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Les cercueils en carton ou champignons, écolos jusqu’à la mort

Que l’on fasse le choix de la crémation ou de l’inhumation, les obsèques sont toujours source de gaz à effet de serre et diffusent parfois des substances toxiques dans les sols. Cercueils biodégradables, « compost humain »… Des alternatives se développent pour favoriser le retour rapide – et propre – à la terre.

Le 28/10/2020 par Morgane Russeil-Salvan
"Close the Loop" ("fermez la boucle") : c'est la proposition de la start-up néerlandaise Loop et de ses cercueils végétaux. (Crédit : Loop)
"Close the Loop" ("fermez la boucle") : c'est la proposition de la start-up néerlandaise Loop et de ses cercueils végétaux. (Crédit : Loop)

C’était le premier enterrement dans un « cercueil vivant” : début septembre, aux Pays-Bas, une famille a fait le choix d’un cercueil végétal pour les obsèques de leur proche. Un « Living Cocoon” (cocon vivant) non pas fabriqué, mais « cultivé”. 

Entièrement constitué de mycélium – la partie filamenteuse des champignons – ce cercueil ne met qu’une semaine à « grandir” dans son moule. Après les obsèques, cercueil et dépouille ne mettent que deux à trois ans à se décomposer. Un processus qui peut s’étaler sur dix ans si le défunt est enterré dans un cercueil classique. 

Bob Hendrikx, « bio-designer” et fondateur de la start-up Loop à l’origine du Living Cocoon, ne s’est pas rendu à ces premières obsèques. Mais il s’est entretenu avec le fils de la défunte. “Il était heureux, car grâce à ce cercueil, elle allait pouvoir retourner à la terre et la nourrir », a-t-il déclaré au média néerlandais Metro. 

Composé à 100 % de mycélium, le Living Cocoon de Loop est également tapissé de mousse. (Crédit : Loop)

L’entreprise ne défend pas uniquement une alternative symbolique et spirituelle aux enterrements classiques. Le marketing de Loop souligne principalement la dimension « écologique” du « Living Cocoon”, de sa composition 100 % biodégradable à ses facultés de régénération des sols. 

Selon l’entreprise, les mycéliums sont capables de convertir les toxines du corps humain (micro-plastiques et autre polluants ingérés de notre vivant) en nutriments favorables à la biodiversité des sols. Ceux qui font le choix d’un cercueil de Loop seraient donc écolos jusque dans la mort. Car oui, même morts, nous « polluons » encore. 

La crémation moins polluante que l’inhumation

La Fondation des services funéraires de la ville de Paris a calculé les empreintes carbone respectives de la crémation et de l’inhumation, et c’est la mise en terre qui s’avère être l’option la plus polluante, avec 833 kg de CO2 rejeté, soit l’équivalent de 3,6 crémations. 

En cause : l’exploitation et le transport du bois des cercueils, du granit des tombes et du béton des caveaux, le transport du corps, l’entretien du cimetière… Pour limiter ce coût écologique, on peut miser sur une inhumation « en pleine terre », c’est à dire l’enterrement d’un simple cercueil de bois, sans caveau ni monument funéraire. Cette option ne rejette « que » 182 kg de CO2 dans l’atmosphère. 

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Mais l’impact d’un enterrement sur l’environnement ne se traduit pas uniquement en gaz à effet de serre. Il faut y ajouter les matières toxiques, notamment les métaux lourds – mercure, plomb et cadmium – contenus dans le corps et rejetés dans le sol. 

Autre source de pollution des sols : la thanatopraxie, pratique permettant de retarder la dégradation naturelle du corps grâce à l’injection de produits chimiques, notamment du formol. En France les soins de thanatopraxie concernent entre 25 et 30 % des décès selon le Haut conseil de la santé publique. La pratique est interdite dans la plupart des autres pays européens, sauf exception (rapatriement d’un corps, par exemple). 

Engrais pour un arbre

Anna Citelli, Raoul Bretzel, et un prototype de Capsula Mundi. (Crédit : Capsula Mundi)

Loop n’est pas la première alternative “verte” aux obsèques traditionnelles. Des innovations similaires fleurissent depuis plusieurs années. En 2019, les designers Italiens Anna Citelli et Raoul Bretzel inventaient Capsula Mundi : un cercueil biodégradable en forme d’œuf, dans lequel le corps du défunt, placé en position fœtale, sert d’engrais à un arbre planté au-dessus de la tombe. Tout un symbole. 

En France, c’est vers le carton que se sont tournées certaines entreprises, comme EcoCerc. Biodégradable, le carton est un matériaux intéressant pour les inhumations – à condition de ne pas contenir de teintures, souvent toxiques – mais est déconseillé pour les crémations. L’apport calorifique des cercueils en bois contribue à nourrir les flammes : l’usage du carton, en revanche, engendrerait une surconsommation de gaz et une émission supplémentaire de 14 à 48 kg de CO2. 

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Mise en terre sans cercueil

Pour pousser encore plus loin ce raisonnement écologique, on pourrait même se passer de cercueil. Mais ce n’est pas légal en France. Aux États-Unis, en revanche, vous pouvez choisir d’être enterré en pleine terre, enveloppé d’un simple suaire : c’est d’ailleurs ce que recommande le Green Burial Council, l’association américaine de promotion des funérailles écologiques.

En Europe, la question du retour à la terre s’est surtout invitée sous forme de débats autour de l’humusation, cette pratique qui consiste à « composter » le corps humain. L’idée est notamment défendue par la fondation belge Métamorphose. La fondation milite pour faire de l’humusation le troisième mode de sépulture légal, aux côtés de la crémation et de l’inhumation.

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En 2014, elle lançait une pétition en ligne : plus de 20 000 signatures ont été recueillies à ce jour. Elle encourage également ses sympathisants à faire figurer l’inhumation parmi leurs dernières volontés et à envoyer ce testament à leurs élus.

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