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Comment Sacha Baron Cohen est devenu le roi du prank

Borat, son personnage de journaliste raciste, sexiste et homophobe, a fait son retour dans les États-Unis du crépuscule de Trump. Un film sacré « meilleure comédie » et qui a remporté le trophée de « meilleur acteur » aux Golden Globes. Extrait de notre portrait de Sacha Baron Cohen, à retrouver dans WE DEMAIN n°33.

Le 01/03/2021 par Frederic Joignot
Sacha Baron Cohen
(Crédit : Emma McIntyre/Bafta/Getty Images)
(Crédit : Emma McIntyre/Bafta/Getty Images)

« Qu’est qu’on va en faire, d’Obama ? On va lui injecter la grippe de Wuhan ! Reprenez en chœur ! » Sur la scène aux couleurs du drapeau américain, Borat, déguisé en chanteur country, a entonné sa chanson sur le coronavirus. Dans la petite foule, certains reprennent le refrain, agitant des drapeaux Trump 2020. Très peu portent un masque, mais plusieurs arborent des fusils d’assaut et des chemises du mouvement pro-Trump QAnon.

Nous sommes l’été 2020, à un rassemblement des Washington Three Percenters, une milice d’extrême droite américaine, et Sacha Baron Cohen tourne le nouveau film de son personnage de reporter kazakh raciste, Borat, nouvelle mission filmée (sorti depuis en exclusivité sur Amazon Prime). Suite à un énorme bobard de l’équipe de production, l’acteur britannique a pu monter sur scène. Nouveau refrain  : «  Qu’est-ce qu’on va faire des scientifiques  ? On va les hacher menu, comme font les Saoudiens. » Le public crie, jubile. C’est à la fois comique et effrayant.

Retrouvez le portrait complet de Sacha Baron Cohen dans le numéro 33 de la revue WE DEMAIN, disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne

« C’est drôle parce que c’est vrai »

C’est la deuxième fois que Borat, le faux journaliste raciste, sexiste, homophobe, gaffeur et chaplinesque inventé par Baron Cohen vient faire des siennes aux États Unis. Dans son premier opus déjà, sorti en 2006, il faisait reprendre, lui qui est juif, une chanson antisémite aux clients d’un bar de petits Blancs d’Arizona  : «  Dans mon pays, il y a un problème/Et ce problème, c’est le juif/Ils prennent l’argent de tout le monde/Ils ne le rendent jamais. » 

Puis il poussait ce refrain  : «  Jette le juif dans le puits  ! » en demandant de reprendre après lui. Et des gens le faisaient. Certains tapant du pied. L’écrivaine britannique Naomi Alderman était à l’époque revenue sur cette scène dans le Guardian : « C’est drôle parce que c’est ridicule, ça parodie l’antisémitisme le plus stupide. Et, comme le meilleur humour, parce que c’est viscéralement terrifiant, jusqu’au nauséabond… C’est drôle parce que c’est vrai. »

Sacha Baron Cohen, né en 1971 à Londres, a créé le personnage grotesque de Borat Sagdiyev pour Da Ali G Show, la série comique qu’il a lancée en 2000 sur Channel 4, après avoir fréquenté la célèbre école de clowns de Philippe Gaulier, alors implantée à Londres (elle est aujourd’hui dans l’Essonne). Lunettes noires, survèt et grosse chaine en or : Ali G incarnait une caricature de jeune blanc jouant au rappeur noir. Il alternait à l’antenne avec Brüno, le journaliste autrichien gay et extraverti, cliché d’homosexuel fashion victim, et, donc, Borat le Kazakh.

Deux saisons durant (en 2000, puis en 2003-2004), les personnages du Ali G Show ont multiplié les interviews farceuses de personnalités, les déstabilisant avec des questions absurdes. C’est ainsi qu’Ali G a demandé à l’astronaute « Buzz » Aldrin si la lune existait vraiment ou s’il s’agissait d’une théorie du complot. Quant à Brüno, il a réussi à faire dire à des gens de mode que les gens mal habillés devraient être enfermés en camp. À chaque fois, ses avatars révélaient des facettes inattendues, inquiétantes, risibles ou émouvantes des invités déroutés.

De la fiction à la réalité

Suite à leur énorme succès télévisé, Sacha Baron Cohen décidait de jeter ses trois personnages dans la réalité, en réalisant avec eux quatre « documentaires » fictionnés et délirants : Ali G (2002), Borat (2006 puis 2020), Brüno (2009). Le premier Borat a été premier au box-office américain pendant deux semaines, et a rapporté plus de 260 millions de dollars au niveau mondial : un succès phénoménal pour ce film monté avec 18 millions de dollars seulement.

Dans Borat, nouvelle mission filmée, Baron Cohen envoie son journaliste kazakh sonder l’Amérique de Donald Trump en compagnie d’une jeune femme, Tutar (l’actrice roumaine Maria Bakalova), présentée comme sa fille de 15 ans, qui dort dans une cage. Le scénario veut qu’à la demande de son gouvernement, il l’offre en cadeau à Mike Pence, le vice-président américain… C’est donc pour former Tutar à devenir une « esclave sexuelle », que Borat la présente à une influenceuse Instagram blonde platine qui se revendique sugar baby, c’est-à-dire une séductrice de vieux riches. 

Peu après, Tutar et Borat se rendent dans un centre anti-avortement de Caroline du Sud dirigé par un pasteur. Borat lui raconte que sa fille a un bébé dans le ventre, parce qu’il a voulu la « régaler » – il lui a offert un gâteau avec un petit bébé décoratif. Le pasteur comprend que Tutar est enceinte de lui, et qu’elle veut avorter. Gravement, les mains jointes, filmé par une équipe rompue au tournage clandestin, il répond que tout enfant est un « cadeau de dieu », et que personne n’a le droit de l’enlever. Pas même une jeune fille de 15 ans qui dit avoir été violée par son père  !

Retrouvez la suite du portrait de Sacha Baron Cohen dans WE DEMAIN N°33

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