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Essentia : Moët & Chandon prépare l’avenir avec son conservatoire des cépages

Véritable sanctuaire de la diversité des cépages champenois, Essentia a été inauguré par Moët & Chandon en mai 2024. Présentation avec Félix Bocquet, le Directeur du développement technique et de la viticulture durable.

Le 11/06/2024 par Florence Santrot
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Vue aérienne du conservatoire des cépages Essentia, en Champagne. Crédit : Moët & Chandon.
Vue aérienne du conservatoire des cépages Essentia, en Champagne. Crédit : Moët & Chandon.

« C’est une démarche entamée depuis dix ans par la Maison. Le but est de remettre le matériel végétal au coeur de nos activités agricoles », explique Félix Bocquet, Directeur du développement technique et de la viticulture durable de Moët & Chandon. Si on se penche sur l’histoire de la viticulture, la Maison a le souci de la préservation des cépages depuis la fin du XIXe. À cette époque, le Fort Chabrol, près d’Épernay, a joué un rôle déterminant dans la crise du phylloxéra. Plus tard, en 1900, Moët & Chandon y installera la première « école pratique de viticulture » avant d’en faire un laboratoire de recherches. Depuis deux ans, la Maison, qui exploite 1 300 hectares en Champagne, a ajouté une nouvelle corde à son arc : Essentia.

« Nous avons aujourd’hui des vignobles hypersélectionnés, que ce soit les porte-greffes comme les cépages. Cela garantit la qualité et le rendement mais ils ont été sélectionnés selon les critères de sélection de l’époque, il y a plus de 60 ans. En réalité, on n’a encore jamais vraiment joué sur le matériel végétal. Avec le réchauffement climatique, cela devient une nécessité. Nous avons besoin du panel le plus vaste possible, de retrouver une diversité des cépages pour voir ceux qui s’adapte le mieux aux évolutions rapides du climat. C’est l’objectif d’Essentia », précise Félix Bocquet.

Essentia, un laboratoire de viticulture à ciel ouvert

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Vue de drone du conservatoire des cépages Essentia. Crédit : Moët & Chandon.

Initié en 2022 mais inauguré en mai 2024, ce conservatoire de cépage concentre sur une même parcelle les trois grands cépages champenois avec une grande grande diversité génétique car les viticulteurs de la Maison sont allés chercher de très anciens cépages, sur leurs parcelles ou celles de partenaires – 30-35 vignerons se sont fait connaître –, afin d’observer le plus vaste panel possible. « Essentia regroupe 1 800 accessions [déclinaisons, NDLR] des trois cépages de la Champagne, à savoir le chardonnay, le pinot noir et le meunier. Nous allons observer leur développement sur le long terme car les données significatives et représentatives n’apparaissent qu’au bout de cinq ans minimum », souligne le Directeur.

Installé sur une parcelle près du site de Romont, Essentia est le plus grand conservatoire privé de vignes au monde. Masi Moët & Chandon ne travaille pas en vase clos. Le projet a été développé main dans la main avec le CICV (Comité interprofessionnel du vin de Champagne) et l’IFV (Institut Francais de la Vigne). « Nous suivons un protocole très précis, avec des techniques communes à tous », affirme Félix Bocquet. Pour ce qui est de l’itinéraire cultural, Moët & Chandon travaille le conservatoire en bio et a intégré le projet à son programme Natura Nostra.

Natura Nostra : faire cohabiter biodiversité et viticulture

Lancé en 2021, le programme Natura Nostra est le programme de préservation de la biodiversité de Moët & Chandon. Il a été conçu pour répondre aux enjeux du changement climatique. Et Essentia s’inscrit pleinement dans ce projet. Cela passe par la création d’une trame verte qui atteindre 100 km de longueur d’ici 2027. Le but est de relier deux écosystèmes autour de la Champagne : le massif des montagnes de Reims d’un côté, et de Mont de Berru de l’autre.

Cela inclut aussi la plantation de haies et l’application de pratiques regénératives. « Sur les 4 hectares d’Essentia, nous avons 2,5 hectares de parcelles et déployons 1,5 hectare de biodiversité autour de ces espaces. Ce sont des aménagements paysagés non invasifs (arbres, zones humides, vergers…). L’idée est de créer un sanctuaire de diversité où vignes, faunes et flores coexistent au mieux », détaille Félix Bocquet.

rosier dans les vignobles
Couverts végétaux, vergers avec diverses espèces d’arbres fruitiers, agroforesterie… les solutions sont multiples pour favoriser la biodiversité. Crédit : Moët & Chandon.

Réchauffement climatique : des effets déjà visibles sur le vignoble

« En 30 ans, nous avons gagné 0,8 % de degré d’alcool. Le cycle végétatif de la vigne s’est raccourci de 20 jours. Nous avions l’habitude de vendanger fin septembre. Mais, depuis 2003, il nous est déjà arrivé à six reprises de vendanger début août. Nous constatons aussi une polarisation de la météo avec une concentration des périodes de pluviométrie et des périodes de canicule-sécheresse. Il faut s’adapter en permanence mais c’est ce que l’on a toujours fait », note le Directeur du développement technique et de la viticulture durable de Moët & Chandon.

Outre le conservatoire, le CICV explore aussi d’autres pistes, comme la mise au point d’un nouveau cépage hybride baptisé Voltis. Dans le cadre de ce programme national, cette nouvelle variété de vigne a été façonnée pour être plus résistante aux maladies (mildiou et oïdium) et nécessitant un moindre usage de produits de protection. « Nous en avons planté 60 pieds de notre côté pour observer son développement. Dans 10 ansn, nous saurons si ce cépage est intéressant et si on peut l’intégrer sur nos parcelles mais cela restera une variété parmi d’autres car nous avons besoin de davantage de diversité », indique Félix Boquet.

Enfin, les techniques de plantation évoluent aussi pour s’adapter au réchauffement climatique. Ainsi, de nouvelles vignes sont plantée en “semi-larges”, soit avec un écartement entre les rangées de pieds de vigne de 2 m (1 m habituellement). Pourquoi ? Cette technique permet aux vignes de produire plus de feuillage, ce qui contribue à diminuer la teneur en sucre et à accroître l’acidité des raisins. Avec toujours un même mot d’orde : s’adapter.

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