associations et des scientifiques trouve de plus en plus de résonance auprès du grand public. Ils dénoncent la mise en œuvre d’un projet vieux de 30 ans : la construction d’une autoroute, l’A69, qui doit relier Toulouse à Castres dans la région Occitanie. Les travaux de cette nouvelle bretelle ont commencé au printemps… au grand dam des défenseurs de la nature.

Après une grève de la faim, Thomas Brail a entamé une grève de la soif. Celle-ci a été stoppée ce mardi 10 octobre 2023, suite à l’annonce d’une suspension du défrichement jusqu’à vendredi 13 octobre. Ce jour-là, le préfet de région et le préfet du Tarn réunissent les maires et les élus du territoire pour discuter du projet. Une réunion à la demande de Clément Beaune, ministre chargé des transports.

Une « aberration écologique et sociale » selon ses détracteurs

La construction de cette autoroute A69 est dénoncée comme une aberration écologique est sociale. Elle a été notamment dénoncée par la prise de position de quelque 200 scientifiques, dont deux auteurs des rapports du GIEC. Dans une lettre ouverte le 24 septembre dernier, le collectif Atécopol (une plateforme d’expertise du CNRS basée à Toulouse) s’est prononcé à l’unanimité contre le chantier. Décidé il y a 30 ans, ce projet ne prenait pas en compte à l’époque les défis auxquels nous avons à faire face en termes de réchauffement climatique et d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Or, les transports sont le premier secteur le plus polluant de l’Hexagone et représentent 32 % du total des GES produits en France en 2022.

Le vrai-faux de l’autoroute A69 Toulouse-Castres

L’A69 va permettre de gagner du temps. VRAI mais… Le tracé de l’autoroute A69 est parallèle à une route nationale, la 126, déjà existante entre Castres (sous-préfecture du Tarn) et Toulouse (préfecture de Haute-Garonne). Celle-ci relie les deux villes sur 53 km. La création de l’autoroute ferait en effet gagner une vingtaine de minutes aux automobilistes, sur un trajet d’1h30. Il y a donc un gain de temps mais qui n’est pas extrêmement significatif. Surtout au regard du budget nécessaire : près d’un demi-milliard d’euros. Le projet est financé à 90 % par des fonds privés (le groupe NGE est en charge de la construction et de la concession via sa filiale Atosca). Mais 23 millions d’argent public seront néanmoins octroyés.

Cette autoroute sera l’une des plus chères de France. VRAI. Pour environ 1 heure de trajet, il faudra débourser 6,77 euros pour emprunter l’A69. Coût auquel il faudra ajouter les 1,60 euro de la portion de l’A68 pour rejoindre Toulouse. Le prix sera moindre pour les véhicules électriques (réduction de 20 %). Mais quoi qu’il en soit, elle entrera dans la catégorie des autoroutes les plus chères de France.

Le projet d’A69 va faire disparaître une grande surface de terres agricoles. VRAI. La construction du projet signifie qu’environ 400 hectares de terres arables seront recouverts de béton et de bitume. En outre, plus de 1 000 arbres – dont certains centenaires – devraient être abattus dans le cadre de ce chantier. Une artificialisation des sols qui fait grincer des dents.

Une plaie pour la biodiversité et une soit-disant compensation carbone

L’A69 est une plaie pour la biodiversité. VRAI. En plus de l’arrache des arbres et de l’artificialisation des sols, le tracé de l’autoroute prévoit la destruction de zones humides et d’écosystèmes riches. Le Conseil National de la Protection de la Nature a d’ailleurs pris position contre le projet : « Le CNPN ne considère pas les arguments invoqués comme suffisants pour constituer une raison impérative d’intérêt public majeur. Ce dossier s’inscrit en contradiction avec les engagements nationaux en matière de lutte contre le changement climatique, d’objectif du zéro artificialisation nette et du zéro perte nette de biodiversité, ainsi qu’en matière de pouvoir d’achat. »

Ce projet va à l’encontre des mobilités douces qu’il faut encourager. VRAI. Selon le collectif de scientifiques Atécopol « voyager en voiture entre Toulouse et Castres émet pour l’instant 3 fois plus de CO2 que de le faire en TER et 8 fois plus que de le faire en autocar. Ce facteur pourrait monter à 25 si la ligne ferroviaire était électrifiée. »

Le projet d’A69 sera « compensé en carbone ». FAUX. Les acteurs derrière le projet ne cesse de répéter qu’il fera l’objet d’une compensation environnementale. Une compensation qui viendrait « effacer » les dommages causés… On sait depuis plusieurs années que la réalité de la compensation carbone (payer pour planter des arbres après avoir pris l’avion, etc.) n’est pas confirmée par les études scientifiques. Abattre un arbre centenaire, particulièrement efficace en captation et stockage de carbone, ne pourra jamais être compensé par le fait de planter un ou même une dizaine de jeunes plants avant plusieurs décennies.

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